Le travail supplémentaire des enseignants
Une étude anglaise indique que les enseignants font plus d’heures supplémentaires non payées que toute autre profession (BBC : Teachers top unpaid overtime poll). Sur la base d’une semaine de 40 heures, les enseignants travaillent en moyenne un excédent de 11 heures et demie. Cela représente une somme annuelle de 9 892 £ (23 450 $ CAD). Basée sur des données du bureau des National Statistics, l’étude menée par la TUC (Trades Union Congress) comprend un tableau comparatif (PDF). Pourquoi est-ce que cela me fait tant damner ? …
Rien n’indique que la situation soit différente au Québec. Et personnellement, y en a marre de travailler comme un dingue dans une profession où le niveau de stress est parmi les plus élevés, le leadership déficient et les ressources rarissimes. Si seulement, quelque part, il y avait un peu de reconnaissance pour ce bénévolat, autre qu’une semaine nationale qui ne fait qu’attirer l’attention sur notre misère, le bat blesserait moins. C’est pas si compliqué : il s’agit d’appliquer les mêmes principes qu’un bon enseignant utilise pour motiver les élèves.
Un enseignant qui veut être à la hauteur n’a d’autre choix que de sacrifier du temps personnel à la tâche. Les exigences sont nombreuses : s’informer des tendances et de la recherche professionnelle, innover dans sa pratique, concevoir des activités pédagogiques et du matériel pédagogique adapté à ses élèves, collaborer avec ses collègues, trouver des solutions aux problèmes particuliers de ses élèves, et j’en passe. Pareil investissement de temps nécessite une grande motivation. Quand les administrateurs chicanent pour que chaque minute réponde à la convention collective et que le gouvernement rabaisse le travail des enseignants au moment des négociations, je comprends ceux qui abandonnent la partie ou qui se tournent vers l’enseignement remâché des manuels.
Dans mon cas, qui n’est pas unique à en juger par le travail de plusieurs de mes collègues, les heures supplémentaires s’élèvent à bien plus que 12 heures par semaine. L’exercice que j’ai fait pour le compte de la FSE, il n’y a pas si longtemps, totalisait 31 heures pour une semaine donnée. Mais pour un calcul rapide, soyons conservateurs et retenons les données de l’étude anglaise. En multipliant 11 heures et demie par 36 semaines de présence en classe, on arrive à 396 heures supplémentaires par année. En supposant un tarif horaire de 30,00 $ (en deçà de la moyenne, et loin d’être exagéré pour un professionnel diplômé), cela fait 11 880 $ annuellement. Après 35 ans de métier, cela totalise la jolie somme de 415 800 $. Et je ne compte pas les intérêts cumulés. À cela s’ajoute les irritants de devoir payer mon ordinateur et autres achats professionnels (pas même déductibles de l’impôt).
Des fois, j’ai l’impression qu’on nous prend pour des cons. Et qu’on ne vienne pas me bercer avec des histoires mielleuses où je suis sensé trouver réconfort dans les regards étincelants des élèves. Malgré que ce soit une de mes rares satisfactions, l’argument est naïf. Je suis un professionnel, non un missionnaire.
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