L'importance de la forme


Il n’y a pas d’opposition entre la forme et le fond, mais une union. Ils sont aussi indissociables que le corps et l’esprit. Le problème, c’est qu’on oublie généralement d’assurer leur accord, ce qui donne des résultats boiteux. L’école accuse un sérieux penchant pour le contenu, au point où elle donne de la bande. À sa décharge, les programmes portent le joug des contenus. Les nouveaux programmes cependant, en misant sur les compétences, revalorisent la forme. Il y a fort à craindre, toutefois, que les vieilles habitudes subsistent. …

Si les enseignants pèchent par le contenu, c’est parce que la forme leur est si familière qu’ils croient que cela va de soi. Mais le plus souvent, ils cèdent à la facilité, car la forme a une valeur qualitative plus difficile à cerner. Le contenu, pour sa part, possède une certitude rassurante pour les éducateurs.

Ne nous y trompons pas : la forme n’est pas cette chose superficielle que la plupart des gens balaient du revers de la main. Les artistes, eux, l’ont compris. La forme possède une structure et un langage qui donnent du relief au contenu. Il ne faut pas la confondre avec ces fanfreluches qui enrobent le contenu pour en faire oublier la fadeur.

On oublie que le contenu, en raison de sa spécificité, a une bien faible portée, tant au niveau du sens que de la durée. C’est qu’il en faut beaucoup avant d’assembler un produit d’intérêt, qui n’en demeure pas moins éphémère. La forme, au contraire, est une composante transférable ; il suffit d’accorder le contenu au sujet. Les blogues constituent d’ailleurs un fameux exemple de l’efficacité de la forme, nonobstant la valeur du contenu.

La forme éclaire le contenu. Voilà la thèse au regard de l’écriture que défend Stanley Fish, doyen de l’Université de l’Illinois, dans Devoid of Content :

Most composition courses that American students take today emphasize content rather than form, on the theory that if you chew over big ideas long enough, the ability to write about them will (mysteriously) follow. The theory is wrong. Content is a lure and a delusion, and it should be banished from the classroom. Form is the way.

Dans un monde où l’image prend une importance démesurée, la forme revêt une importance qui jure avec l’austérité de l’école et son obsession pour les connaissances déclaratives. Cela contribue sans doute à ternir l’école aux yeux des élèves. Celle-ci gagnerait à tirer quelques leçons dans la façon dont les entreprises ont recours à la forme pour intéresser le public. Comme le fait remarquer Kathy Sierra, une tâche ne doit pas seulement être une activité, mais une expérience.

Malheureusement, le souci de la forme exige des ressources que l’école n’a pas. Le contenu, lui, reste bon marché.


Par ricochet :
De l’importance de la beauté

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2 réponses

  • « Malheureusement, le souci de la forme exige des ressources que l’école n’a pas. Le contenu, lui, reste bon marché. »

    Tu m’intrigues. Quelles ressources l’école n’a-t-elle pas qui empêchent d’avoir le souci de la forme ?

  • Je ne veux surtout pas laisser entendre que certaines ressources « empêchent [l'école] d’avoir le souci de la forme ». Je regrette d’avoir donné cette impression, car cela n’est certainement pas le cas. Mon propos est plutôt à l’effet que l’on a tendance à négliger la forme au profit du contenu.

    Pour répondre à la question de Benoit, je vois trois types de ressources à incidence monétaire dont les lacunes nuisent à l’harmonie du fond et de la forme :

      • les infrastructures pour l’enseignement des arts ;
      • la formation professionnelle des enseignants ;
      • les TIC.


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