Les salles d'attente scolaires
Il y a un principe en éducation physique qui veut que l’efficacité d’un cours se mesure au temps où un élève turbine. Comparez une classe où les enfants driblent chacun un ballon, et une autre où les élèves driblent un seul ballon, à tour de rôle. Or, il en va de même de la gymnastique de l’esprit. On a plus à gagner en éducation en faisant en sorte que les élèves s’activent qu’à écouter un enseignant qui agite les babines. …
Le sujet a été soulevé par Gilles dans un commentaire sur un billet récent.
une très grande proportion des enfants [...] s’ennuient [dans nos écoles] parce qu’ils doivent attendre. Oh! je sais, il y a une attente sereine, dont on doit faire l’apprentissage. Je parle de l’attente malsaine, celle qui fait qu’un élève plus vite que les autres doit attendre que le reste de la classe ait compris; celle qui fait que l’élève qui n’a pas compris doit attendre qu’on lui explique de nouveau; celle qui fait que l’élève qui a compris le troisième coup doit attendre que celui qui a besoin d’une quatrième explication l’ait; celle qui fait qu’il doit attendre la disponibilité du prof alors que ce dernier est pogné avec 1 ou 2 élèves qui capotent complètement parce qu’il n’y a pas de service particulier pour ces élèves dans l’école, celle qui fait que si on aime les maths, on doit attendre le bon moment de la journée pour que tout le monde, ensemble, on en fasse, etc.
L’attente malsaine : c’est un des grands bobos du système. C’est celle où l’élève est la remorque du prof, où on ne reconnaît pas l’autonomie-en-developpement de l’élève. Cette attente crée des élèves passifs, endormis, dépendants.
Je ne saurais pas me montrer plus éloquent sur l’aberration de faire attendre de jeunes esprits qui piaffent de s’abreuver à la vie. Pour plusieurs, un cours ressemble à une salle d’attente, d’où l’essentiel se résume à une consultation de cinq à dix minutes avec le docteur. Pour d’autres, moins chanceux, la séance évoque un cabinet de dentiste, avec ses interminables drills.
Les savoir-faire et les compétences passent nécessairement par l’objectivation des connaissances. Donnons de la latitude à l’élève pour opérer ses apprentissages. Dave Munger m’a fait découvrir un bénéfice secondaire des élèves actifs : l’acquisition d’une multitude d’apprentissages connexes en périphérie des tâches et des objectifs visés.
We can learn things even when we’re not consciously trying to. For example, if we try to learn a set of shapes, some of which are relevant to the task, and some of which are not, we’ll often end up learning the irrelevant ones as well.
Comme le disait Jean Houston, nous possédons tous l’extraordinaire codé en nous, attendant d’être libéré.
Par ricochet :
Synthèse de l’apprentissage individualisé
Les quatre pratiques d’un milieu ouvert
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Un aspect peu documenté de cette ‘attente’ si elle est mal gérée dans une classe, c’est l’isolement et l’exclusion que cela peut provoquer pouvant même mener à l’ostracisme envers ‘ceux qui attendent’, surtout S’ILS SAVENT ATTENDRE en s’occupant à quelque chose d’intéressant (lire un roman, par exemple) pendant que la majorité doit continuer à ‘suivre le prof’. (Faits vécus à l’appui)
Bon point soulevé par Jean. C’est un aspect que j’avais négligé, certainement parce que j’enseigne dans un programme où les élèves sont triés sur le volet et où, par conséquent, le fait de vaquer à d’autres activités d’apprentissage n’est pas perçu comme une anomalie. C’est le danger, pour les enseignants de ces programmes marginaux, de perdre le contact avec la réalité que vit la majorité des enseignants.
Mais maintenant que je me rappelle le temps où j’enseignais à des élèves de la formation générale, je revois effectivement des cas d’élèves ostracisés parce qu’ils s’occupaient en classe.
Moi j’étais de ses élèves qui vivaient l’attente scolaire. Par contre, après quelques semaines, les enseignants me connaissaient et ils faisaient mine d’ignorer les romans et autres livres qui traînaient sous mon pupitre. Pourquoi m’emmerder à attendre alors que tant de personnages historiques valeureux m’attendaient en ces pages surtout que j’avais très bien compris le contenu. C’est là que le tacite prend tout son sens dans le métier d’enseignant selon moi.
Le propos de Christine prend tout son sens dans le commentaire « … surtout que j’avais très bien compris le contenu. » L’expérience m’a appris que 9 fois sur 10, l’élève est en mesure de déterminer s’il a compris ou pas. Et le plus souvent, il le sait mieux que moi. Dans le doute, c’est à moi d’intervenir afin de m’en assurer ou de lui en faire prendre conscience. Par conséquent, je n’ai aucune objection à ce que l’élève s’affaire à d’autres tâches durant mes cours, même s’il s’occupe à faire des travaux donnés par d’autres enseignants. Je trouve même ça intelligent de sa part qu’il gère aussi bien son travail scolaire.
Je suis toujours fasciné par la logique boiteuse des enseignants qui s’imaginent que tous les élèves ont besoin d’écouter ce qu’ils ont à dire, et que les élèves vont tous avoir compris en même temps au moment précis où ils vont se taire.
Je suis tout à fait d’accord avec toi et Christine… j’ai aussi fait partie de ces élèves qui devaient attendre et comme Christine, les enseignants ne se souciaient pas du fait que je faisais autre chose.
De mon côté d’enseignant, je comprends que certaines élèves passent à autre chose. Mais la chose qui m’embête un peu plus est quand des élèves me posent une question et sans même attendre l’explication se remettent à lire… ou encore lorsque des élèves qui font autre chose reviennent à la fin d’un cours et me posent une question sur quelque chose de simple que j’ai expliqué pendant qu’elles lisaient.
Cette question est de plus en plus nécessaire en fin d’année alors que la révision débute et que certaines élèves ont compris la matière et que d’autres sont mêmes exemptées des examens de fin d’année.
Si je peux me permettre, Mathieu, j’ai toujours trouvé qu’un petit reproche amical à un élève qui pose une question sur ce que je viens d’expliquer en classe, alors qu’il s’affairait à autre chose, amenait une gêne qui contribuait à son éducation. Ce n’est pas infaillible, bien sûr, mais ça valorise le rapport humain dans l’enseignement. Une autre façon de remédier un tant soit peu à ce problème est d’annoncer régulièrement, et clairement, le propos qu’on s’apprête à aborder ; c’est une façon d’attirer l’attention des élèves que cela peut intéresser.