Relief...contre la planéité

La fusillade au collège Dawson est une tragédie, certes. Mais la dimension médiatique de ce drame est sans commune mesure avec les malheurs qui s’abattent sur d’autres parties du Monde. Les médias de masse se sont gavés de cette nouvelle comme une meute sur une carcasse bien chaude, avec tous les clichés et les préjugés d’usage. Les réactions personnelles avaient une dimension plus humaine sur les blogues (source : Mario tout de go). Aussi, j’ai préféré lire les billets de Mario, Charles-Antoine et Sylvain aux articles racoleurs de Radio-Canada et compagnie. Les individus éprouvent des réactions plus naturelles que les corporations. L’émotion est plus sincère quand elle vient du coeur que de la bourse.

Le questionnement de Sylvain, sans réponse comme il se doit devant tant d’énormité, a suscité quelques réflexions. Je ne crois pas qu’il soit possible de comprendre les actions d’un individu à partir de la dynamique des systèmes auxquels nous référons pour attribuer un sens aux événements. Les individus ont des comportements idiosyncrasiques qui dévient des normes. Non seulement cela les caractérise, mais cette capacité assure la diversité nécessaire à la survie. Notre besoin de comprendre fait en sorte qu’on établit des généralités pour s’y retrouver plus facilement. Des préjugés, d’une certaine manière, que l’on colporte facilement en éducation. Mais les méandres des escapades individuelles débordent des catégories.

Les comportements déviants ne pourront jamais être complètement enrayés. La vie, du moment qu’on prône un haut degré de liberté, nécessite l’acceptation du risque. Dans nos sociétés modernes, les mesures de contrôle sont proportionnels aux besoins de sécurité. Le phénomène est exaspéré par l’exode vers les villes. Or, le durcissement des contrôles multiplie les comportements déviants, auxquels nous répondons par un resserrement des contrôles. On crée un cercle vicieux.

La démence de Kimveer Gill ne peut s’expliquer que par une convergence de facteurs trop nombreux pour être compris. Il ne sert à rien de blâmer la culture goth, l’armée, les jeux vidéo, internet, le harcèlement, ou que sais-je encore. C’est l’aboutissement tragique d’un individu qui n’a pas su s’adapter à un environnement hostile. Non pas que je blâme la société, mais il est aujourd’hui facile pour un individu de déraper.

Il me semble que l’individu subordonne de plus en plus la collectivité. L’érosion de la spiritualité n’est certainement pas étrangère à ce phénomène. Les médias, qui propagent une autre parole, cultivent le vedettariat. Enfin, les nouvelles technologies ont conféré aux individus un pouvoir (empowerment) inégalé dans l’histoire. On a beaucoup fait état dernièrement de l’efficacité du Web à étendre les réseaux sociaux. Malheureusement, le Web n’est pas reconnu pour ses relations chaleureuses. Dans ces circonstances, il suffit de peu de chose pour que les êtres fragiles se brisent.

Martin Lessard proposait récemment une fameuse analyse des diverses cultures qui ont marqué l’internet (Zéro Seconde : Les 6 cultures d’Internet). Je suis tenté d’en ajouter une septième, soit la culture de l’individu. Martin ne manque pas de souligner l’importance des communautés virtuelles. Néanmoins, il existe une forte population du cyberespace qui se contente d’exister en tant qu’individu bien plus qu’en tant qu’agent d’une communauté. C’est notamment le cas de plusieurs blogueurs, en dépit des apparences. Et ne sommes-nous pas tous foncièrement mus, plus ou moins, par un besoin égoïste d’affirmation ?

Au moment où les blogues scolaires gagnent du terrain, il importe de contrer cette tendance à l’individualisme en mettant l’accent sur le maillage, la collaboration et le partage. Le respect d’autrui, surtout, y trouve tout son sens. C’est d’ailleurs une occasion en or de traiter d’éthique, comme le précise Vicki Davis (Cool Cat Teacher Blog : Think Computer Ethics has no place in college prep? Think again).

Within the human mind is the greatest content filtration system ever designed. [...] If we are ignorant, we are prey. If we are educated and ethical, we create our own cerebral wall of safety.

Par ricochet :

Nécessité d’enseigner l’éthique

Responsabilité éthique collective