La revendication des notes : A pour agressivité
Depuis quelque temps, il me semble que les élèves contestent de plus en plus leurs notes. Non seulement donnent-ils toutes sortes d’excuses, mais ils s’acharnent à obtenir gain de cause. De cette insistance dans laquelle ils sont passés maîtres pour soutirer l’acquiescement de leurs parents. Ah, ces enfants-rois !, direz-vous. Mais il y a plus que cela, et le milieu doit reconnaître ses fautes. Néanmoins, il faut dénoncer l’agressivité et l’impudence affichées par certains élèves auprès des enseignants. Quand un étudiant expédie un courriel à son professeur, stipulant à l’avance qu’il mérite un A dans son cours, il renverse les rôles (Globe and Mail : Among brazen undergrads, A is for aggressive). Et quand un autre fait une scène pour une évaluation dont il n’est pas satisfait, on peut y voir un manque de maturité sur le plan de l’apprentissage (The Irascible Professor : Just Tell Me I’m Wonderful and Give Me the A!). Ce genre de suffisance peut freiner les apprentissages durant toute une vie.
La problème risque de s’aggraver avec l’emphase mise sur les compétences, lesquelles exigent une appréciation plus globale et comptent une bonne part d’évaluation qualitative. Le positivisme s’accommode bien du résultat d’une opération mathématique ou d’une question à choix multiple ; il en va autrement de l’explication d’une démarche ou d’une justification de l’actualité reposant sur quelques points de l’histoire.
Le système scolaire, pour sa part, a conditionné les élèves aux notes. On le voit bien au comportement et à la motivation des élèves, eux qui sont obsédés par les résultats. On insiste pour que les bulletins offrent pourcentages et moyennes. Les galas de fin d’année glorifient quelques élèves parmi les plus performants. Enfin, les parents ne manquent jamais une occasion de rappeler l’importance d’obtenir des A. Il est vrai qu’avec seulement un ou deux enfants, l’avenir n’est guère assuré. Un B est considéré un échec. Au P.E.I., des élèves pleurent en apprenant qu’ils n’ont pas obtenu 100 % à un examen.
On observe que les enfants sont plus agressifs. Certains prétendent que la vie en garderie développe la combativité. D’autres accusent la violence à la télévision et dans les jeux vidéo. Ou serait-ce plutôt le bombardement incessant des stimuli médiatiques et informatiques ? Peut-être même la compétition issue de notre matérialisme (rat race) affecte-t-elle les enfants. Quoi qu’il en soit, comme toutes les générations qui les ont précédés, les jeunes ont changé.
L’ubiquité du star system est inquiétante. Où que l’on regarde, sur la scène ou dans les stades, les médias idolâtrent la beauté et la force, la richesse et le succès. À partir du moment où tous les modèles (role models) sont des parangons de perfection, un jeune le moindrement imbu de lui-même ne saurait se contenter d’un B.
Il y a lieu, par ailleurs, de se demander si notre délicatesse à ménager l’estime de soi n’est pas en train de gâter les élèves. Peut-être le balancier est-il allé un peu trop loin dans notre crainte de heurter les jeunes. La critique constructive, après tout, est nécessaire à l’apprentissage.
Par ricochet :
Évaluation élitiste
Il n’y a pas que les notes qui comptent
Bulletins scolaires : chiffres, lettres ou descriptions ?
Au diable les examens !
Moins d’examens, plus d’éducation
De l’agressivité des enfants québécois
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Bien sûr les élèves sont conditionnés par les notes, mais je trouve que les parents acceptent souvent plus mal que les jeunes le fait d’avoir un «B».
Si on demande au jeune pourquoi il tient absolument avoir un «A», il nous répond que ses parents lui ont promis une récompense s’il obtient un «A», alors que cet objectif est bien souvent inatteignable pour un jeune. Les parents devraient être extrêmement heureux si leur jeune peut passer facilement d’un «C» vers un «B», cela veut dire qu’il fait des efforts et progrès remarquables, comparativement à celui qui stagne sur un «C» et qui ne comprend pas ce qu’il doit faire pour se rendre à «B».
Mais, il est vrai qu’il est plus difficile de justifier un «B» qu’un 80%. Les gens semblent mieux comprendre les chiffres que les lettres, en espérant que la mentalité change dans les prochaines années.
À cette pression académique, nous pouvons même ajouter le choix des options. En chimie de cinquième secondaire par exemple, plusieurs élèves y sont parce qu’ils le doivent, parce qu’ils ont le potentiel et non pas parce que le sujet les intéresse.
Les pressions sur les élèves proviennent effectivement de partout (parents, choix académiques à un âge où les élèves ne savent guère trop ce qu’ils veulent faire plus tard, contingentement collégial et universitaire, perception que l’avenir dépend de la performance scolaire, etc.). Je me demande si les nouvelles technologies de l’information ne contribuent pas à cette anxiété, en ce sens que les jeunes sont beaucoup plus conscients aujourd’hui des problèmes sociaux. Je me souviens que quand j’étais jeune, bien avant l’internet, je vivais dans la naïveté qu’un cours universitaire était garant d’un avenir aisé.
Mais il y a une chose que j’observe avec cette génération: c’est une génération un peu plus gâtée que la mienne. Ou peut-être je suis plus âgée et je suis ce que la génération baby-boomer a dit de la mienne. Je ne sais pas.
À une époque de progrès et d’enrichissement collectif, chaque génération est forcément plus gâtée que la précédente. J’ai pour mon dire que ce qui manque le plus à l’éducation des jeunes d’aujourd’hui, c’est d’avoir connu la pauvreté et la misère pendant quelque temps. Ça aide à mettre les choses en perspective.
T’as raison. Je suis toute d’accord! Leurs parents leur donnent n’importe quoi sans question. Il y a 3 ans, j’ai trouvé 20$ dans le couloir. J’ai demandé à quelques élèves si c’était leur argent ou non. Je me demande si cet élève-là a bien appris la valeur de 20$ ce jour-là.