Les parents sont las d'attendre
Comme s’il ne suffisait pas que les élèves écopent pour l’étiolement de nos écoles, ils sont également manipulés par leurs parents qui cherchent désespérément des solutions. Les écoles privées constituent depuis longtemps un réseau parallèle pour les nantis ; ces institutions offrent des programmes généralement bien rodés. Mais les plus récentes solutions, de plus en plus diversifiées pour attirer des parents capricieux, ne sont pas toujours appropriées aux élèves. Plusieurs y sont inscrits ou maintenus par la volonté des parents, et souvent contre le gré des élèves.
En guise d’exemple, je citerai le Programme d’éducation internationale, que je connais bien pour y enseigner depuis plus de 10 ans. La spécificité du programme repose principalement sur l’apprentissage global, l’ouverture interculturelle, la communication et l’intégration des « aires d’interaction » (apprendre à apprendre, communauté et service, santé et formation sociale, environnement, homo faber). Or, le programme ne convient pas au quart des élèves qui y sont inscrits. La plupart de ces élèves endurent leur mal, sous les ordres de leurs parents, parfois fort ignorants des orientations du programme. Ceux-ci sont principalement séduits par son élitisme. Lors de la récente rencontre de parents de février, un parent a même poussé l’audace jusqu’à m’admonester pour mon insistance sur le volet « apprendre à apprendre ».
La situation n’est guère mieux au programme PROTIC, lequel stagne maintenant depuis quelques années. C’est du moins ce que je constate et ce qu’on me rapporte.
Le principal souci des directions d’école est d’assurer le nombre d’élèves dans l’école. Leur salaire, voire leur réputation, repose d’ailleurs en partie sur la quantité d’élèves sous leur responsabilité. Par conséquent, la satisfaction des besoins individuels est reléguée au second plan, quoiqu’en disent les beaux mots des projets éducatifs. L’administration d’une école, c’est aussi (mais pas uniquement) une vaste opération de marketing pour attirer la clientèle étudiante. Une fois qu’ils sont inscrits, il faut à tout prix les garder, même si le programme ne leur convient pas.
Voyant les difficultés de leurs enfants, les parents ne savent plus à quels saints se vouer. Les plus fortunés se tournent vers les cours privées. Ces leçons sont particulièrement répandues en mathématique, science, français et anglais. Elles sont souvent données par des enseignants qui fréquentent l’école, voire même par les enseignants des élèves. Je ne connais pas exactement l’ampleur du phénomène, mais le problème est suffisamment important pour que la direction de notre école ait adressé une lettre aux enseignants pour dénoncer le conflit d’intérêts évident concernant des leçons privées aux élèves à qui ils sont payés pour enseigner.
Les parents reconnaissent l’importance d’une bonne éducation. C’est une conséquence de la scolarisation systémique. Mais cela engendre également un climat de compétitivité où les parents se croient obligés de voir à l’éducation précoce de leurs enfants pour assurer leur réussite. La demande est si grande aux États-Unis qu’elle a engendré une industrie de cours privés pour les enfants d’âge préscolaire (The Boston Globe : Bringing up Einstein). Je ne serais pas étonné que le phénomène gagne le Canada, malgré les mises en garde des psychopédagogues. Ces entreprises ont des stratégies de marketing qui savent très bien convaincre les parents désemparés du système scolaire actuel.
Par ricochet :
La spécialisation des écoles
Réforme ou évolution de éducation ?
Des écoles publiques à deux vitesses
L’importance du préscolaire
La commercialisation de la réussite scolaire
Le point sur l’éducation des bébés
Trois choses à enseigner aux enfants
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Nous avons aussi un problème similaire à notre école – collège privé. Certains parents voient le côté élitiste de l’établissement, alors que d’autres voient simplement la chance de donner un enseignement un peu plus encadré que ce à quoi ils auraient droit dans le milieu public.
Il est aussi faux de croire que toutes nos élèves sont de «bolles». Nous avons notre taux d’échec et notre dose d’élèves avec des troubles de comportement. Nous avons aussi des élèves qui se classent largement au-dessus de la moyenne. Bref, une école qui semble normale.
Selon certaines de mes collègues, la qualité des élèves a grandement diminué depuis quelques années – au même moment où le collège pour gars est devenu mixte et où une 3e école privée a ouvert ses portes dans la région. Cependant, la direction continue à faire énormément d’efforts pour remplir nos classes – afin de rentrer dans son argent.
Ceci a deux effets, le premier diminuer la qualité des élèves et de garder, d’une année à l’autre, des élèves qui n’ont pas le désir d’être dans cette école. En première secondaire, le problème est moins marqué, quoique plus l’année avance plus on remarque ces petits problèmes – qui sont moins importants chez nous que dans le public je dois l’admettre.
Mais au lieu de ne garder que les élèves qui veulent être présente – de leur plein gré et non pas parce que leurs parents veulent qu’elles soient là – pourquoi ne pas diminuer la taille des groupes et ainsi permettre de s’attarder un peu plus aux élèves en difficultés et de donner de l’enrichissement aux élèves qui ont plus de facilité.
Peut-être que la baisse démographique que certaines régions de la province connaissent vont permettre ce genre de projets – que ce soit au public ou au privé – au lieu de fermer les écoles.
Sapristi, Mathieu, je jurerais que tu fais la description de mon école. Quant à a la dimunition du nombre d’élèves dans les classes, tu as très bien saisi qu’il s’agit d’abord et avant tout d’une question d’argent.