Les pharmaceutiques visent-elles les jeunes ?
Après le Ritalin, c’est maintenant sur les somnifères qu’il faudra porter notre attention. Une étude révèle que la consommation de somnifères chez les enfants et les adolescents a augmenté de 85 % de 2000 et 2004 (New York Times : Sleeping Pill Use by Youths Soars, Study Says). Fait inquiétant, les campagnes de marketing des compagnies pharmaceutiques ne seraient pas étrangères à cette hausse fulgurante. Sans déceler l’ironie de leurs propos, les dirigeants de Sepracor avouent que leur campagne de publicité initiale pour Lunesta (un somnifère) rivaliserait celle de McDonald’s.
Il semble que les parents et les médecins ont de plus en plus recours à la médication pour remédier aux problèmes de santé et de comportement des enfants. De plus, les filles seraient de plus grandes consommatrices de somnifères que les garçons. C’est d’autant plus étonnant que ces médicaments n’ont généralement pas été approuvés pour les jeunes.
Few of the prescriptions given to children and young adults have the approval of the Food and Drug Administration because no sleep medication has been approved for use in children under 18. Still, doctors commonly use medications for patients and disorders for which the drugs have never received formal approval, particularly when those patients are children.
Et plus inquiétant encore, selon un professeur de psychiatrie de la Harvard Medical School, la publicité tait les déboires associés aux somnifères.
Lunesta doesn’t work that much better than a sugar pill; it impairs your cognitive performance the next day, and as soon as you stop taking the drug your insomnia comes right back.
En tant qu’éducateurs, il faut se demander si le stress associé à la performance scolaire n’est pas une cause d’insomnie chez les jeunes.
Par ricochet :
Le stress des examens
Le stress occulte la mémoire
Multitasking, mémoire et déficit d’attention
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Un autre problème avec les somnifères, c’est qu’après un certain temps le corps s’habitue et ils ne sont plus très efficaces. Ils commencent même alors à avoir l’effet contraire. Je lisais aussi récemment les résultats d’une étude qui montrait que le Ritalin, pour peu efficace qu’il soit vraiment, n’est de plus aucune utilité après quelques semaines.
Le recours aux médicaments tient de la philosophie du « quick fix », de la solution rapide. Ça permet de ne pas trop mettre d’effort dans la résolution du problème tout en garantissant l’absence de remise en question. Après tout, si une pilule règle le problème, pourquoi se demander quelle est la source de l’insomnie ou de l’hyperactivité (qui n’est pas que génétique). (En rapport avec ce sujet, voir le billet de CPU sur la télévision.)
Peu de psychotropes ont été approuvés pour les personnes de moins de 18 ans, dont le métabolisme n’est pas toujours identique à celui des adultes. Et très peu d’études ont été faites sur leurs effet à long terme. Il y a quelques mois d’ailleurs, Santé Canada a émis plusieurs avis contre la prescription de certains antidépresseurs aux enfants.
La stratégie de plusieurs compagnies pharmaceutiques est de prendre les produits qu’ils ont déjà développés et de les mettre en marché pour d’autres publics cibles (on a vu des antidépresseurs proposés contre le SPM, des anxiolytiques durs comme somnifères, etc.). Faut dire que ces compagnies dépensent plus en marketing qu’en recherche. Et, comme dans bien d’autres domaines, le marketing vise de plus en plus les jeunes.
Addendum: CPU = Creating Passionate Users.
En ce qui concerne l’usage du Ritalin et du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), je vous réfère au numéro d’octobre de Québec Science.
Ce trouble serait d’origine neurologique et le Ritalin efficace. Le problème serait davantage lié aux difficultés diagnostiques qui fait en sorte que le Ritalin est souvent prescrit sur la base d’un diagnostique TDAH erroné.
Par ailleurs, comme enseignant, j’ai vu à quel point le Ritalin peut être bénifique pour certains élèves.
Ah oui! J’estime que, particulièrement au premier cycle du primaire, on ne devrait pas hésiter à avoir recours au Ritalin.
Les enfants au prise avec un TDAH développent des difficultés de comportement et accumulent des retards scolaire inutilement avec les conséquences que l’on imagine sur sa confiance en lui et son estime de soi.
