Un tribunal condamne l'examen de diplomation
Dans le débat sur le rôle de l’évaluation scolaire en tant qu’instrument de tri social, voici une décision courageuse : un juge de la Californie a déclaré nul l’examen général de diplomation de niveau secondaire (high school), argüant qu’il était injuste pour les élèves qui fréquentaient des écoles défavorisées (San Francisco Chronicle : Judge Says California Exit Exam Is Unfair). La même logique égalitaire et l’école publique n’est-elle pas égalitaire ? suffirait à saboter les examens du ministère si on l’appliquait au Québec.
Ne peut-on pas trouver une façon plus intelligente d’évaluer le degré d’apprentissage d’un élève que de lui faire passer un examen unique, parfois complètement détaché de ce qui a été vu en classe ? Considérant tout l’argent investi dans le système scolaire et la formation des maîtres, les professeurs ont certainement les connaissances requises pour mesurer et évaluer eux-mêmes les compétences des élèves. N’est-ce pas ce qu’ils font quotidiennement ?
Je conviens qu’il faut des données nationales pour les statisticiens et les bureaucrates. Les pratiques établies requièrent des données uniformes. Mais les élèves n’ont pas à payer si cher un caprice administratif. Remettons plutôt à ces comptables les données réelles amassées en classe et laissons-les trouver de nouvelles manières de compiler les données. Avec les superordinateurs dont on dispose aujourd’hui, ils trouveront bien le moyen d’en tirer des résultats.
En tant que société, nous avons plus à gagner en misant sur la diversité que sur l’uniformité.
Mise à jour, 25 mai 2006 | La cour suprême de la Californie, par un vote serré de 4 à 3, a réintégré l’examen unique obligatoire de fin de secondaire (New York Times : California Court Reinstates Statewide Exit Exam for High Schools). La cause sera fort probablement portée en appel.
Par ricochet :
La quête numérique de l’évaluation
Une étude contredit les hauts standards de performance
Il n’y a pas que les notes qui comptent
Au diable les examens !
Moins d’examens, plus d’éducation
Évaluer pour qui ? (Osmoze)
Haro sur les tests standardisés! (L’Infobourg)
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Encore un exemple à mon avis de comment le désir de défendre des intérêts individuels à court terme pourrait avoir des conséquences négatives à long terme pour la collectivité.
Est-il pour vous si difficile de concevoir que ces tests ne sont pas conçus uniquement pour les gestionnaires et les statisticiens, mais peuvent contribuer à améliorer ou à maintenir la qualité de l’enseignement? Je pense qu’un examen un peu moins partial de la réalité vous amènerait à constater que ces tests, s’ils peuvent être utilisés de façon inadéquate ou avoir certains effets indésirables, peuvent néanmoins, si utilisés judicieusement, contribuer positivement à la qualité de l’enseignement. Êtes-vous prêt à me dire aujourd’hui que cela est impossible?
Prenons l’exemple des tests internationaux? Ne croyez-vous pas que ces tests incitent les gouvernements dont les élèves se classent sous la moyenne à investir de façon plus importante en éducation et mettre en oeuvre les moyens pour remédier à la situation? Qu’en est-il des commissions scolaires qui reçoivent du ministère les résultats de telles comparaisons? Est-il inconcevable de penser qu’une commission scolaire ou une école pourrait mettre à profit ces données pour tenter d’identifier où devraient être mis les efforts pour améliorer la qualité de l’enseignement?
Selon votre raisonnement, ne devrions-nous pas également éliminer les examens finaux en médecine, l’examen du Barreau?
Devrait-on permettre à tous les gens de passer automatiquement au CÉGEP, à l’université et à obtenir leur diplôme universitaire y compris aux élèves analphabètes fonctionnels? Devrions-nous également refuser de participer à toute comparaison internationale, parce que la compétition ce n’est pas une valeur compatible avec votre notion d’égalité sociale? Est-ce cela votre idée de la justice sociale?
Croyez-vous vraiment que ces tests n’ont aucune, mais vraiment aucune utilité?
N’y aurait-il pas des nuances à apporter?
« Croyez-vous vraiment que ces tests n’ont aucune, mais vraiment aucune utilité? »
M. Péladeau,
Au niveau secondaire, je crois que ces tests n’ont vraiment aucune utilité.
Et, comme dit ailleurs (et vous n’y avez pas répondu, je crois), que le CEGEP et l’université aient des exigences, cela reste des choix institutionnels, et quiconque s’inscrit dans ces institutions acceptent les règles du jeu de ces dernières.
Au secondaire, on ne forme pas des avocats, des médecins ou des ingénieurs : on essaie juste de rendre ces grands adolescents au plus loin de leur potentiel intellectuel.
Votre premier paragraphe touche une valeur profonde chez moi : je préfère faire confiance aux choix locaux que laisser des dirigeants détenteurs d’une vérité me dicter quoi faire sous l’excuse d’un « bien » abstrait pour une collectivité future.
Je suis content de votre commentaire : il indique bien votre position et je vois que nous avons sans doute des positions irréconciliables. Que voulez-vous? il y a des valeurs personnelles sur lesquelles on ne peut plier.
Messieurs,
Quand je lis certains commentaires sur les examens uniques et uniformes, ceux du MELSQ, par exemple, je n’en crois pas mes yeux.
Tout d’abord, concernant le jugement californien évoqué dans le texte de M. Guité, je crois qu’il convient de remettre davantage en question la qualité de l’éducation et du soutien apporté aux élèves défavorisés de cet état américain que les examens qu’ils ont à subir. L’inégalité n’est pas dans le type d’examen qu’ils ont échoué, mais bien dans les conditions académiques, affectives et financières dans lesquelles ces jeunes vivent. L’école publique est aussi égalitaire que la société dans laquelle elle s’inscrit.
À ce propos, il est universellement reconnu que la pauvreté est la principale cause d’échec scolaire. C’est donc se tromper de cible que de s’en prendre à un type d’évaluation précise. Si on avait investi tout l’argent de la réforme dans de véritables services à l’élève, les résultats de ce geste auraient, quant à moi, bien plus concluant, je crois. Mais il est si facile de dire que son chien a la rage quand on veut le noyer…
Ensuite, avant de saluer le courage d’un juge californien, je serais quelque peu prudent. De quelle instance judiciaire parle-t-on ici? Quelle compétence ce juge a-t-il véritablement? Votre nouvelle n’en dit mot. Et s’il s’agissait d’un Doc Mailloux de la magistrature?
Par ailleurs, M. Guité parle d’examen «complétement détaché de ce qui a été vu en classe» tout en expliquant que les enseignants sont des professionnels qui savent comment évaluer les élèves. Dans le cas présent, ce n’est pas l’examen qui est déconnecté mais bien l’enseignant qui n’a pas suivi le programme prescrit. Je me questionne alors sur son professionnalisme…
Vient ensuite un raisonnement que je ne saurais suivre, à savoir qu’il «faut des données nationales pour les statisticiens et les bureaucrates» et que les «pratiques établies requièrent des données uniformes» qui constitue un caprice administratif.» Pour ma part, je déteste les examens uniformes du MELSQ parce qu’ils sont généralement de gigantesques passoires et qu’ils ne valent strictement rien quant à leur aspect discriminatif. Certains élèves savent à peine écrire et se voient décerner un diplôme d’études secondaires. Je les déteste également parce qu’ils sont des instruments de mesure sans signifiance concrète pour l’élève.
