Pas de liberté d'expression pour les profs américains
Plus tôt cette année, une juge américaine a statué que les professeurs n’ont pas droit à la liberté d’expression en classe (Global Research : Judge Rules Teachers Have No Free Speech Rights in Class ; merci à Gabrielle pour le tuyau). L’histoire remonte à janvier 2003, juste avant le début de la guerre en Iraq, alors qu’une enseignante de l’Indiana a dit à ses élèves du primaire qu’elle croyait que l’on devait chercher des solutions pacifiques avant de déclarer la guerre. Devant l’agressivité de certains parents, Deborah Mayer a été licenciée. En appui au jugement de la cour, la National School Board Association a émis un amicus curiae (PDF) voulant que les professeurs s’en tiennent uniquement au programme de formation et évitent d’exprimer une opinion personnelle. Pourtant, la Cour Suprême des États-Unis a maintes fois affirmé que la protection des libertés constitutionnelles, dont la liberté d’expression, n’est nulle part plus importante que dans les écoles.
Un professeur a-t-il le droit de dire ce qu’il veut en classe ? Absolument. S’il devait exprimer une opinion inacceptable, il s’expose à la réprimande et à la coercition sociale. Dans le pire des cas, la loi condamne les propos haineux, la diffamation, et le reste. De plus, la perte de la liberté d’expression, d’un point de vue éducatif, est plus lourde de conséquences que le bâillonnement des professeurs dans le but d’éviter quelques écarts d’opinion.
L’idée de restreindre les professeurs aux contenus des programmes est une aberration. Je ne vois pas comment on peut développer l’esprit critique et préparer les jeunes à l’exercice de la citoyenneté en refusant d’aborder les sujets de l’heure. Et puis, quelle démocratie peut prétendre interdire le débat politique dans les écoles ?
Par ricochet :
Suspendue pour une visite au musée avec quelques nus
Fillette interrogée pour menaces en ligne contre Bush
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Je pouffe…
« Programme de formation »… tout programme, et particulièrement en histoire, est évidemment connoté…
Chez nous, l’Histoire scolaire de Belgique a été dominée pendant des décénies par la vision de Pirenne (http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Pirenne) afin d’asseoir l’unité nationale…
Actuellement, notre enseignement est « soumis » à un décret « neutralité » (http://www.ligue-enseignement.be/default.asp?V_DOC_ID=968) mais que je trouve plutôt engagé :+)
Ainsi:
(l’école) « ne s’interdit l’étude d’aucun champ du savoir »
(l’enseignant) « veille toutefois à dénoncer les atteintes aux principes démocratiques, les atteintes aux droits de l’homme »
avec un certain nombre de « balises » et de paradoxes cependant:
« s’abstient, devant les élèves, de toute attitude et de tout propos partisan dans les problèmes idéologiques, moraux ou sociaux, qui sont d’actualité et divisent l’opinion publique » (balise)
« traite les questions qui touchent la vie intérieure, les croyances, les convictions politiques ou philosophiques et les options religieuses de l’homme, en des termes qui ne peuvent froisser les opinions et les sentiments d’aucun des élèves; » (paradoxe)
Pour l’enseignement fondamental,je termine un travail de deux ans avec un groupe d’enseignants sur le développement de l’esprit critique chez des enfants de 8 à 12 ans. Nous avons utilisé la typologie de Ennis (http://www.erudit.org/revue/rse/2000/v26/n3/000292t001n.png) comme base de travail et plus particulièrement le point relatif à la crédibilité des sources. Evidemment, nous ne travaillons pas sur des thèmes aussi « chauds » que la guerre en Irak ou la question palestinienne ;+) (en cela, je reste un défenseur des « savoirs »: pas d’esprit critique sans un minimum de connaissances factuelles) mais plutôt sur « le monstre du Loch Ness, les OVNI, l’astrologie, etc) au départ, notamment, de la bande dessinée (Astérix, Bob et Bobette, Tintin…) qui convient bien à cette tranche d’âge…
Au primaire, « dire » est trop simple… développer des compétences (aïe :+)), l’intelligence, l’esprit critique (re aïe :+)) est d’une autre envergure….
Curieux comme l’histoire, après la religion, est sans doute la plus grande victime de la manipulation de l’information à des fins scolaires. Je trouve rassurant, par contre, que l’information paraisse au grand jour. Je crois que nous nous situons dans une période transitoire où les détenteurs du pouvoir politique et académique sont en train de perdre leur emprise au profit de la base. Les nouvelles technologies de l’information sont largement responsables d’avoir levé le voile sur les faces cachées de l’histoire. De toute façon, les jeunes ne sont plus dupes, eux qui savent très bien dénicher la vérité ou, à tout le moins, les versions contradictoires.
J’ai réfléchi (je restaure une ferme, donc je n’ai que ça à faire pendant que je gratte les murs ;+) à ta vision « optimiste » ;+) C’est vrai, François, les NTI donnent les moyens de ne plus se laisser intrumenter et qq chose comme cela:
http://crdp.ac-amiens.fr/crdp/historial/expo2003_1/exposition_fiche_dictee.htm
serait inimaginable aujourd’hui…
En même temps, les NT donnent aussi la possibilité de faire cela (http://www.glennferon.com/portfolio1/portfolio05.html) – passer le pointeur sur l’image – et donnent une vision « tronquée » du monde…
De même, j’ai eu l’occasion de me frotter à des écrits révisionnistes sur le net (recherche de critères de fiabilité de l’info) – je ne diffuse pas de lien évidemment, et ils utilisent des techniques d’étayage (références bibliographiques, etc) semblables à d’autres sites…
Cela renvoie immédiatement à une complexité d’analyse, de maîtrise du sujet, des faits qui ne sont, évidemment à la portée du premier venu… (ni à ma portée…)
Mon père est né en 1931… Mais j’ai bien peur, que dans une génération, l’oubli (du « plus jamais cela ») ne profite aussi à ceux là qui utilisent les nti pour diffuser leurs menteries…
Heureux homme que le travail manuel laisse le temps de penser C’est sans doute la raison pour laquelle tes arguments, et tes exemples surtout, sont très convaincants ;-p
Tu as raison, la technologie ne saurait résoudre l’éternelle opposition entre le bien et le mal. Elle ne sert que d’instrument dont on cherche à tirer profit, d’un côté comme de l’autre. Je m’en remets à l’espoir que le bien continuera, à la longue, à triompher.
Mais sans doute, là encore, est-ce une vision trop romantique de l’histoire. Dans mon for intérieur, quelque chose me dit que nous sommes trop bêtes pour sauver le monde. Je n’arrive pas à me débarrasser de cette logique selon laquelle l’Homme, s’il est trop égoïste pour sauver même son prochain, ne saurait pas avoir la capacité de sauver ni les générations futures, ni son environnement.