Le pari d'Apple et les écoles


La stratégie d’Apple de percer le monde des PC en offrant un ordinateur à prix modique, le Mac mini, a défrayé les chroniques toute la semaine. eSchool y fait écho en soulignant l’attrait du Mac mini pour les écoles. À brève échéance, je ne me fais pas d’illusion pour le Québec. …

Malgré la vétusté du parc informatique scolaire québécois, trois facteurs importants font obstacle au remplacement des ordinateurs existants par des Mac minis : la résistance des techniciens informatiques, l’attrait de Linux, et la perception du coût de la formation professionnelle.

Il y a belle lurette qu’on a installé des ordinateurs dans les écoles du Québec. La plupart ont développé une expertise Windows qui est bien ancrée, hormis quelques villages gaulois (notamment en Montérégie et en Estrie) qui ont défendu farouchement les intérêts pédagogiques contre l’invasion des économes. Mais cela a nécessité l’embauche d’une armée de techniciens qui, depuis, a étendu son réseau d’influence auprès des décideurs. Sans compter que ces techniciens ont certainement acquis une sécurité d’emploi qui consolide les remparts.

D’un autre côté, les commissions scolaires en ont ras le bol du joug Microsoft. Le coût des licences, les défaillances techniques et les problèmes de sécurité ont eu raison de leur entêtement. Elles ne sont certainement pas d’humeur à adopter une autre solution propriétaire venant d’Apple. Plusieurs d’entre elles commencent à lorgner du côté du code source libre et de Linux. Le mouvement va bon train. D’ailleurs, cette dernière solution est certainement plus acceptable aux techniciens en informatique car elle ne menace pas leur gagne-pain.

Au fil des ans, les commissions scolaires ont investi des sommes considérables dans la formation professionnelle des enseignants afin d’intégrer les TIC en classe. Le plus souvent, cette formation portait sur l’environnement Windows et les composantes de Microsoft Office. Il y a certainement une perception, de la part des commissaires scolaires, qu’il en coûterait encore très cher de former les enseignants à une nouvelle plate-forme informatique. On ne se doute pas que la plate-forme Mac est plus conviviale que Windows. Mais s’il est vrai que la plupart des apprentissages se font informellement au quotidien, les sommes englouties dans la formation aux TIC constituent un piètre investissement.

Je crois qu’Apple a plus de chances de percer le marché des écoles québécoises avec le iPod shuffle que le Mac mini. En plus de servir de support portatif aux données numériques des élèves (fini les disquettes), ce merveilleux petit appareil permet de faire du podcasting, faisant ainsi le bonheur des professeurs de langue.

Du coup, il est dommage que les commissions scolaires soient réticentes à investir dans les produits Mac. L’intégration totale du hardware et du software en font un outil d’une extraordinaire aisance d’utilisation, soit un fameux avantage pour les écoles. Et l’exceptionnelle beauté de l’interface graphique a de quoi séduire l’élève le plus blasé. Depuis ses débuts, Apple a été un partenaire actif du milieu de l’éducation. On trouve, en outre, une panoplie d’applications MacIntosh pour organiser la pensée et stimuler la créativité.

Clément vantait récemment l’innovation d’Apple, ce à quoi Michel Dumais s’est objecté. Or, le génie d’Apple transcende la technologie. La vraie innovation d’Apple est continue, comme l’évolution. Elle réside essentiellement dans la création d’ordinateurs et d’un système d’exploitation ou la machine s’adapte à l’homme (non le contraire) et qui, dans une sorte de morphogenèse, humanisent la machine. Apprivoiser l’ordinateur pour en faire un objet de jouissance requiert plus que de l’innovation, ça relève du génie.

Par ricochet :

Une école adopte le iPod

Radio étudiante et podcasting

Apprendre pour/à innover

Outils pour organiser les idées

Élucubrations économiques

Reconnaissance des TIC à l’école (ailleurs)

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4 réponses

  • J’aime bien ton analyse François. Deux choses me frappent. Le pouvoir que tu donnes aux commissaires d’écoles et l’influence des techniciens. Mais où sont les directeurs d’école dans ton équation ? Bien-sûr, ma culture en est davantage une issue du secteur privé, mais je ne peux(veux) pas croire que les gens proches de l’action soient autant à la remorque du pouvoir politique des commissaires.