Cependant, pour pasticher Churchill, ces «caprices» constituent les moins pires des mesures évaluatives. En effet, il convient de mesurer de la façon la plus uniforme possible et dans un moment unique les élèves pour ds raisons d’équité et, il faut le dire, de sélection scolaire (voilà le mot est lâché!). Jamais on ne me fera croire que deux enseignants évaluent un même élève de la même façon. Il n’y a rien de plus disparate que le jugement des enseignants de français, par exemple. Et ce n’est surtout pas en se basant sur l’argent investi en éducation (on crie famine!)et la formation des maîtres qu’ils ont reçue à l’université (plus d’un texte la juge insuffisante) qu’on me convaincra qu’ils savent tous correctement et justement évaluer des élèves…
De plus, je tiens à relever ici un passage du commentaire de M.Guité qui n’honore pas tout le plaisir que j’ai habituellement à le lire: «Remettons plutôt à ces comptables les données réelles amassées en classe et laissons-les trouver de nouvelles manières de compiler les données. Avec les superordinateurs dont on dispose aujourd’hui, ils trouveront bien le moyen d’en tirer des résultats.» Je trouve regrettable qu’au lieu de fonder son opinion sur des arguments qui font sa force, M. Guité élude tout cette question par une entourloupette digne de la pensée magique. Les fonctionnaires compileront ces données avec des superordinateurs (wow!) et en tireront des résultats. Mais de quel type de résultats parle-t-on et dans quel but?
Quant au commentaire de M. Jobin, je lui ferai remarquer que le rôle de l’école secondaire est de «préparer» généralement les élèves à des études supérieures. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille nécessairement orienter tout son ensiegnement en ce sens. Cependant, tous les étudiants qui veulent s’inscrire dans ces institutions acceptent déjà leurs règles du jeu: ils obtiennent un DES. Dans le cas opposé, ils décrochent ou se dirigent vers un DEP.
Sur ce, bonne soirée à vous, messieurs!
Ma position est toute simple : école secondaire comme instrument de tri social, je n’en veux tout simplement pas. C’est pourquoi je suggère que ce tri soit fait par les institutions accueillantes [sic] et non pas à la sortie du secondaire.
Les examens servent la plupart du temps au tri des élèves (t’as réussi math 536, tu peux aller en sciences de la nature, t’as pas réussi tes maths, tu vas en sc. humaines sans math, etc.) Je hais qu’on dise à un élève de 16 ans : « Puisque tu n’as pas 60% à l’examen 536 du MELS, tu es incapable de faire des sciences physiques. » Désolé, je ne crois pas à ce type de « jugement dernier ».
M. Jobin,
Je crois que vos propos sont quelque peu inexacts. Ce seraient plutôt les institutions «accueillantes» qui feraient le tri sur la foi des résultats scolaires obtenus par l’élève au secondaire. Ce seraient elles qui lui diraient : «Puisque tu n’as pas 60% à l’examen 536 du MELS, tu es incapable de faire des sciences physiques.» On peut, bien sûr, remettre en question l’utilisation du cours de maths au secondaire comme facteur discrimant quant à l’admission à certains programmes collégiaux. En tant qu’enseignant de français de cinquième secondaire, j’en serais fort aise.
Quant à eux, les examens uniques uniformes – que vous semblez détester souverainement – viennent pondérer les disparités entre enseignants par souci d’équité.
S’il y avait tri social effectué par les institutions éducatives, pour reprendre votre idée, il serait donc fait par le SRAM, les cégeps et les universités. Et ce tri aurait lieu à la sortie du secondaire par des institutions autres que le secondaire.
Pour ma part, ce n’est pas l’école qui exerce un tri social, mais bien la pauvreté et la détresse humaine, deux phénomènes dont vous ne souffler mot dans votre commentaire. Lafontaine ne le disait-il pas en écrivant: «Que vous soyez riches ou pauvres, les jugement de la cour vous rendront blancs ou noirs.» ? Au Québec, ce sont les actions entreprises après le rapport Parent qui ont permis d’atteindre un certain niveau de vie et de culture, notamment tout ce qui a trait à l’éducation libre, gratuite et accessible au plus grand nombre.
Par ailleurs, les élèves désirant poursuivre des études supérieures nous demandent de les préparer, de s’assurer qu’ils possèdent les connaissances et les compétences pour accéder et réussir au cégep et à l’université. Ils veulent aussi exercer un métier, une profession et s’attendent que nous leur donnions une bonne tête pour réussir leur vie et pour réussir dans la vie. Quoi que vous en disiez, on forme aussi au secondaire de futurs avocats, ingénieurs, médecins. L’école doit tenir de toutes ses clientèle et elle le fait.
Quant à l’élève qui n’a pas atteint les standards nécessaires à son admission en sciences physiques, il y a deux hypothèses: ou bien il ne possède pas le bagage et les compétences nécessaires pour suivre des études dans ce domaine ou bien les instruments d’évaluation qu’il a complété étaient incorrects.
Dans le premier cas, je suis désolé de l’écrire, mais il n’a rien à faire dans ce domaine. Le tri dont vous parlez est aussi fait pour des raisons économiques et pratiques. Je ne crois pas qu’il faille assumer les goûts et les envies de tous et chacun. Ce n’est pas parce qu’un aveugle veut prendre le volant qu’on doit lui donner un permis de conduire, il me semble. Il est également possible pour un individu de satisfaire sa soif de connaissances sur une base individuelle ou à l’aide de formations autres que celles fournies par l’État. Il y a aussi les examens de reprise ou l’éducation aux adultes qui peuvent lui permettre de satisfaire aux exigences demandées.
Dans le deuxième cas, il n’existe aucun instrument d’évaluation parfait et, si cette situation est normale sans pour autant être acceptable, il ne faut pas en venir pour cela à jeter le bébé, la bassinette et l’eau du bain en même temps.
Finalement, je remarque également que votre commentaire reste à la surface du débat. Vous parlez davantage de valeurs et de croyances personnelles. Aussi, je tenterai de vous ramener à certains points soulevés lors de ce dernier:
- des instruments de mesure uniques et uniformes sont-ils nécessaires en éducation (que ces derniers relèvent du secondaire ou des institutions «accueillantes»?
- une évaluation effectuée uniquement par des enseignants ne rique-t-elle pas d’être inéquitable?
- la pauvreté n’est-elle pas un facteur plus discrimant en matière de «tri social» que l’école?
- les enseignants n’ont-ils pas, entre autres, le rôle de s’assurer que leurs élèves puissent répondre adéquatement aux attentes des évaluations qu’ils ont à compléter, et ce, quelles que soient ces évaluation?
- faut-il abolir toute forme de tri en éducation (par exemple: le redoublement, les prérequis nécessaires pour étudier la chimie et la physique au secondaire)?
Sur ce, bonne journée à tous malgré le temps pluvieux!
Je partage totalement la position nuancée de monsieur Papineau et le félicite de s’efforcer à maintenir la qualité du débat (qui semblait vouloir déraper sérieusement) par une analyse réaliste, même si pas toujours optimiste, de la situation.
Le temps me manque pour répondre plus longuement mais je me contenterai de renvoyer les lecteurs à l’excellente analyse de François Larose sur le décrochage scolaire sur édu-ressources, publiée cette semaine:
http://rtsq.grics.qc.ca/listes/archives.php?f=5140&liste=edu-ressources
Celui-ci parle du « pelletage » du constat de difficulté d’apprentissage dans la cour du secondaire. Et bien, ce que nous propose monsieur Jobin, c’est de pelleter ces mêmes difficultés vers les institutions postsecondaires.
Par expérience, je peux vous dire que les enseignants du CÉGEP se retrouvent déjà avec une proportion importante d’étudiants qui sont analphabètes fonctionnels (10%? 15%), beaucoup de ceux-ci présentant également des difficultés mathématiques très très importantes, ne maîtrisant pas des notions pourtant de base des mathématiques (je reviendrai peut être plus tard avec quelques exemples de ce que j’ai pu constater chez mes étudiants à l’université). Je n’ai jamais donnée de cours à l’université sans constater qu’il y avait dans chacune de mes classes des étudiants analphabètes fonctionnels.
