Victime de spyware, une enseignante risque la prison
Les professeurs s’exposent-ils à des poursuites judiciaires en intégrant les nouvelles technologies dans leur enseignement? Les risques sont minces, mais personne n’est à l’abri de zélateurs en autorité. Prenez le cas de cette enseignante, suppléante de surcroît, reconnue coupable de quatre chefs d’accusation pour avoir exposé des élèves à la pornographie (WPRI: Substitute convicted in school computer porn case). Le plus inquiétant dans cette histoire est la possibilité que l’accusée ait été victime d’un logiciel espion (spyware). La chose n’est pas impossible, considérant que les filtres internet de l’école étaient hors d’usage ce jour-là. La malheureuse pourrait être condamnée à 40 années d’emprisonnement (learning.now: Teacher Faces 40-Year Prison Sentence Because of Filtering Folly?).
Le juge n’a pas retenu l’argument de la défense alléguant des logiciels espions. Pourtant, elle a fait valoir des experts convaincants. Ce genre d’incident peut arriver à n’importe quel professeur. Pour qui n’a pas la présence d’esprit d’éteindre l’ordinateur, et peut-on blâmer quelqu’un de perdre son sang-froid devant la prolifération de pop-up obscènes à la face des élèves, les conséquences sont toujours fâcheuses, ne serait-ce que l’embarras dans lequel on est plongé.
L’illogisme est flagrant entre un système qui exerce des pressions pour l’intégration des nouvelles technologies d’une part, puis, d’autre part condamne les professeurs qui, par manque de formation, de ressources et de temps, sont victimes de logiciels invisibles. Il faut aussi dénoncer l’hypocrisie d’une société qui tolère la production et la commercialisation de la pornographie d’une part, puis condamne des occurrences inopinées dans les écoles.
J’ai été témoin de cette diablerie avec nos blogues scolaires. Il a suffi qu’un élève installe un compteur de visites pour que d’autres l’imitent. À l’insu des blogueurs, certains de ces bidules gratuits cachent un déclic qui fait surgir un pop-up publicitaire (casinos, lingerie féminine, etc.). Un esprit malicieux y annoncerait facilement de la porno.
Je comprends les éducateurs d’imposer des restrictions dans l’usage des nouvelles technologies au primaire. Au secondaire, je suis d’avis qu’il est impérieux d’éduquer les jeunes à un usage plus autonome. De toute façon, ils n’attendent pas notre permission pour explorer.
Mise à jour, 22 janvier 2007 | De nouveaux détails font surface dans l’affaire Julie Amero (e-School News: Frank Krasicki Advances the Amero Story):
In June and July of 2004, before Julie’s experience, the Griswold Middle School had an infestation of pornography that caused local authorities to seize a computer and hard drives. A student printed a nude image to take home in their backpack! Funny how no prosecution took place in those cases.
Mise à jour, 6 février 2007 | Andy Carvin continue à s’intéresser à l’affaire Julie Amero (learning.now: More Details Emerge in the Julie Amero Case). Un spécialiste en nouvelles technologies explique, à partir de l’analyse du journal de l’ordinateur (log), comment l’ordinateur a été infecté. On se questionne également sur le rôle et les responsabilités pour les techniciens en informatique.
Mise à jour, 24 février 2007 | L’affaire Julie Amero est en train de devenir une cause célèbre. En attendant le verdict qui sera prononcé vendredi le 2 mars, les articles fusent de partout. Regina Lynn brosse un excellent tableau de la situation, particulièrement au regard des nouvelles technologies (Wired : Protect the Children From Porn).
Mise à jour, 10 juin 2007 | Le tollé général n’aura pas été en vain. Un juge du Connecticut a accordé un nouveau procès à Julie Amero (learning. now : Julie Amero Granted New Trial). Mais comme l’observe Andy Carvin, la menace plane toujours sur les enseignants qui seraient victimes de spyware pornographique puisque les procureurs de l’État ne montrent aucune indication d’abandonner les poursuites.
Mise à jour, 25 novembre 2008 | Une entente à l’amiable a mis fin au procès. Julie Amero, 41 ans, abandonne cède son permis d’enseignement, en plus d’une amende de 100 $, en échange de l’abandon de la poursuite (Newsday : Plea deal ends case in teacher porn allegation).
Par ricochet :
Poursuite pour excès de devoirs
Pornographie et apprentissage des langues (Le blog-notes de Ben)
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Cette histoire fait absolument penser à une chasse aux sorcières moyen-âgeuse ; dans cet @rticle, le journaliste y participe. Néanmoins, suite aux commentaires et éclaircissements de ses lecteurs, il a changé son fusil d’épaule, dans cet autre @rticle.
Pour ma part, afin d’illustrer un scénario qui aurait pu arriver, même sans Spyware, j’ai construit cette p@ge Web + trois @utres…
Une telle chose (popups) m’est déjà arrivée, il y a quelques années : quelque chose avait été installé (la veille au soir) sur l’ordinateur à l’insu de tous, qui activait des fenêtres « popups » au contenu plus que douteux lors d’une navigation internet.
À la vitesse à laquelle je tape sur un clavier, les touches ALT+F4 ont vite fait d’être actionnées et de fermer le tout beaucoup plus rapidement que les popups elles-mêmes ne s’ouvraient !
Comme un ou deux élèves étaient près de moi quand c’est arrivé, j’ai fait une intervention pour donner quelques explications au sujet de ces fenêtres, etc.
Comme j’ai découvert le pourquoi plus tard dans la journée, je me suis permis de donner l’explication finale du phénomène au cours suivant. (Entre-temps, le virus avait été éradiqué de l’ordinateur en question, bien sûr !)
Jamais je n’ai pensé me retrouver avec une telle poursuite sur le dos. Ça se passait au Québec il y a quelques années, et non aux USA en 2006-2007… Là est peut-être la différence, quoique, avec la montée de la judiciarisation au détriment de l’éducation, nous devons rester sur nos gardes…
Vraiment, Djeault, tu ne cesseras jamais de m’étonner!
Je suis d’accord avec Sylvain, à savoir que le risque est moins grand ici. Heureusement, notre société est plus libérale.