La thérapie du blog


Il m’arrive régulièrement, depuis quelque temps, d’être abattu par mon travail. Je constate que plusieurs collègues sont aussi affectés. Les raisons de cette morosité, quoique professionnelles, ont peu d’importances ici. Ce qui m’étonne, c’est le bien-être retrouvé chaque fois que je publie un billet. L’écoeurement ou la rage cèdent à l’allégresse. Suis-je le seul à trouver une valeur thérapeutique aux blogs ? …

Comme il arrive souvent éducation, il semble que la plupart discussions et des analyses sur les blogs aient négligé les aspects affectifs de l’écriture carnetière. Les facteurs qui contribuent au bien-être sont pourtant nombreux.

- La liberté d’expression : Les vertus de l’extériorisation ont été suffisamment soulignées par la psychanalyse. Quand quelque chose me pèse, j’éprouve une immense satisfaction à vider mon sac. Cela m’arrive à l’occasion, comme certains lecteurs ont dû s’en apercevoir, mais pas aussi souvent que j’aimerais. Maintenant que je le réalise — un autre exemple du pouvoir créatif de la réflexion (voir le point suivant) — je devrais débrider ma plume plus souvent. Il est rassurant de savoir qu’on dispose de la possibilité et du moyen d’exprimer sa pensée. Les blogs permettent de dire ouvertement les choses, contrairement au tact (ou à l’oppression) qui retient normalement notre langue.

- La perception de créativité : L’expression est une forme de création (en tant qu’exercice de synthèse). L’écriture accentue encore le sentiment de productivité parce que l’effort est plus grand et la pensée mieux structurée. Ce sentiment est encore accru par la publication, d’où l’attrait des blogs. Il s’en suit une légitime fierté que Martin a plaisamment laissé poindre dans son billet 365 jours et zéro seconde pile. Nous connaissons tous la satisfaction qui jaillit de la réalisation de soi. Cela nous élève au-dessus de la bêtise de ceux qui nous empoisonnent l’existence.

- Le sentiment d’être entendu : À défaut de l’humanité de nos dirigeants, il fait bon penser que nos paroles sont lues par un public empathique. Les blogs ont l’avantage de soumettre nos opinions à la critique du public. En cela, ils diffèrent du journal intime. Même en l’absence de commentaires des lecteurs, c’est un palliatif à la sourde oreille des gestionnaires. Cependant, il faut reconnaître qu’on ne peut pas s’adresser à nos dirigeants chaque fois que quelque chose nous dérange. On n’aime pas les râleurs, mais on estime ceux qui ont le courage de dire : la nuance est affaire de jugement.

- La perception d’appartenance à une communauté : Le travail nous impose souvent les collègues, tandis que les blogs entraînent des communautés d’échange plus harmonieuses. Cette collégialité crée une synergie salutaire. La réciprocité confère un sentiment d’appartenance que les entreprises cherchent par tous les moyens à créer, généralement sans succès. Chaque commentaire, aussi bénin soit-il, contribue à renforcer les liens qui unissent la communauté. Or, plusieurs chercheurs, dont Maslow, ont souligné le caractère fondamental de l’appartenance sociale.

Récemment, la surabondance d’information a obligé les blogueurs à limiter leurs interventions ou à migrer vers de nouvelles applications sociales plus spécialisées (43 things, Last.fm) ou moins interactives (del.icio.us, Furl). La communauté s’en trouve affaiblie, du moins pour ceux qui y trouvent un réconfort.

Mise à jour, 1 juin 2006 | Selon le Pew Internet, la moitié des blogueurs considèrent ce moyen d’expression comme une forme de thérapie (Union-Bulletin : Many bloggers see their online journals as form of therapy).

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