Mais il est clair que ce n’est pas rendu à l’université que l’on doit régler ces problèmes et ce n’est pas en faisait des promotions automatiques du primaire au secondaire et du secondaire au CÉGEP, parce qu’on ne veut pas participer à ce prétendu « tri social », que l’on contribuera à régler ce problème important.
Je suis navré d’avoir tardé à répondre aux commentaires ci-dessus. Permettez-moi d’y aller dans l’ordre.
1er commentaire de Normand Péladeau (12 mai) :
Quand on défend les intérêts de tous les individus, au regard de leur développement, c’est qu’alors on défend les intérêts de la collectivité, n’est-ce pas ? Quant à la primauté de la collectivité sur le bien individuel, il ne s’agit guère d’une prémisse indéniable. En guise d’exemple, l’histoire foisonne de crimes (permettez-moi ce clin d’oeil à l’une de vos accusations) où le bien supposé de la collectivité a servi de prétexte à la déchéance. En ce sens, je seconde entièrement l’opinion exprimée par Gilles Jobin dans son premier commentaire
Pour le reste, je crois que je me suis mal fait comprendre. Je suis entièrement favorable à l’évaluation des services publics, dont l’éducation représente l’un des plus importants sur le plan économique. Je dirais même que c’est une obligation sociale afin d’assurer la qualité de l’éducation. La thèse que je soumets est à l’effet qu’on n’a plus besoin de tests standardisés pour ce faire. Les ordinateurs permettent aujourd’hui de traiter et de calculer des données à une vitesse qui, naguère, était impensable. Il est temps, je crois, pour les statisticiens et les mathématiciens de développer de nouvelles façons d’analyser des données disparates.
Il ne m’a jamais semblé que les résultats des tests standardisés aient eu un grand impact sur l’enseignement en classe. En dépit de tous les examens produits par le ministère et la commission scolaire que j’ai vu passer au fil des ans, je n’en ai jamais eu d’écho d’analyse qui en avait été faite. Mais croyez-moi, j’ai assisté à de nombreuses modifications et ajustements apportés par les enseignants de leur propre initiative. J’en déduis qu’il s’opère plus de changement à partir des évaluations locales que des évaluations globales.
Quant à l’évaluation des ordres collégial, professionnel et universitaire, je vous rappelle que je ne m’y oppose pas, adhérant ainsi à la position si bien exprimée par Gilles Jobin dans un billet antérieur et réitérée ci-dessus dans son premier commentaire.
1er commentaire de Luc Papineau (12 mai) :
Je suis ravi de vous étonner, ne serait-ce que pour le plaisir de découvrir quelqu’un qui possède une belle plume.
Le juge californien n’avait d’autre choix que de rendre une décision sur l’acceptabilité du test standardisé, puisque c’était l’objet de la plainte. Or, c’est justement sur la base des inégalités sociales que vous soulignez si bien qu’il refuse de reconnaître la légitimité d’un tel test. Je trouve cela à la fois sensé et courageux de sa part. Je n’ai que faire, par ailleurs, de la personnalité du juge. Je me balance qu’il soit cinglé ou pas ; je ne jauge ici que les idées.
Vous avez raison de me reprendre sur l’écart entre le contenu du cours d’un enseignant et celui prescrit par les programmes. Je regrette d’avoir utilisé le mot « complètement » (dans « complètement détaché de ce qui a été vu en classe ») qui n’est pas approprié. Cela m’a échappé, comme bien d’autres exagérations. Je suis de ceux qui préconisent les escapades hors du cadre prescriptif des programmes quand ceux-ci sont insipides. Je préfère me mettre en quête d’enthousiasme et d’émerveillement. Mea culpa.
Je suis content d’apprendre que votre expérience vous a fait déchanter des examens uniformes. Non pas que je me réjouisse de votre malheur, mais bien parce que je compatis à votre désillusion, pour en avoir vécu les affres. Toute cette question de l’évaluation, à vrai dire, est un véritable noeud gordien. Je cultive l’évaluation formative, mais je peste contre les examens sommatifs qui entravent le cours des apprentissages. Quand on me parle d’évaluation, je pense immanquablement à Dr Jekyll et Mr Hyde.
Mon irritation vis-à-vis de l’évaluation en tant que tri social ainsi que de sélection scolaire, comme vous faites bien de le spécifier m’amène à chercher des solutions. Je crois sincèrement que les superordinateurs (le mot est horrible, j’en conviens), en autant qu’ils ne traitent que des données, peuvent servir à mesurer l’efficacité des systèmes. Du coup, nous libérerions les professeurs et les élèves de ces examens qui les font damner, tout en mesurant la qualité des services offerts en éducation.
J’admets, cependant, que cette hypothèse peut fort bien s’avérer une lubie.
2e commentaire de Gilles Jobin (13 mai) :
Je trouve savoureuse son idée de « jugement dernier ».
2e commentaire de Luc Papineau (13 mai) :
Je trouve intéressant cet argument voulant que ce soit les « institutions « accueillantes » qui feraient le tri [social] sur la foi des résultats scolaires obtenus par l’élève au secondaire ». C’est la première fois que je l’entends exprimé sous cet angle et, ma foi, cela me semble très juste. J’ajouterais, cependant, que les écoles primaires et secondaires s’en font les complices.
Je suis particulièrement sensible aux disparités sociales et à la « détresse humaine ». Aussi, je m’étonne du revirement par lequel vous balayez froidement les jeunes qui éprouvent des difficultés. Votre position est fort pragmatique. D’un point de vue systémique, cela se défend. Mais vous devrez accepter les conséquences de la hausse du décrochage scolaire, dont le taux est déjà fort inquiétant. Cela va à l’encontre de l’humanisme, ce qui m’oblige à prendre position de l’autre côté de la barricade.
Néanmoins, je joins mes félicitations à celles de Normand Péladeau pour la clarté et le mérite de vos propos. Il est rafraîchissant, considérant nos polémiques habituelles, d’avoir un point de vue original.
2e commentaire de Normand Péladeau (13 mai) :
Sur le plan éthique, bien davantage que sur le plan pédagogique, j’ai beaucoup de difficulté à accepter cet argument qui tourne autour du « pelletage » des difficultés des élèves vers les ordres supérieurs. Que ce soit au primaire, au secondaire, au collégial ou à l’université, le rôle des professeurs n’est-il pas de surmonter les difficultés d’apprentissage qu’éprouvent les élèves ? Chaque enseignant, à quelque niveau qu’il soit, se retrouve avec des élèves qui éprouvent des difficultés. Sa mission est de les éduquer. Certes, nous aimerions tous avoir des élèves faits sur mesure. Mais cela n’a jamais été la réalité. Notre mission consiste à aider les élèves à progresser dans leurs apprentissages. Rejeter le blâme sur les enseignants qui nous ont précédés est une doléance vieille comme l’éducation. Par cette logique, les professeurs du primaire seraient des incapables.
Les parents et les étudiants paient une part égale pour recevoir une éducation. Le rôle de l’école est de les faire progresser aussi loin qu’ils en sont capables, et aussi efficacement qu’il lui est permis.
Cela dit, il y a des limites à l’hétérogénéité d’une classe. C’est aux administrateurs scolaires à y voir (avec le concours des enseignants, évidemment). Les étudiants éprouvent des difficultés langagières ? Qu’on leur donne des cours de langue.
