L'école empoisonne les enfants
Titre accrocheur, s’il en est un, mais qui fait écho aux accusations cinglantes portées par un regroupement d’une centaine de professeurs, de psychologues, d’auteurs et autres experts, dans une lettre au Telegraph (The Telegraph : Junk culture is poisoning our children’). Parmi les causes de cette corruption, les signataires citent la malbouffe, le marketing, les écoles surcompétitives et les jeux vidéo. Ils trouvent particulièrement alarmante la hausse du taux de dépression chez les jeunes. Le junk food : assurément, à en juger aux études sur l’incidence de la malbouffe sur l’obésité (re : Fast Food Nation). Le marketing : à n’en pas douter, considérant le matraquage publicitaire qui vise de plus en plus les jeunes consommateurs et l’hypersexualisation de cette pub. Les jeux vidéo : accusation un peu simpliste, vu les récentes études sur leur apport éducatif ; il serait plus juste de blâmer la sédentarité, leur surutilisation, ou la supervision parentale. L’école : certes, mais avec plusieurs réserves.
La surcompétitivité des écoles n’est pas à proprement parler un phénomène scolaire, mais social. Elle naît des pressions socioéconomiques et de plusieurs parents, malheureusement parmi les plus scolarisés, qui sont conditionnés par les seuls modèles scolaire et économique qu’ils ont connus, et entraînés dans le rat-race. Il ne faut surtout pas blâmer les enseignants qui sont soumis à des programmes de formation relativement contraignants sur le plan des contenus. Par ailleurs, l’emphase sur les résultats scolaires n’affecte pas tous les élèves. Dans plusieurs cas, il faut plutôt chercher des solutions à l’indolence et à la démotivation des élèves.
Au Québec, il est regrettable que les instances les plus influentes (professeurs d’universités, associations médicales, psychologues, syndicats) ne sonnent pas l’alarme comme on l’a fait en Grande-Bretagne. La conséquence, sans doute, du nombrilisme auquel la spécialisation nous a habitués. Les éducateurs, surtout, devraient avoir le courage de dénoncer ce qu’ils savent être néfaste. Avec l’appui de la communauté scientifique (ou, sinon, appuyée par la recherche), la profession assumerait ses responsabilités et sa crédibilité.
La province s’étant doté d’un vaste réseau de garderies, il faut également examiner de près comment cela affecte l’éducation des enfants. Les enfants ne commencent plus l’école avec une ardoise neuve. Il serait dommage que les garderies succombent aux mêmes pressions sociales que l’école. Il serait tout aussi dommage que l’école ait à déconstruire des erreurs ou des troubles acquis dans les garderies.
Par ricochet :
La platitude de l’école, dès la 2e année
Ces enfants qu’on presse comme des citrons
Moins d’examens, plus d’éducation
Vous pouvez suivre les commentaires en réponse à ce billet avec le RSS 2.0 Vous pouvez laisser une réponse, ou trackback.
Quel portrait déprimant de l’école anglaise! Je suis surpris qu’un prof engagé comme François Guité l’applique aussi carrément à l’école québécoise. Avec d’ailleurs une objectivité déconcertante : « Il ne faut surtout pas blâmer les enseignants ».
L’éducation des enfants est une affaire de personnes. Leur nourriture est (ou devrait) être une affaire de personnes. Quand nous sortons de cela pour entrer dans une dimension collectiviste, industrielle, il y a danger. Cela me paraît incontestable. Je propose que nous parlions d’écologie de l’éducation. Comme toutes les formes d’écologie, celle-ci doit passer par un retour (mesuré) à la tradition.
Comment voulez-vous qu’un enfant apprécie l’école quand le monde extérieur (ceux des murs de l’école) favorise la liberté, les choix personnels?
Un enfant a besoin d’encardrement dans sa liberté. Il doit y exister un juste milieu.
Je suis tenté de faire un rapprochement entre les commentaires de Christian et Patrick. La dissolution des traditions est peut-être justement la pièce manquante à « l’encadrement dans la liberté ». Tous les deux semblent la conséquence d’un tissu social en train de s’effilocher.