Des « canons » plus que des livres
Pourquoi voudrais-je qu’on achète des livres pour ma classe ? Qu’y a-t-il dans les manuels que je ne puisse pas trouver dans la communauté ou dans Internet ? Oui, je sais… un contenu en boîte que je suis justifié de réutiliser pendant plus de dix ans. Comme ça, l’administration et les parents peuvent dormir tranquilles : l’État a donné sa bénédiction au contenu des cours. Les manuels sont probablement le principal instrument de la transformation des enseignants en convoyeurs de contenus. …
La question n’est pas hypothétique. Mon école a demandé aux enseignants de lui faire connaître les besoins en matériel didactique pour l’implantation de la réforme. J’ai signifié à la direction le souhait que ma quote-part puisse aller à l’achat d’un projecteur multimédia ou, mieux encore, d’un tableau électronique (electronic whiteboard) pour ma classe. Il est grand temps que l’école investisse dans des TIC autres que les ordinateurs. On n’est plus dans les années 80. Je puis d’ores et déjà garantir que le facteur d’émerveillement sera décuplé.
Donnez-moi la liberté d’assouvir la soif de mes élèves. Mais pour y arriver, j’ai besoin d’un contenu actuel et pertinent, au jour près. Bombardés qu’ils sont par les médias (télévision, radio, magazines, Internet), les jeunes ont vite détecté l’information vieillotte. Et puis, n’est-ce pas justement dans l’esprit de la réforme, par le biais des domaines généraux de formation, que d’actualiser les apprentissages ? Impossible d’y arriver avec un contenu imprimé qu’on ne renouvelle pas.
Je ne crois pas davantage dans le matériel hybride qui propose d’enrichir le manuel imprimé par du contenu en ligne. L’expérience m’a appris que le ton est généralement artificiel et les méthodes répétitives. De grâce, ne laissez pas les éditeurs scolaires usurper ma créativité.
Pour ceux qui aimeraient en savoir plus sur l’utilisation d’un « canon » dans la classe, voyez Using digital projectors in the classroom et The Case for Digital Projectors in Schools (article qui s’étend sur 3 pages).
Mise à jour, 10 juillet 2007 | Les jets de lumière provenant des projecteurs pourraient endommager la vue. C’est du moins la mise en garde que font certains experts, précisant que des études approfondies sur le sujet sont nécessaires considérant leur prolifération dans les classes (BBC : Whiteboard projector safety fears).
Par ricochet :
Le livre scolaire
Tableaux électroniques pour la classe
L’anachronisme du matériel pédagogique
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Ce qui m’intrigue, c’est la réponse de ta direction et la réaction de tes collègues. Comment ont-ils réagit lors de la présentation de ta demande? À mon sens, si la demande est appuyée par une vision pédagogique cohérente, articulée et intègre (et non le simple désir de posséder le «gadget techno»), elle est loin d’être farfelue et mérite que l’on s’y penche sérieusement. Lorsque j’avais soulevé le sujet des tableaux électroniques «SMART Board», je m’étais fait répondre de ne pas «rêver en couleurs». Ben quoi, c’est beau des rêves en couleurs et puis, il en faut des gens qui rêvent pour faire avancer les choses.
« Ben quoi, c’est beau des rêves en couleurs. » J’adore. Pour répondre à la question, mes collègues ont été peu surpris de ma demande. D’une part, plusieurs d’entre eux ont les mêmes préoccupations pédagogiques que moi (il faut dire qu’on discute passablement de pédagogie dans mon entourage immédiat de travail). D’autre part, les enseignants connaissent assez mon souci d’expérimentation pour ne plus s’en étonner.
La réaction a été plus évidente de la part de la direction. Par hasard, le directeur de l’école était présent lorsqu’on a abordé ce point en réunion de niveau. Quand j’ai demandé « de la souplesse dans l’acquisition du matériel », sa réponse a été de me rassurer en soulignant son ouverture par rapport aux matériels en ligne en provenance des maisons d’édition (et je sentais une fierté de sa part de faire preuve de tant de largesse d’esprit). Après que j’aie eu précisé ma pensée concernant la richesse didactique du Web et l’utilité d’un tableau électronique, j’ai eu droit à un sourire gêné. Je devinais que dans son esprit, il anticipait le casse-tête administratif d’une demande hors norme. Je n’ai pas obtenu de réponse.