Je concède volontiers que les épreuves uniformes mériteraient un sérieux examen, d’une part en raison de certaines faiblesses de construction mais également parce que la direction de la sanction des études se refuse à exploiter ces données et se contente de compiler les résultats et les remettre aux commissions scolaires. Jamais ces données ne sont analysées autrement ou ne sont utilisées pour d’autres fins, comme celui d’identifier les écoles efficaces ou celles qui le sont moins. Or, une évaluation des systèmes d’imputabilité parue dans le Harvard Educational Review précisait que les systèmes basés uniquement sur le principe de l’information aux autorités scolaires n’avaient que très peu d’effet sur la performance des écoles (voir référence plus bas). Ce serait idéaliste en fait de croire que cela est suffisant. Cependant, si ces tests n’ont que peu d’effet, cela ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas en avoir.
Le problème de votre solution informatique et statistique, est qu’elle n’est pas réaliste. Je n’aime pas faire usage de l’argument d’autorité mais sur cette question bien précise, je n’ai pas vraiment le choix parce qu’il serait trop long d’examiner la question en détail. Je crois avoir démontré avec les années mon expertise dans ce domaine. J’ai développé des logiciels d’analyses qui reposent sur la puissance de calcul des ordinateurs modernes et j’ai également travaillé à trouver des façons de mesurer des choses là où il n’y avait aucune mesure standardisée, voir même aucune mesure quantitative. Lorsque que je travaillais en évaluation, j’étais reconnu comme le spécialiste des missions impossibles. Mon expertise à ce niveau est bien connue, ce qui m’a value d’être engagé il y a deux ans comme consultant pour la FAA aux États Unis dans un projet visant à évaluer les possibilités des logiciels de data-mining pour identifier des facteurs de risque pouvant affecter la sécurité aérienne, et plus précisément dans mon cas, les risques de collision en vol et les erreurs de pilotage (vous pouvez télécharger un des rapports que j’ai faits pour la FAA sur mon site web). J’ai été consultant pour une commission d’urbanisme en Floride, pour plusieurs compagnies en informatiques, dont Cisco systems, Intel et IBM, pour la BBC, le NIH, et bien d’autres organisations du genre. J’ai comme clients de nombreuses compagnies importantes et des organismes gouvernementaux au Canada, aux États Unis et en Europe et en Océanie. Je crois beaucoup aux outils statistiques et informatiques pour arriver à mesurer des phénomènes qu’il n’était pas possible de mesurer auparavant, ou pour trouver de nouveaux moyens de le faire. Ces outils peuvent également contribuer de façon extraordinaire à générer de nouvelles découvertes. Mais je demeure réaliste et connais très bien leurs limites. Aucune analyse statistique, aucun algorithme d’apprentissage machine, aucun outil de data mining, même à la fine pointe de la technologie, n’est en mesure aujourd’hui de remplacer la qualité d’information que peut représenter une mesure standardisée appliquée dans des conditions d’administration bien contrôlée. En fait, même dans ce genre de conditions, on doit utiliser ces outils avancés pour réellement tirer des conclusions qui sont vraisemblables. Regardez les efforts déployés par les chercheurs un peu partout à travers le monde et ici au Québec pour analyser intelligeammant les données de l’enquête TEIMS. Même sous des conditions d’administration très strictes, on doit déployer beaucoup d’imagination, innover au niveau statistique et avoir recours à de puissants ordinateurs pour pouvoir analyser ces résultats. Il est donc utopique de croire que la solution que vous proposez soit réaliste à court ou moyen terme.
On peut ne pas les aimer et leur trouver bien des défauts (et ils en ont, croyez-moi), mais proposer de les éliminer ou les interdire en l’absence d’une solution réaliste me semble irresponsable et dangereux. Ne pourrait-on pas plutôt voir comment ces examens pourraient être améliorés pour mieux servir à la fois les écoles et les enseignants préoccupés de fournir à leurs élèves un enseignement de meilleure qualité et pour diminuer du même coup cette hétérogénéité que l’on constate en enseignement postsecondaire.
NEWMANN, F.M., KING, M.B., & RIDGON, M. (1997). Accountability and school performance. Implications from restructuring schools. Harvard Educational Review. 67, 41-74.
Enfin, un débat constructif! Ne soyez pas navré, M.Guité, puisque, tant et aussi longtemps qu’on jase, le plaisir de la discussion vaut bien un peu d’attente! Du choc des idées jaillit la lumière, dit le proverbe.
Le commentaire de M. Guité sur le propos de M. Péladeau nous ramème au fameux débat philosophique «collectivité versus individu». Est-ce le rôle de l’école de satisfaire tous et chacun? N’est-ce inévitable qu’il existe une ou des normes qui entravent les aspirations et les libertés de nos élèves? Pour ma part, le renouveau pédagogique possède des aspects castrants intellectuellement aussi importants que ceux du système actuel. La question est davantage d’établir laquelle des deux modes d’apprentissage renferme le plus d’avantages et le moins d’inconvénients. Si nous revenons au bien collectif par rapport au bien individuel, je ferai la comparaison avec la Chartre des droits et libertés canadienne qui nous libère de la tyrannie de la majorité pour tranquillement nous enfermer dans celle des minorités. Suivant cette logique, si on est un peu tordu, il faudrait permettre aux élèves ne désirant pas suivre la réforme de s’y soustraire pour leur bien individuel. Par exemple, le travail par projet, généralement en équipe, ne convient pas à tous. Tout système d’éducation brime inévitablement ses élèves, il ne faut pas l’oublier.
La seconde remarque de M. Guité me laisse un peu dubitif. Oui, les ordinateurs peuvent faire des miracles, mais avec quelles données allons-nous les nourrir? Avec quelle forme d’évaluation allons-nous recueillir ces données? Si on ne parle plus de tests standardisés ou d’épreuves uniformes, qu’utiliserons-nous afin d’établir des constats comparatifs pertinents? Voilà la question à laquelle je vous invite à réfléchir puisqu’il s’agit ici de l’aspect de votre argumentation qui est le plus faible et qui mine la qualité la qualité de celui-ci. Mais cette faiblesse, si je puis dire, est propre a tout système pédagogique. Je me permettrai de rapporter les propos de Philippe Perrenoud à ce sujet:
«On souffre de la relative légèreté des systèmes éducatifs qui mettent en place des curricula par compétences avant de savoir comment les évaluer. Le système éducatif adopte très vite des curricula qui mettent en crise les procédures classiques d’évaluation, puis se tourne vers les spécialistes de l’évaluation pour leur demander : «Maintenant, dites-nous comment faire pour évaluer les acquis dans ce nouveau curriculum.» Il serait préférable de poser la question avant, c’est-à-dire au moment de la construction du curriculum, avant sa mise en oeuvre. Mais la sociologie des curricula montre que la question de l’évaluation est toujours la dernière qu’on pose, après l’adoption des nouveaux programmes. On peut imaginer que ce n’est pas par hasard : si on la posait avant, on retarderait considérablement la mise en place de nouveaux programmes, en attendant d’avoir une réponse satisfaisante à la question de l’évaluation. On se rend compte de ce vide au moment où l’on demande aux enseignants d’évaluer selon le nouveau programme. Ils disent : « Oui, mais comment faire? » C’est alors qu’on réalise qu’on aurait dû y penser plus tôt! »
Par ailleurs, les tests standardisés dont nous parlons n’ont pas pour principal rôle d’exercer un impact quant à notre enseignement en classe. Ils ne sont pas à proprement parler une forme de pédagogie, mais plutôt une forme d’évaluation. C’est le système scolaire qui a perverti leur portée au nom de la réussite scolaire en les imposant comme des incontournables du genre «On enseigne pour l’examen». Toujours dans les effets non désirés mais existants, ces tests utilisés à des fins d’évaluation et de comparaisons ont un autre impact dans nos classes puisque c’est à partir des résultats des élèves à ces derniers qu’on décide des grandes orientations politiques en éducation, par exemple. Quand tous les élèves les réussissent, personne me se pose de question. Par contre, employés au niveau de la classe elle-même et au quotidien, les tests standardisés tiennent davantage de la «drill» et de la mémorisation. Ils ne sont utiles que ceux-ci s’inscrivent dans une démarche pédagogique plus large.
