La politique de l'anglais au primaire
Le MELS a eu le courage politique d’étendre l’enseignement de l’anglais à la 1ere année du primaire. Le geste était nécessaire, compte tenu de l’importance de préparer les jeunes à une société où les communications ne connaissent plus de frontières. L’on sait, par ailleurs, que les langues gagnent à être apprises en bas âge. Plusieurs ont vivement protesté que la langue française s’en pâtirait. Il y a peu de chances que cela se produise, bien protégée qu’elle est par la loi 101. Par ailleurs, une équipe de chercheurs de l’Université de Dartmouth a découvert que le cerveau développait une zone propre au bilinguisme, laquelle n’entravait pas la langue maternelle (Dartmouth News : Dartmouth researchers find a neural signature of bilingualism). Et puis, il ya d’autres avantages au bilinguisme, comme je me plais à le rappeler aux élèves.
Cependant, l’augmentation du temps dévolu à l’enseignement de l’anglais a créé une pénurie de professeurs de langue. Il est étonnant que le MELS n’ait pas attendu que les universités aient le temps de former suffisamment de professeurs qualifiés. La question de la compétence langagière porte d’ailleurs à controverse, des commissions scolaires exigeant que les professeurs d’anglais réussissent un examen de français. C’est, à priori, une mesure qui défavorise les anglophones. À ce propos, Marie Allard a signé récemment un dossier très intéressant dans La Presse :
- Faut-il parler anglais pour l’enseigner?
Davantage d’enseignants qualifiés en 2010
Examen de français nécessaire
Des cours trop courts
Un succès, selon trois profs
La compétence disciplinaire est certainement le plus important préalable pour l’enseignement d’une discipline. Dans le cas d’une langue, très certainement, on ne saurait accorder la primauté à la compétence pédagogique. De plus, un anglophone sera plus apte à transmettre des connaissances propres à la culture anglaise, un aspect fondamental d’une langue qui a également l’avantage d’élargir l’esprit. En faisant appel à des enseignants qui ont une parfaite maîtrise de l’anglais, on fait ainsi d’une pierre deux coups.
Il est aberrant que de futurs professeurs d’anglais doivent encore apprendre la langue d’enseignement dans leurs cours universitaires. C’est pourtant le cas. Je soupçonne que les facultés d’éducation sont réticentes à se montrer trop sévères à l’admission, de peur de subir une baisse de clientèle.
J’accompagne actuellement un stagiaire en anglais originaire de Halifax qui termine ses études cette année. Il est extrêmement compétent, et son français, ma foi, est fort acceptable. Néanmoins, il m’a révélé que l’examen de français constituait sa plus grande crainte. Ironiquement, cet excellent professeur, à défaut de passer l’examen de français, va aboutir dans une école privée.
Par ricochet :
Les langues et le sex-appeal
Mondialisation de l’anglais
L’anglais, langue de travail en France
Parler, oui mais comment? (Réflexions d’un enseignant)
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D’accord avec le fait de reserrer les critères d’admissions. Par contre, des cours de ratrappages seraient mieux. Certains collègues de ma cohorte (en 2001), sont trilingues et des cours de litt. anglaises et de phonétiques n’ont fait que renforcir les acquis précédents (ce qu’on appel avoir la bosse des langues).
« Le MELS a eu le courage politique » ???????????????????
L’anglais au 1er cycle, au compte-gouttes, c’est juste une mauvaise solution très coûteuse à un vrai problème. Cet avis il est partagé par les enseignants d’anglais langue seconde du Québec.C’est à tout le moins le point de vue de leur association professionnelle, SPEAQ. Au Nouveau-Brunswick, au terme d’une expérience de plus de vingt ans et d’une évaluation récente, on vient de convenir que cette façon de faire apprendre une langue seconde, soit en l’introduisant à la petite cuillère au début du primaire,a été un échec. Curieusement, là-bas, on compte plutôt opter sur ce que proposait justement SPEAQ comme alternative au plan du MELS, soit la mise en place de périodes intensives d’enseignement de la langue seconde, vers la fin du primaire. On parlera tantôt de bain linguistique, tantôt d’anglais accru. Après une expérience de vingt ans…et dire qu’ici on se fait dire que c’est bon, que ça marche, parce qu’on l’a essayé dans six écoles… Tiens, tiens…comme des écoles ciblées…celle où on a justement pas expérimenté ni évalué avec suffisamment de rigueur une certaine réforme…
Non François, ça n’a rien à voir avec le courage politique, c’est juste un pari électoraliste. Oui,il y avait une belle opportunité, mais les jetons ont juste été mis sur la mauvaise case. Et effectivement, l’apprentissage d’une langue seconde en bas âge n’a pas l’effet négatif que l’on dit sur l’apprentissage dela langue maternelle. C’est le cpmpte-gouttes qui dérange.
Au début des années « 80, en Estrie, une commission scolaire anglophone a mis en place la maternelle à plein temps, bien avant le reste du Québec, afin d’offrir, en sus de ce qui était prévu au programme régulier du présco, cinq demi-journées supplémentaires pour la mise en place d’un bain linguistique. On s’était rendu compte que l’introduction du français à petite dose dès le début du primaire ne portait pas fruit, avec comme résultat que les jeunes anglos de l’Estrie ne parvenaient à développer une maîtrise suffisante du français. La conséquence de cela, c’est beaucoup d’entre eux, à la fin de leurs études, quittaient la région, incapables de travailler en français, choisissant l’exode vers les USA, les provinces anglophones ou…le West-Island. Ce programme d’anglais intensif dès le primaire avait donc été implanté avec la préoccupation de préserver la culture anglophone dans les « Eastern townships » et de lui assurer une certaine pérennité. Le projet a été suivi et évalué du début à la fin par une équipe de chercheurs de l’université McGill dirigée par le professeur Gary Anderson, une sommité mondiale en évaluation de programmes éducatifs…
Quand je dis que ce qui nous manque en éducation c’est de la mémoire… On a l’air d’une belle gang de Pénélopes.
Fameuse réaction, Michel ! Je ne te savais pas capable d’un tel débordement. Cela ajoute à mon admiration ;-)
Je me range de ton avis quant au « courage politique ». Le terme était trop élogieux. Je crois aussi que la décision est fort électoraliste, considérant les choix timides qui ont été faits. Tu as raison de dénoncer les modalités de cette implantation mitigée relativement au temps d’enseignement. Par contre, cela aurait nécessité un plus grand chambardement de la maquette scolaire au primaire, déjà un véritable casse-tête.
Mon père répétait souvent « Si tu fais quelque chose, fais-le bien, ou fais-le pas. » Peut-être, dans ces conditions, aurions-nous eu mieux fait de ne pas étendre le programme d’anglais à la première année. En moi-même, cependant, je ne peux pas me résoudre à croire que les mesures actuelles sont tout à fait inutiles.
Quant à la suggestion de Patrick, j’ai des réserves au sujet des cours de rattrapage. Ils peuvent s’avérer utiles pour ceux qui maîtrisent déjà l’anglais (rattrapage pédagogique, il s’entend). Mais s’il s’agit de rattrapage linguistique, il faut que les candidats soient déjà bien forts au départ. Sinon, c’est peine perdue.