Attaque de texto
Il est étonnant que personne n’ait soulevé l’inconvenance du commentaire en texto, nonobstant le tutoiement, sur le blogue d’André. Tant de complaisance me porte à croire que la langue évolue très rapidement. Cela signifie que j’aurai été trop sévère dans mon admonestation à l’endroit d’un élève après son commentaire sur un de mes billets.
Par ricochet :
Les tics de la langue
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Je crois que certains élèves ont de la difficulté (ce qui n’excuse pas tout) à se mettre au niveau du discours. Certain prof laisse leurs élèves les tutoyer alors que d’autres pas. Je crois que des balises claires ne peuvent que les aider.
Je ne lis jamais, JAMAIS, J A M A I S, le texto. Et je ne commente plus ceux qui écrivent dans ce «style» de paresseux.
Si ce commentaire avait été fait sur mon blogue, je l’aurais tout simplement supprimé pour ne pas en affliger la lecture à mes lecteurs. J’aurais (peut-être!) envoyé un courriel à son auteur pour l’informer de la suppression et lui demander gentiment de le réécrire s’il juge que son idée en valait la lecture.
Je viens de lire un long billet écrit par un prof qui veut bien essayer les outils « modernes » : http://www.cent20.net/article.php3?id_article=51 .
Je crois qu’il vaut la peine d’être lu dans l’optique où nous avons tous à se demander jusqu’à quel point doit-on aller sur le territoire de l’autre pour qu’il accepte de venir sur le nôtre ?
Je crois fermement que nous devons chercher à obtenir (conserver quand c’est gagné) chez l’autre (élève, étudiant, voir même son propre enfant) « sa permission » de l’influencer sans risquer de devenir familier au point de perdre sa crédibilité d’adulte et d’éducateur qui n’est surtout pas un ami, mais un guide, en quelque sorte avant de devenir une autorité.
Par notre comportement, nos répliques, nos réparties, nos fermons tellement de portes qui structurent l’identité d’apprenant des jeunes. Nous en ouvrons aussi que nous ne sommes pas toujours capables d’assumer…
Enfin, je crois que nous devons moins corriger que fixer nos limites et les respecter.
Ma première réaction, à la vue du commentaire en texto sur le blogue d’un adulte, a été analogue à celle de GIlles. J’étais outré. Mais le phénomène est trop important pour être balayé du revers de la main. Cela me rappelle l’avènement des TIC. Toutefois, on ne saurait accorder la même importance à la technologie qu’à la langue. Le phénomène mérite qu’on s’y arrête pour le comprendre.
Pour l’instant, je penche davantage du côté de l’analyse avancée par Mario. Je suis encore déchiré par la question. Je me contente, pour l’instant, de rassembler les idées. J’espère trouver le temps de les synthétiser.
Quant au tutoiement, je demeure choqué qu’un jeune tutoie familièrement un adulte à qui il s’adresse pour la première fois. Dans un contexte de fréquentations régulières, comme à l’école, je suis entièrement d’accord avec Éric à l’effet qu’il revient à l’adulte de définir clairement les balises.
François, je ne suis pas « outré » par le phénomène. Mais en tant que lecteur, je fais le choix de ne pas lire le texto car cela me prend beaucoup trop de temps à « traduire ». Or mon temps accordé à la lecture est, comme tout le reste, limité. Je préfère ne pas le perdre à de la possible vaine traduction. Qu’un auteur veuille écrire ainsi, c’est son affaire. C’est la mienne de ne pas le lire.
C’est pour cette raison que je ne visite à peu près pas les blogues d’ados : c’est beaucoup trop « long » à lire…
Désolé de t’obliger à préciser ton propos, Gilles. La formulation de mon commentaire laisse effectivement entendre que tu étais outré, alors que je décrivais mon état d’âme. L’utilisation à « analogue » pour qualifier ma réaction était insuffisante pour dissiper le malentendu. Quoi qu’il en soit, je suis content de ne pas être le seul à réagir à cet argot.
Bonsoir François,
J’ai lu ton billet et les commentaires qui l’accompagnent hier soir, mais l’heure d’aller au lit était déjà passée. Je n’ai donc pas réagis tout de suite et c’est très bien ainsi. De toute manière, je me serais probablement accordé un temps de réflexion, car je dois avouer que j’ai été un peu dérouté par la nature et l’intensité de ta réaction et de celle de M. Jobin. Je dois t’avouer que je ne comprends pas trop. Peut-être que je comprends tout simplement mal. Enfin, je vais tout de même donner ici mon point de vue. Cela me paraît nécessaire.