Par rapport à mon premier commentaire, je suis ravi de constater que nous partageons un point de vue semblable quant aux conséquences des inégalités sociales en éducation. Pour ma part, la pauvreté et la détresse humaine demeurent les deux principales causes d’échec et de décrochage. Si je suis plutôt neutre politiquement, je remarque que bien peu d’éducateurs et de politiciens s’intéressent véritablement à celles-ci. C’est à la famille et à la communauté de s’assurer du bien-être des jeunes, mais il me semble qu’au Québec, nous ayons un long retard à rattraper en la matière. Le décrochage scolaire n’est pas qu’une question d’éducation et le défaut du renouveau pédagogique actuel est qu’il ne constitue pas un projet de société, mais bien une réforme scolaire et gouvernementale dans laquelle on ne s’est pas assuré, à travers l’information et le dialogue, de faire participer tous les intervenants reliés à nos jeunes.
Toujours en ce qui a trait à mon premier commentaire, j’ai effectivement déchanté quant aux évaluations uniques et uniformes. L’examen de français de cinquième secondaire,par exemple, est truffé de failles importantes en regard des objectifs qu’il est supposé remplir. Par contre, comme je ne connais actuellement pas encore de forme d’évaluation unique comparative moins mauvaise que celui-ci, je me contente de le critiquer en souhaitant restreindre les éléments indésirables qu’il comporte. Appelons cela du réalisme pédagogique…
Maintenant, si nous nous attardons à vos réactions à mon deuxième commentaire, je crois que les écoles primaires, les écoles secondaires, les enseignants, les élèves, les directions d’école, les parents font partie de ce grand système de tri social que représente l’école. Par exemple, combien de fois, à titre d’enseignant de cinquième secondaire, ai-je dû répondre à des demandes d’éléves me suppliant de les préparer à des tests de classement en français au collégial? L’école, et notre société en général, trie et discrimine. Le rôle de l’école publique, quant à moi, est d’augmenter les chances et de donner la possibilité à tous de tristement survivre à cette sélection basée sur des critères qui n’ont rien à voir avec l’humanisme.
Si je puis vous rassurer, je ne suis pas de glace quant au décrochage des étudiants. Au Québec, celui-ci atteint des proportions purement effarantes! Si mes écrits ont pu vous paraître froids, soyez convaincu qu’il n’en est rien dans mon âme et ma conscience d’enseignant. Cependant, je dois vous avouer qu’il faut, comme enseignant, apprendre à responsabiliser (et non pas seulement informer) davantage les élèves, les parents et la société en général quant à ce phénomène. Pour l’instant, j’ai l’impression qu’on fait davantage porter l’odieux de celui-ci sur l’école et ses enseignants qui sont déjà à bout de souffle. Nous sommes donc du même combat… même si ne portons peut-être pas les mêmes armes!
En réaction à votre commentaire quant aux propos de M. Péladeau, je crois comprendre ce que celui-ci veut exprimer. En éducation, les enseignants sont malheureusement incapables de s’assurer que tous leurs élèves qu’ils «autorisent à graduer» maîtrisent les objectifs attendus. Diverses raisons peuvent expliquer cette situation inévitable. Quoi qu’il en soit, si les élèves dont la formation est incomplète ne représentent qu’un petit nombre, il s’agit d’un moindre mal puisque le système scolaire pourra ultérieurement rétablir ce désordre académique, si je puis dire. Le problème survient lorsque le nombre de ces élèves est trop élevé et qu’il entraîne une forme d’engorgement ou d’inertie. M. Péladeau parle de pellatage. Je parlerais plutôt du complexe «Donnez au suivant!» Ainsi, devant les difficultés de certains élèves, bien des enseignants et notre système scolaire croient, à tort, que les jeunes sauront résoudre celles-ci lors de leur passage à un niveau supérieur d’éducation. En théorie, cela est possible. En pratique, actuellement, rien n’est plus faux à cause du manque de ressources observées en éducation. Au lieu de donnerla chance au coureur, je me questionne à savoir s’il faudrait au contraire rendre service à l’élève en ne l’expédiant pas dans un milieu qui ne saura pas l’accueillir convenablement avec ses difficultés et ses faiblesses. Vous cernez très bien ce problème en écrivant: «Le rôle de l’école est de les faire progresser aussi loin qu’ils en sont capables, et aussi efficacement qu’il lui est permis.»
Voilà! Je termine ici ma longue triabe et vous souhaite, messieurs, de bien fêter vo tre mêre!
Sérieusement, je voulais simplement apporter les exemples promis que j’ai pu observer dans mes classes à l’université. Comme monsieur Jobin est enseignant en mathématique, il appréciera sans doute la nature du problème.
À chaque fois qu’il m’est donné d’enseigner le cours de méthodes quantitatives à l’université, je passe dès le premier cours un mini test qui me permet de mesurer ce que les élèves ont retenu des notions qu’ils ont apprises au secondaire et réutilisées au CÉGEP. Je demande de me calculer la moyenne sur les 5 chiffres suivants:
1 1 2 5 6
J’ai administré cette question la première fois à un groupe d’une trentaine d’étudiants de troisième année de Bac et de première année de maîtrise. Seulement le tiers de la classe a pu me fournir la moyenne (au mieux environ les deux tiers vont réussir). Une seule personne a pu m’identifier la médiane ou le mode. Plusieurs élèves ont spontanément sorti une calculatrice, et lorsque je leur ai dit que la calculatrice n’était pas permise, ils ont protesté et m’ont dit qu’ils étaient incapables de résoudre ce problème sans leur calculatrice.
Mais en fait, cet exemple n’est rien comparé à ce que j’ai pu constater avec mes étudiants au cours des années. En fait, à chaque examen que j’administre, j’analyse les erreurs commises pour tenter de voir s’il a des erreurs communes que je serais en mesure de prévenir dans un enseignement futur. Le problème, c’est que je me suis vite rendu compte que beaucoup d’étudiants avaient des lacunes importantes sur des habiletés très élémentaires. Constatez par vous même.
- la multiplication d’un nombre n par zéro donne n.
- ne savent pas ce que signifient ou confondent les signes
- pour bien des étudiants -10 et plus élevé que -8.
- pour bien des étudiants, 0,5 est plus petit que 0,455.
- plusieurs ne sont pas en mesure de faire des opérations logiques simples sur des ensembles (comme faire l’addition ou la soustraction de deux aires d’une courbe).
Et en fait, il ne s’agit sans doute ici qu’un petit échantillon des habiletés élémentaires essentielles à la réussite de ce type de cours.
Et je dois rappeler que plusieurs élèves à l’université sont analphabètes fonctionnels et ont donc beaucoup de difficultés à résoudre un problème mathématique s’il est présenté sous forme de texte.
Vous avouerez que ce n’est pas à moi de leur enseigner ces bases en mathématique et en lecture. Mais ce qui m’inquiète le plus c’est de tenter de comprendre comment ils ont pu réussir à se rendre à l’université. Comment se fait-il qu’une proportion très importante des diplômés du secondaire soient analphabètes fonctionnels (environ 20 à 25% si je ne me trompe, selon Statistique Canada). Comment ont-ils pu réussir à terminer leur enseignement primaire, se rendre au secondaire, au Cégep puis à l’université. En fait, le problème prend des proportions telles, que je n’ose même pas rapporter les chiffres de Statistique Canada chez les universitaires tellement ils sont invraisemblable. Certains de ces élèves échouent mon cours, d’autres réussieront malgré tout, mais, entre vous et moi, ces apprentissages, ils auraient dû les faire au primaire ou au secondaire, et on aurait j’amais dû « passez au suivant » aussi souvent et fermer les yeux sur le fait que ces élèves auraient dû soit prendre un peu plus de temps ou au moins profiter de ressources supplémentaires pour leur assurer un maitrise de la lecture et de ces notions mathématiques de base.