    En ce qui a trait aux techniciens, je partage ton analyse à peu de choses près. Il faudra probablement que les gens de Apple y mettent du leur également pour cibler cette catégorie de personnel dans les écoles. « L’essayer c’est l’adopter »… Mettre à la disposition de gens d’influence quelques machines ne doit pas coûter une fortune, il me semble…

    Enfin, je me désole du peu de rayonnement des écoles du Québec qui sont à l’avant-garde dans l’intégration des ordinateurs aux apprentissages. Je ne dois pas faire partie des bons réseaux, car j’entends plus parler du Maine que de « Eastern Township »; je ne voudrais pas partir de polémique, mais je me pose des questions aussi sur le programme PROTIC. Comment se fait-il que cette expertise développée depuis les sept ou huit dernières années ne rayonne pas plus que cela auprès de ces fameux commissaires ?

  • Encore cette semaine, je parlais avec une directrice d’école qui vient de faire le saut vers un Mac. Ça ne fait pas deux semaines qu’elle l’a et elle mentionne qu’elle ne reviendrait plus à son PC.

    Je suis d’accord avec toi François pour dire que l’obstacle majeur demeure les services informatiques des écoles. Il faut dire aussi que Microsoft est tout à fait prédominant dans les collèges de formation technique. À quelque part, s’ils sont formés avec du Microsoft, il ne faut pas se surprendre qu’ils désirent utiliser du MS.

  • Tu poses de bonnes questions, Mario. J’ai effectivement négligé le rôle des directions d’école dans l’équation. Tu fais bien de me le rappeler. Non seulement en es tu l’exemple, mais Stéphane en apporte aussi la preuve.

    Mon erreur a été de croire que toutes les écoles et les commissions scolaires publiques sont à l’image de mon école et de ma commission scolaire. Je devrais pourtant savoir que ce genre d’induction est boiteux. Je crois néanmoins que la plupart des commissions scolaires ont tendance à centraliser les politiques et les achats se rapportant aux TIC. Les directeurs ont tout au plus un pouvoir discrétionnaire sur leur budget d’école, lequel est fort limité quant aux TIC. De plus, les directions d’école sont trop ensevelies sous la paperasse en provenance du MEQ et de leur CS pour avoir le temps d’une vision pédagogique inhérente aux TIC. J’en connais même un qui était un mordu des Mac et qui, une fois devenu directeur, a dû se convertir à Windows.

    Le cas de PROTIC est particulièrement intéressant. Si la directrice adjointe responsable de ce programme faisait corps avec ses enseignants, il y aurait effectivement plus de synergie et de rayonnement. Mais comme ils sont souvent à couteaux tirés, on préfère rester sur ses gardes. Par ailleurs, ce genre de programme marginal, lorsqu’il ne constitue qu’un volet de l’école, crée énormément de tensions à l’intérieur même de l’école. Le plus souvent, la direction craint de les mettre en évidence, de peur d’aviver les tensions entre les enseignants. On préfère les maintenir dans l’ombre.

    D’un autre côté, on peut se demander s’il ne s’agit pas également d’un problème culturel. Les médias semblent peu intéressés à parler de ce qui se fait dans les écoles. Est-ce parce que le public n’achète pas ? C’est désolant pour tous ceux qui innovent et qui font des choses extraordinaires dans la classe. Mais c’est peut-être là, justement, que réside le problème : les enseignants sont généralement de grands individualistes qui font de belles choses en solo et derrière des portes closes. Tant qu’on n’aura pas changé cette mentalité et développé la collégialité et la collaboration chez les enseignants, il sera difficile de réaliser des projets d’envergure pour attirer l’attention des médias.

  • Merci Stéphane pour la bonne nouvelle ! J’espère que d’autres cas comme celui me feront mentir quant à mon pessimisme de voir Apple gagner du terrain dans les écoles du Québec. Et ton argument au sujet de la formation des techniciens en informatique est très pertinent, à la condition d’avoir besoin d’un technicien ;-)



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