«il anticipait le casse-tête administratif d’une demande hors norme»
Tout comme l’affectif précède le cognitif, le pédagogique doit précéder l’administratif. Bonne chance! En fait, c’est idiot de te souhaiter bonne chance, car ce n’est pas là une question de chance… Bon courage à ton directeur
No Books, No Problem : un reportage intéressant de la revue Edutopia sur la classe d’un prof de chimie qui a abandonné les manuels scolaires. Hum… pourquoi est-ce que personne ne vient jamais voir dans ma classe
«pourquoi est-ce que personne ne vient jamais voir dans ma classe». Tu m’intrigues… A quoi penses-tu exactement en écrivant cela?
Tout simplement parce que ça fait des années que je n’utilise plus de manuel scolaire. Il n’y a qu’à regarder le visage éteint des élèves quand on leur demande d’ouvrir un manuel de classe pour comprendre que le mode d’apprentissage vient de se mettre au ralenti. C’est d’ailleurs un mystère que les enseignants, qui doivent nécessairement développer le sens de l’observation, ne s’en aperçoivent jamais. Ce genre de livre n’a guère d’intérêt que durant les premières semaines, le temps que s’éteigne le feu d’un nouveau bouquin. Après cela, ça n’a guère plus de piquant qu’un vieux magazine dans une salle d’attente de dentiste.
Pourtant, ces vieux magazines parlent de Britney Spears, Brad Pitt et compagnie
Sans blague, j’étais la semaine dernière au National Council of Supervisors of Mathematics et j’ai assisté à une présentation d’un chercheur de TERC (http://www.terc.edu : «a not-for-profit education research and development organization dedicated to improving mathematics, science, and technology teaching and learning»). Dans celle-ci, il avançait que l’influence du manuel scolaire sur les pratiques était de l’ordre de 90-95%. Le constat, malheureux, qu’il enchaîne suite à cela :
Gagnant : le manuel scolaire
Perdant : le développement professionnel
Certains diront qu’il s’agit d’une recherche faite aux États-Unis, dans un état «x» et que cela ne s’applique donc pas nécessairement ici. Peut-être, mais cela soulève l’importance de redonner à toutes et à tous le plein contrôle sur son jugement pédagogique et sa confiance en celui-ci. Il est clair pour moi qu’aucun livre ne peut être adéquat si l’on veut respecter le sens «profond» de la réforme. Cela ne sera pas facile, mais si l’on parvient à bâtir de solide communauté de pratique, on pourrait être surpris du résultat. Bien sûr, cela ne se fera pas du jour ou lendemain.
Si je comprends bien, Patrick, ce que tu soulèves dans le commentaire ci-dessus va dans le même sens que ce que nous avançons. Je devine ici que l’on parle « d’influence du manuel scolaire sur les pratiques » des enseignants, et non sur les apprentissages des élèves. Par conséquent, cela ne fait qu’étayer la thèse voulant que les manuels sont néfastes pour la pratique professionnelle. Dans tel cas, le commentaire n’est pas seulement pertinent, mais très important.
«Je devine ici que l’on parle « d’influence du manuel scolaire sur les pratiques » des enseignants».
En effet, mon commentaire va dans ce sens.
«Par conséquent, cela ne fait qu’étayer la thèse voulant que les manuels sont néfastes pour la pratique professionnelle». À mon avis, le manuel ne reste qu’un objet, ni mal ou bien en lui-même Pour moi, ce qui est néfaste est de renoncer à se forger et à utiliser un jugement professionnel éclairé pour guider nos actions. Facile à dire, parfois difficile à vivre dans le quotidien tumultueux où le réactif prend le dessus sur le proactif.
Bonjour François!
Si ta direction n’est pas prête à considérer l’achat d’un tableau blanc interactif, peut-être serait-elle plus convaincue si elle avait l’occasion de le voir à l’oeuvre? Je te rappelle que chez De Marque, avec notre ACTIVboard, nous avons un programme de prêt d’une demi-année scolaire pour les enseignants vraiment motivés à en faire l’essai. N’hésite pas à me contacter pour en discuter… Ça ne coûte rien d’essayer! Il y a encore énormément de chemin à faire au Québec pour faire connaîte ces nouveaux outils, et on peut comprendre les réserves de ceux qui n’ont jamais vu cela, mais jusqu’à présent, tous mes tableaux prêtés ne sont finalement pas revenus… Voici l’adresse du site d’info : http://promethean.demarque.com, ainsi que celle du blogue de mes ACTIVboards : http://carnets.demarque.com/activboard