En fait, je suis non seulement pour l’application de tests standardisés à la fin du secondaire (tests améliorés), mais nous devrions, comme beaucoup d’autres provinces au Canada et dans beaucoup d’autres pays, imposer également des examens uniques au primaire, et ce, à au moins deux reprises (disons fin 3e et 6e année si on parle en terme d’année plutôt que de cycle). S’il ne savent toujours par lire ni compter, c’est à ce moment qu’il faut intervenir, pas lorsqu’ils auront 17 ans. Ce qui fait sans doute de moi, un monstre pour certains d’entre vous. Mais je dirais que leur donner la chance ce n’est pas fermer les yeux sur leurs échecs, mais au contraire, prendre ces échecs très au sérieux et travailler à y remédier le plus tôt possible.
Oups! Dans mon deuxième exemple, les signes « plus petit » et « plus grand » ont été enlevés, sans doute à cause du formatage HTML.
Monsieur Jobin,
Je n’aime pas relancer les gens, mais j’apprécie qu’ils aient le courage de leurs convictions lors de nos échanges, sinon toute conversation devient vide de sens. De plus, je crois que cela fait partie de la civilé d’une discussion entre adultes éclairés et consentants. Bien sûr, il se pourrait que votre silence au message qui vous était adressé ne soit le fruit que de circonstances fortuites, auquel cas j’espère que celles-ci ne soient pas trop graves.
Quoi qu’il en soit, dans un précédent message, je vous invitais à transmettre votre vision des choses quant à certains questionnements. Je me permets donc de vous les soumettre à nouveau:
- des instruments de mesure uniques et uniformes sont-ils nécessaires en éducation (que ces derniers relèvent du secondaire ou des institutions «accueillantes»?
- une évaluation effectuée uniquement par des enseignants ne rique-t-elle pas d’être inéquitable?
- la pauvreté n’est-elle pas un facteur plus discrimant en matière de «tri social» que l’école?
- les enseignants n’ont-ils pas, entre autres, le rôle de s’assurer que leurs élèves puissent répondre adéquatement aux attentes des évaluations qu’ils ont à compléter, et ce, quelles que soient ces évaluation?
- faut-il abolir toute forme de tri en éducation (par exemple: le redoublement, les prérequis nécessaires pour étudier la chimie et la physique au secondaire)?
Voilà tout bonnement mes questionnements. Pour leur part, les commentaires de M. Guité, que je salue au passage, m’ont amené à certaines nuances et je l’en remercie sincèrement.
« Je n’aime pas relancer les gens, mais j’apprécie qu’ils aient le courage de leurs convictions lors de nos échanges, sinon toute conversation devient vide de sens. De plus, je crois que cela fait partie de la civilé d’une discussion entre adultes éclairés et consentants. Bien sûr, il se pourrait que votre silence au message qui vous était adressé ne soit le fruit que de circonstances fortuites, auquel cas j’espère que celles-ci ne soient pas trop graves. »
Je reviens tout juste de la rencontre nationale des RÉCIT à Québec. Cependant, je ne sens nullement le besoin de « répondre » dans un fil de discussion. Y’a plusieurs de mes questions qui sont restées sans réponse sur quelques blogues et je ne m’en fais pas trop avec ça
« des instruments de mesure uniques et uniformes sont-ils nécessaires en éducation (que ces derniers relèvent du secondaire ou des institutions «accueillantes»? »
Je croyais avoir répondu à cette question : NON.
À noter que pour la première fois dans l’histoire des programmes de formation, les critères d’évaluation sont prescriptifs. Par comparaison, dans les anciens PPO, l’évaluation était spécifiée par les domaines de définition. Aujourd’hui, toutes les situations d’apprentissage (qu’elles soient en mode aide ou en mode autonome) DOIVENT inclure ces critères. Les examens sont rendus complètement obsolètes. Un enseignant peu bien sûr décider d’en faire passer à ses élèves, mais il serait à mon avis « anti-renouveau » de baser son jugement sur ce seul examen. Bien entendu, pour moi, l’enseignant est là pour AIDER les élèves. Les examens du Mels ne remplissent pas ce critère essentiel, à mon avis.
« - une évaluation effectuée uniquement par des enseignants ne risque-t-elle pas d’être inéquitable? »
Laisser l’équité à des examens est très risqué. Par exemple, dans l’examen d’écriture du MELS, les enfants ont les sujets AVANT d’effectuer la rédaction de manière à pouvoir s’y préparer (en tout cas, c’était le cas quand ma fille était en 5è secondaire). Est-il équitable que ma fille ait pu discuter des sujets avec des parents relativement éclairés alors que d’autres, venant de milieu peut-être culturellement plus démuni n’aient pas eu cette possibilité? Autre exemple : voyez vos trente élèves en train de faire un bel examen « pour réguler le système et pour définir de son avenir ». Comment savoir si une de ces élèves n’a pas été violentée par son père la veille, qu’un des gars n’a pas eu à s’occuper de sa mère alcoolique pendant la nuit, etc. Bref, comment savoir que tous vos élèves sont émotivement tous prêts à faire ce fameux test qui doit être administré à telle heure et à telle date???
Non, les examens ne sont certainement pas garants de l’équité.
« - la pauvreté n’est-elle pas un facteur plus discrimant en matière de «tri social» que l’école? »
Que la pauvreté soit « plus » discrimant que l’école ne justifie nullement que l’école ait le droit de trier. Les examens du MELS ont pour conséquent de trier les élèves. Qu’il y ait d’autres causes plus (ou moins) importantes n’y change rien.
« - les enseignants n’ont-ils pas, entre autres, le rôle de s’assurer que leurs élèves puissent répondre adéquatement aux attentes des évaluations qu’ils ont à compléter, et ce, quelles que soient ces évaluations? »
Comme dit plus haut, avec le renouveau, l’évaluation doit se faire en cours d’apprentissage, et non APRÈS. En cours d’apprentissage, l’enseignant doit s’assurer que tous les critères d’évaluation sont activés. Par un accès au dossier d’apprentissage de l’élève, on peut suivre son évolution au regard de ces critères.
« - faut-il abolir toute forme de tri en éducation (par exemple: le redoublement, les prérequis nécessaires pour étudier la chimie et la physique au secondaire)? »
À mon avis, il faut éviter le plus possible de catégoriser tout être humain.
Voilà.
M. Jobin,
Je sens que nous ne partageons pas la même définition du mot «discussion», je crois. Peu importe… La richesse du français tient parfois à la diversité du sens des mots!
À votre premier commentaire, je ne crois pas que les examens du MELSQ soient là pour aider les élèves. Ensuite, que se passe-t-il quand l’enseignant n’est plus là pour les aider? Quand savoir quand ceux-ci sont autonomes? Par ailleurs, comment devrait-on procéder alors, selon vous, à la sélection des élèves dans les programmes contingentés au niveau collégial ou universitaire? Quelles solutions proposez-vous pour ces institutions accueillantes?