Tout d’abord, je ne comprends pas pourquoi tu compares la situation du commentaire sur mon carnet avec celle où, sur ton propre carnet, tu admonestes gentiment un de tes élèves pour la qualité de son orthographe. Car, à mon avis, plusieurs choses déterminantes distinguent les deux situations. Distinctions qui, je crois, appellent des réactions différentes. Louis-Vincent est ton élève, tu es son professeur, tu es, si je ne m’abuse, à l’origine du carnet Web scolaire qu’il utilise, vous vous connaissez, vous avez une relation pédagogique et humaine bien établie. Tout cela fait en sorte que ton intervention était, toujours à mon avis, parfaitement justifiée.
Or, je ne connais pas du tout Alex. Ce n’est certainement pas un de mes élèves. Je n’enseigne pas cette année. À la limite, je ne saurais même pas dire s’il s’agit d’un garçon ou d’une fille car Alex pourrait très bien être le diminutif d’Alexa ou d’Alexandra. J’admets bien qu’Alex manque de manière en utilisant le texto et en me tutoyant. Mais ce n’est pas là ce que j’ai choisi de retenir en premier lieu. Le fait que le mot merci revienne à deux reprises en quatre lignes m’est probablement apparut suffisant pour passer l’éponge dans les circonstances: manque de manière certes, mais pas de manque de respect et pas de grossièreté. Il y a là, pour moi, une énorme différence.
C’est cette différence qui m’a amené à choisir de centrer mon intervention sur la réponse à sa question, l’encouragement à poursuivre sa démarche ( en donnant d’autres ressources de qualité :o)) et sur une invitation à l’autoévaluation ( Est-ce que ça bien été? Es-tu satisfait de ton travail?).
Je n’ai pas choisi la technologie au dépends de la langue. Dans ces circonstances bien précises, j’ai choisi de donner la priorité à l’accueil sur toutes autres considérations, ce qui n’a rien à voir avec le fait de jouer « copain, copain » avec des élèves d’ailleurs. Sur ce point, je suis parfaitement d’accord avec Mario, c’est à proscrire.
Peut-être qu’une adroite intervention sur la question des convenances aurait très bien pu être faite sans compromettre l’attitude d’ouverture. Possible. En y réfléchissant, très possible même. Il y a rarement une seule manière de réagir qui soit adéquate. Mais une chose est certaine pour moi, je n’effacerai pas ce commentaire. J’ai lu des commentaires dont la teneur et la maladresse étaient franchement nettement plus conséquentes que l’inconvenance du commentaire d’Alex sans que personne sur la carnetosphère ne suggère une telle idée.
Bref, tout cela est une application circonstanciée du très juste et très pertinent principe général énoncé par Mario « nous devons moins corriger que fixer nos limites et les respecter. ». Mes limites sont probablement tout simplement différentes.
Je ne crois pas me tromper, André, en réduisant l’essentiel de ton commentaire au respect des divergences d’opinions et de réaction. Dans tel cas, tu as tout à fait raison. Mais n’est-ce pas le sel de la vie ? Quoique cela nous heurte toujours un peu de prime abord (parfois beaucoup, en ce qui me concerne), les divergences raffinent nos positions. Par ailleurs, j’envie ta sagesse de laisser décanter tes émotions.
Cela dit, je crois que nous avons tous deux amplifié le ton des commentaires, moi d’abord à propos du premier commentaire de Gilles, puis ton propos ci-dessus. Je ne nie pas mon indignation initiale, mais le fait d’accepter un langage aussi iconoclaste que le texto de la part d’un étranger, sans broncher, m’intéresse surtout comme phénomène langagier et social. Les réactions d’un individu sont bien secondaires. Je ne blâme certainement pas personne de ne pas avoir rabroué l’auteur du commentaire ; après tout, je n’avais qu’à intervenir moi-même.
Dans le cas précis de ce jeune demandant de l’aide sur ton blogue, tes raisons de ne pas soulever la question de la langue sont effectivement très bonnes. C’est d’ailleurs en raison de ton bon jugement que je ne m’étais pas immiscé.