Et le jour où l’on se décide à avoir recours au Ritalin, l’enfant se retrouve avec tout travail de rattrapage à faire en terme scolaire, d’adaptation, de reconquête de la confience en soi et de l’estime de soi.
En fait, ce qui est d’origine neurologique n’est pas exactement le TDAH, mais bien la propention à ce trouble. Les conditions environnementales ferons que ce trouble se développe plus ou moins ou pas du tout. Ce qui explique d’ailleurs l’augmentation des cas (même une fois que les faux diagnostiques sont éliminés). Il a été par ailleurs démontré depuis longtemps que, dans la plupart des cas, plonger l’enfant dans un environnement sain réduit grandement le TDAH.
Il est sûr que dans l’état actuel des choses, cette solution est difficilement applicable. Nous vivons dans une société qui tend à exacerber tous les troubles de la personnalité, où le stress sous toutes ses formes est souvent constant. Le Ritalin devient donc une des rares solutions pratiques, en particulier avec les ressources qu’on a, et la possibilité limité d’intervention. C’est à quelque part malheureux que nous soyons rendus à ce point.
Le problème, comme le souligne si bien Marc André, ne porte pas tant sur l’efficacité du Ritalin que sur un système scolaire contraignant qui rejette ceux qui ne se conforment pas à un certain moule normatif. Que l’on oblige des enfants à prendre de la médication pour entrer dans le moule est absolument désolant. Au moment où l’on met davantage l’accent sur les savoir-faire, il devrait être plus facile d’intégrer les enfants aux prises avec le TDAH. Mais la plupart des enseignants trouvent extrêmement difficile de composer avec tout ce qui n’est pas uniforme. Non pas que je blâme ces derniers ; le système est ainsi fait que par obsession pour l’efficacité et la performance, on gère les masses ; quant aux mésadaptés, on les relègue aux spécialistes. Au risque de paraître cynique, j’y perçois un relent d’eugénisme.
Je ne nie pas nécessairement la position d’André, car il est évident que le Ritalin a été salutaire pour « certains élèves », comme il dit si bien. Les parents, après tout, n’ont souvent d’autre choix que de recourir à la solution la plus pragmatique. Pour plusieurs, le choix est certainement déchirant. Mais il serait souhaitable que les médecins soient plus rigoureux dans leurs critères de prescription. Évidemment, il ne faut pas compter sur la collaboration de l’industrie pharmaceutique.
Misère !
Ritalin et semblables sont des drogues dures point.
Je serais curieux de voir ce qu’est un cerveau «normal» alors qu’il est capable de défaire ou d’établir des connections quasi à volonté.
La question de base est la valeur que l’on accorde à la parole et aux comportements des enfants. Comme à celle des autistiques ou des personnes âgées, trois cibles de prédilection des médicaments psychiatriques, trois cibles avec peu de défenses. Facile.
Il y a avait des enfants hyperactifs dans les classes il y a trente ans. On n’avait pas la solution facile de la drogue pour en venir à bout et ils finissaient pas se contrôler eux-mêmes.
Essayez-le vous même le Ritalin avant d’encourager des enfants à en prendre. Voyons voir avec quel enthousiasme vous dirigerez votre classe.
Un amphétamine avec ça ?
Denys Lamontagne
Je m’oppose aux médicaments pour les jeunes. Mais il y a des cas d’exception, des enfants qui seraient dysfonctionnels sans médication. J’en connais personnellement quelques-uns qui ont été sauvés par un médicament ou un autre. Je ne suis pas si sûr que tous ces jeunes qui éprouvaient des problèmes, il y a trente ans, aient tous réussi à s’en remettre sans coup férir ; je ne serais étonné que plusieurs parmi eux aient décroché de l’école.
On ne peut pas mettre en doute si facilement la science moderne. Ce qu’on peut remettre en question, par contre, c’est l’utilisation que l’on fait des découvertes scientifiques. Dans le cas de la pharmacologie pour enfants, on en abuse assurément. Avec quelques réserves, je suis plutôt de l’avis de Denys qui dénonce l’aisance avec laquelle on prescrit le Ritalin.
Comme M. Lamontagne a cru bon de laisser son commentaire sur mon carnet Web, c’est là que je lui donne la réplique.