Concernant votre deuxième commentaire, peut-être n’ai-je pas été assez clair ou m’avez-vous mal compris. Une évaluation, quelle qu’en soit la forme, ne risque-t-elle pas d’être inéquitable si elle est effectuée par des enseignants différents? Je ne parle pas ici de l’outil d’évaluation, d’un examen mais bien du jugement qui pourrait varier d’un enseignant à l’autre. Pour les parents, cette notion de justice scolaire est souvent un incontournable. Par ailleurs, je vous signale que les deux exemples que vous mentionnez, si tristes et émouvants soient-ils, peuvent s’appliquer dans toute situation d’apprentissage. J’ai une élève en famille d’accueil et elle n’a pas la tête à l’école depuis au mons six mois, peu importe le type de pédagogie employée. Je ne crois pas qu’elle serait plus attentive dans une école du renouveau pédagogique, par exemple.
Concernant votre troisième commentaire, je comprends votre position. Cependant, une école sans tri peut-elle exister véritablement?
Concernant votre quatrième commentaire, si je comprends bien, il est théoriquement impossible d’avoir une évaluation «finale post projet fin d’année produit fini» dans le cadre du renouveau?
Enfin, concernant votre dernier commentaire, celui-ci me rappelle un politicien qui estimait qu’un mort sur la route était déjà un mort de trop. Au-delà des mots, le tri en éducation est-il un mal nécessaire et si oui, quand doit-il exister?
Je suis reconnaissant à M. Péladeau qui, dans son commentaire en date du 14 mai, met en évidence la chimère de compter sur des superordinateurs pour analyser des évaluations disparates. Je m’incline, comme il se doit, devant son expertise, tout en me réjouissant d’apprendre à cet exercice de socioconstructivisme
Dans l’espoir de trouver une autre solution au dilemme des tests standardisés, serait-il acceptable que ces tests soient donnés en dehors du cadre d’évaluation sommative de l’élève ? Ainsi, on pallierait deux problèmes importants associés aux examens standardisés, à savoir le stress des élèves face aux examens, et la gestion de classe en fonction de la réussite aux examens.
En réponse au commentaire de M. Papineau (14 mai) relativement à la dichotomie individu vs société, je suis effectivement favorable à l’individuation des apprentissages. Par conséquent, son idée de permettre aux élèves de se soustraire à la réforme ne m’apparaît pas si « tordue ».
Pour le reste de sa généreuse contribution à la discussion, je ne peux qu’absorber sa réflexion dans l’espoir d’enrichir la mienne. J’accroche sans doute davantage à son propos, fort de son expérience pratique.
Le deuxième commentaire de M. Péladeau, toujours en date du 14 mai, me laisse un peu perplexe. Les étudiants d’université dont il souligne les difficultés sont issus, si je ne m’abuse, d’un système qui avait recours à des examens uniques et standardisés pour assurer la qualité des services. Ce qui ne l’a pas empêché de connaître des ratés. Est-ce à dire que ces tests ont été inutiles ? Et cela n’est pas non plus une attaque contre la réforme, puisque les étudiants en question ont connu un autre régime pédagogique.
Vous m’excuserez de ne pas m’attarder sur les commentaires du 17 mai. Il se fait tard, et le sommeil m’enjoint à prendre congé de cette discussion. J’espère y revenir un autre jour.
« Ensuite, que se passe-t-il quand l’enseignant n’est plus là pour les aider? Quand savoir quand ceux-ci sont autonomes? »
Mais c’est justement pour cela que l’enseignant du renouveau doit, au cours du cycle, proposer des SEA (situation d’apprentissage et d’évaluation) et des SE (Situation d’évaluation – mode autonome) pour bien s’assurer que les élèves activent leurs compétences lorsqu’ils sont seuls ! L’évaluation dans le cadre du renouveau est très différente de l’évaluation pré-renouveau.
Par ailleurs, comment devrait-on procéder alors, selon vous, à la sélection des élèves dans les programmes contingentés au niveau collégial ou universitaire? Quelles solutions proposez-vous pour ces institutions accueillantes?
Je travaille au primaire et au secondaire. Si jamais le collégial et les universités veulent mon opinion, je leur donnerai. En attendant, cela n’est vraiment pas mon problème. Je crois que ces institutions (surtout les universités) ont de graves problèmes. J’ironise un peu sur les tests de maths de l’UdM sur mon blogue, mais, si vous fouillez dans les historiques de mes billets, il y en a un sur ma façon de voir l’université et la manière de régler les problèmes au département de l’éducation. (C’est ici http://www.gilles-jobin.org/jobineries/index.php?2005/08/23/251-tic—ce-que-je-crois où je disais :
4- Rechercher de bons éléments parmi les innovateurs du terrain pour qu’ils enseignent aux futurs enseignants. Autrement dit, que les universités commencent par reconnaître qu’elles n’ont pas l’expertise pour faire avancer les choses, et qu’elles puissent embaucher des enseignants compétents/experts même s’ils n’ont pas les diplômes que leurs nobles institutions délivrent et exigent. )
« Une évaluation, quelle qu’en soit la forme, ne risque-t-elle pas d’être inéquitable si elle est effectuée par des enseignants différents? »
Le problème d’équité est en effet très complexe. Je n’ai pas de solutions simples, mais au moins, avec un dossier d’apprentissage, TOUT LE MONDE peut s’entendre sur le développement des compétences, si ce dossier est bien monté. C’est au moins ça !
« Concernant votre troisième commentaire, je comprends votre position. Cependant, une école sans tri peut-elle exister véritablement? »
J’espère que oui.
« Concernant votre quatrième commentaire, si je comprends bien, il est théoriquement impossible d’avoir une évaluation «finale post projet fin d’année produit fini» dans le cadre du renouveau? »
En effet. Le PDF prône l’approche par compétences. Cela implique nécessairement (à mon avis) un portrait de départ de l’élève, des SAE parsemées de SE, et un dossier d’apprentissage permettant de porter un jugement sur les compétences développées par l’élève. Je vous le dis, nul besoin de ces examens finaux. Évidemment, un enseignant peut tout de même en administrer, mais cet examen ira au dossier d’apprentissage de l’élève et sera dans la « pensée » de l’enseignant lorsque ce dernier portera son jugement.
« Au-delà des mots, le tri en éducation est-il un mal nécessaire et si oui, quand doit-il exister? »
Évidemment, vous comprendrez que je travaille à l’éradication du tri. Pour moi, ce n’est pas qu’un mot, c’est une mentalité, une attitude. Pas question pour moi de broncher sur ce point. Je crois que nous avons ici des positions irréconciliables.
« Vous dites: « Les étudiants d’université dont il souligne les difficultés sont issus, si je ne m’abuse, d’un système qui avait recours à des examens uniques et standardisés pour assurer la qualité des services. Ce qui ne l’a pas empêché de connaître des ratés. Est-ce à dire que ces tests ont été inutiles ? »
Comme je l’ai précisé dans un message précédent, ces tests ont des lacunes importantes et au Québec, ces tests ne sont pas du tout exploités pour réellement permettre l’amélioration des enseignements. Je crois qu’il serait possible d’améliorer à la fois leur contenu, leur validité et leur portée pour en faire de réels outils de certification. Je trouve ridicule l’idée de les éliminer et j’applaudis l’implantation récente de tests ministériels en lecture et en mathématiques au primaire.
Vous ajoutez: « Et cela n’est pas non plus une attaque contre la réforme, puisque les étudiants en question ont connu un autre régime pédagogique. »
Est-ce que j’ai dit une telle chose? Je ne cherche pas du tout à revenir à ce qu’il y avait avant l’implantation de la réforme. Je ne suis pas un adepte de l’enseignement traditionnel qui n’a rien à voir avec l’enseignement explicite, l’enseignement direct ou toutes ces approches instructionnistes (y compris « Success for All »). Il y avait de sérieux problèmes avant la réforme et je crois que des changements s’imposaient. Je suis cependant contre la solution proposée parce qu’elle ne fera qu’augmenter l’ampleur du problème. Et c’est d’ailleurs ce que l’on constate aujourd’hui.