Je crois que mon agacement initial tient en large partie à mon éducation anglaise. Dans les communautés anglaises, en général, les adultes ne se gênent pas pour remettre les jeunes à leur place. Le rôle communautaire de l’éducation y est particulièrement important. J’ai toujours trouvé que les Québécois francophones, à cet égard, sont plus permissifs. C’est tout simplement une différence culturelle ; non un jugement de valeur.
Un phénomène qui est intéressant à propos du texto est le transfert d’une partie de l’ouvrage de l’auteur au lecteur. Quand Gilles dit que « cela me prend beaucoup trop de temps à « traduire » », il a raison. Lorsque nous lisons un texte, nous ne lisons pas les lettres une à une. Nous sautons d’un mot à l’autre, « scannant » selon une ligne de lecture, et ne percevant clairement souvent que les première et dernière lettres et les autres dans un fouillis. Le texto, à moins d’y être vachement habitué, nous oblige à nous arrêter à chaque mot pour le déchiffrer. L’auteur met moins d’effort à écrire, le lecteur en met plus à lire. C’est un peu que les textes de copistes médiévaux qui étaient truffés d’abréviations : cela rendait le texte plus rapide à copier et plus court, mais demandait plus d’effort au lecteur.
Bon point, Marc André… la dynamique de communication écrite s’en trouve inversée.
Je me demande, par ailleurs, si les habitués du texto éprouvent de la difficulté à le décoder. Sinon, on argüera que le texto est un langage plus efficace, sur le plan de la rapidité, que la langue usuelle. Si tel est le cas, la langue subirait la même mutation temporelle que les autres secteurs de l’activité humaine.
Je ne me considère pas comme un utilisateur du texto, car je déteste prendre trop de temps pour lire moi aussi. Par contre, je suis un amateur d’abréviations de toutes sortes où on peut mélanger langages mathématique et scientifique, lettres grecques et autres variables. Par conséquent, le phénomène du texto m’intéresse, malgré que je n’y aie pas consacré beaucoup de temps jusqu’à maintenant.
Ce qui me séduit dans le texto : les abréviations utiles (comme pk au lieu de pourquoi) qui ne nuisent pas à la lecture.
Ce qui me choque plus :
-les détours inutiles nuisant beaucoup à la lecture, une sorte de complexification parfaitement gratuite et quelques fois (souvent ?) tordue de la rédaction, juste pour se donner un genre ou faire à la mode. (Il y a sûrement un aspect « langage à part », façon « ado », dans ce phénomène.)
-les abréviations inutiles qui nuisent à la lecture. (Ex.: w8 pour wait = attends !)
-le manque de rigueur dans le système d’abréviations par trop variables…
Lorsqu’il m’arrive de clavarder (quelques fois avec des élèves que je supervise), il m’arrive d’utiliser quelques abréviations utiles (telles que définies ci-dessus), mais en même temps, ou presque, je dis de vive voix à ces mêmes élèves les points qui me choquent et dont j’ai parlé plus tôt.
Bref, le phénomène m’intéresse, mais je n’ai pas grand-chose de « scientifique » à me mettre sous la dent et je manque cruellement de temps pour étudier le tout de façon plus approfondie.
De plus, comme vous l’aurez remarqué, l’utilité d’une abréviation est quelque chose de tout à fait subjectif !
Tout langage est un code de communication entre un émetteur (encodeur) et un récepteur (décodeur). Dès lors, il est de la responsabilité de celui qui s’exprime de choisir un langage qui convient au public cible. Par conséquent, le texto est tout à fait approprié dans certains milieux et entre personnes averties. Quand quelqu’un, par exemple, a recours au texto dans un blogue étranger où tous les intervenants s’expriment dans un français conventionnel, je suis d’avis qu’il a enfreint les règles de communication, voire les conventions sociales.
Je n’irais pas jusqu’à dire, Sylvain, que les abréviations utiles, comme « pk [...] ne nuisent pas à la lecture. » Sans doute es-tu plus familier avec ce genre d’abréviation que le commun des usagers. En ce qui me concerne, malgré le fait que je sois très branché sur les TIC, cela me demande un effort de déduction considérable. Ce qui me rassure, cependant, c’est que même un habitué du clavardage comme toi puisse encore être choqué de certaines abréviations.
Ici encore, les nouvelles technologies offrent une solution. Il suffirait que quelqu’un publie un lexique des abréviations de texto, lequel on pourrait ensuite intégrer à des outils de conversion automatique comme Textpander.