Que se passe-t-il selon vous actuellement à la table de pilotage?
http://www.lapresse.com/article/20060518/CPACTUALITES/605180896/1028
Je ne suis pas devin, mais j’imagine que les résultats indiquent fort probablement un net recul des apprentissages et les différents acteurs autour de la table ne s’entendent pas sur la façon de présenter ces résultats et l’interprétation à privilégiée. Les gens au MELS et les directeurs d’école veulent aller de l’avant malgré ces résultats négatifs, les représentants des enseignants veulent au contraire tout stopper. Avec le ministre Fournier qui à commis l’imprudence de nous promettre des résultats positifs, je ne sais pas si un jour on saura le fond de l’affaire. Une preuve de plus selon moi que cette évaluation à l’interne était une bien mauvaise idée et qu’une évaluation indépendante aurait été bien plus appropriée.
J’en voudrais de ne pas mentionner le fait qu’au moment où les résultats des évaluations de sources diverses (table de pilotage, TEIMS, études canadiennes sur le décrochage, etc.) semblent converger pour démontrer la présence d’une détérioration de la situation des élèves au Québec, les mêmes gens qui ont fait la promotion de cette réforme s’en prennent aujourd’hui aux évaluations ministérielles, aux examens, aux tests internationaux, et même, dans certains cas, aux principes même de la recherche scientifique.
Est-ce une coïncidence? Pas du tout. Doit-on s’en surprendre? Pas vraiment.
M. Péladeau
Au lieu d’utiliser l’argument
ad hominem, pourquoi ne pas commenter ma façon de voir l’évaluation dans la réforme i.e. des SAE parsemées de SE qui, à mon avis, rendent obsolètes les examens du MELS. (voir mon dernier commentaire dans ce billet.)
Toute forme d’évaluation a ses avantages et ses inconvénients et si les SAE et les SE n’échappent pas à cette règle. Je ne partage cependant aucunement l’avis qu’ils rendent obsolètes les examens du MELS. Pourquoi vouloir à ce point chercher à éliminer une forme d’évaluation et la remplacer par une autre?
« Toute forme d’évaluation a ses avantages et ses inconvénients et si les SAE et les SE n’échappent pas à cette règle. »
Alors quelles sont les désavantages précis de cette forme?
« Pourquoi vouloir à ce point chercher à éliminer une forme d’évaluation et la remplacer par une autre? »
Je ne cherche aucunement à remplacer à tout prix cette forme par une autre. Cependant, mon travail est d’appliquer les programme de formation. Or, cette évaluation (SAE, SE) est à mon avis très cohérente avec cette application du programme. N’est-vous pas d’accord avec l’assertion suivante : « SI on applique le programme de formation ALORS l’évaluation doit être basée sur des SAE et des SE. » S’il y une erreur de logique ici (que vous soyez POUR ou CONTRE le PDF), j’aimerais bien que vous me la signaliez.
« cette évaluation (SAE, SE) est à mon avis très cohérente avec cette application du programme ».
Sans doute! En fait, je crois que le flou de certains objectifs appelle à une méthode d’évaluation toute aussi floue.
Je crois également que l’abolition des notes chiffrées est très cohérente avec l’idée de développer certaines « compétences transversales « , simplement parce qu’il n’existe aucun instrument pour mesurer celles-ci, et qu’en fait, le mieux que l’on puisse faire, c’est de porter un jugement très subjectif et approximatif sur ces prétendues compétences. Et si je m’efforçais d’opérationnaliser cette compétence en des comportements observables et mesurables, alors les gens me diraient que je n’ai rien compris et que la compétence ne se réduit pas à ça.
Au fait, Monsieur Jobin, connaissez-vous l’effet Pigmalion?
« je crois que le flou de certains objectifs appelle à une méthode d’évaluation toute aussi floue. »
Il y aura toujours une part de flou en éducation. L’activité humaine est beaucoup trop complexe pour être quantifiée dans toutes ses parties. Quand on évalue, qu’on se réclame d’une approche ou d’une autre, on ne fait que déplacer la zone de flou. Quand l’emphase est mise sur le particulier, comme dans le cas des connaissances, la zone de flou porte sur le tout, ou l’entité ; sur le plan des apprentissages, on fait le pari que les morceaux tomberont naturellement en place pour former un tout cohérent. À l’opposé, lorsque l’emphase est mise sur la complexité du tout, comme c’est le cas avec les compétences, il peut arriver que l’on doive porter un jugement qualitatif sur des critères qui ne se prêtent pas à une mesure quantitative, ce qui entraîne nécessairement un flou délimité. Pour évaluer le tout, il faut nécessairement accepter un certain flou au regard des parties. À tout prendre, je préfère une évaluation globale à une évaluation pointue, car la première inclut également des éléments de la deuxième ; de ce fait, elle me semble plus complète.
Je sais, par ailleurs, que les positivistes éprouvent un certain mépris pour l’évaluation qualitative. J’espère, M. Péladeau, que vous n’êtes pas de ceux-là, car ce serait renoncer à ce qu’il y a de plus grand chez l’Homme. D’un point de vue éducatif, il est rabaissant de limiter le développement à ce qui est quantifiable.
L’essence d’une chose, incluant un objet d’apprentissage, est définie par ses qualités (au sens philosophique de « tout ce qui peut être affirmé du sujet d’une proposition »), dont la quantité peut s’avérer une propriété. En ce sens, la quantité n’est qu’une partie du tout, du moins pour l’Homme. Par conséquent, on aurait tort, du moins en éducation, de ne s’intéresser qu’à la mesure mathématique.
Enfin, il me semble que votre allusion à l’effet Pygmalion est une accusation voilée bien gratuite. Je ne vois rien dans les propos de M. Jobin qui laisse croire qu’il amène les élèves à réaliser ses hypothèses préalables.
J’ai parlé de « flou » et je n’ai rien dit à propos de la possibilité de quantifier ou de qualifier. Un jugement qualitatif peut être précis s’il est porté sur une compétence bien définie. Je ne reviendrai pas sur votre critique des positivistes. Ca fait bien longtemps que j’en ai pas rencontré.
Je crois que l’appel à la prétendue complexité et au non-mesurable se fait souvent trop hâtivement et que l’on devrait déployer un peu plus d’effort et d’imagination pour opéralionnaliser et préciser les notions que l’on utilise.
Quant à la mention de l’effet Pygmalion, je ne vois pas comment vous pouvez y voir une accusation à l’endroit de M. Jobin. En fait, je faisais référence à un des principaux problèmes des évaluations par les enseignants
(je m’inclus dans ce groupe): la subjectivité. On prétendra ce qu’on voudra, même avec les plus grands soucis d’équitabilité, de justice, le jugement porté par l’enseignant sur l’élève sera teinté par ses préjugés, ses attentes. Ne serait-ce que de façon inconsciente, l’enseignant exercera une certaine discrimination, basée sur l’apparence du jeune, son habillement, la couleur de ses yeux ou de sa peau, sa beauté, sa taille, et je ne sais quoi encore. Juste en regardant le nom sur la page présentation ou au haut de la feuille, l’enseignant sera mieux ou moins bien disposé à reconnaître la réelle qualité du travail de l’élève.
Si vous me dites que j’exagère alors je devrai conclure que c’est peut être vous le plus positiviste de nous deux.
Que ce soit des examens nationaux, des examens de commissions scolaires ou d’école (composés par plusieurs enseignants), ce type d’examen a l’avantage, lorsqu’administré convenablement et corrigé par une personne qui ne connait pas l’enfant, de diminuer l’importance des ces facteurs subjectifs à la base de beaucoup de discriminations et d’illusions.