Les manuels scolaires à l'heure du Web
Les déclarations les plus belles ne figurent pas dans les manuels. (Bénabar)
Les éditeurs de matériel didactique sont désormais confrontés à l’Hydre du matériel produit par la communauté internet. Sans compter les merveilles disséminées par les médias et les organismes philanthropiques ou à but non lucratif. Au moment où les parents cherchent par tous les moyens à réduire la facture scolaire, il devient difficile de justifier l’achat de matériel didactique quand le Web déborde de ressources gratuites. A-t-on réellement besoin de tant de manuels si vite périmés? Coup sur coup, Clément et Mario ont abordé la question du point de vue de l’entreprise privée. Clément, d’abord, a tenté de tirer le monde de l’édition des illusions dont il se berce, tout en affichant son parti-pris (Canal Numérique des Savoirs : Des ressources éducatives numériques: à quel prix?). De son côté, Mario s’interroge sur les cartes maintenant brouillées par les nouveaux services en ligne (Mario tout de go : À la croisée des chemins). Plutôt que d’ausculter le sujet d’un angle que je connais mal, celui des éditeurs, je préfère l’examiner du point de vue de l’utilisateur, c’est-à-dire de l’enseignant.
D’entrée de jeu, je suis rébarbatif aux manuels scolaires et aux cahiers d’exercices. Pour les avoir utilisés durant plusieurs années, ils n’ont jamais été qu’une source de mécontentement, un succédané à mon inspiration et un somnifère pour les élèves. Les nouveaux manuels proposés en anglais dans le cadre du renouveau pédagogique souffrent de la même dégénérescence que les précédents : on a remplacé quelques contenus, mais non les méthodes.
Voici donc, en vrac, quelques impressions d’un enseignant sur les manuels scolaires à l’heure du Web :
Le matériel didactique répond d’abord à des contraintes ministérielles; les utilisateurs ne représentent que des préoccupations secondaires qui, en raison de leur subordination, donnent un caractère artificiel au contenu.
Le capital de risque fait piteusement défaut dans le milieu scolaire francophone, causant l’uniformité des modèles pédagogiques préconisés.
Les modèles imprimés des maisons d’édition sont fermés et immuables, faisant en sorte que les enseignants peuvent difficilement en réorganiser le contenu.
Les manuels ont tôt fait d’anéantir tout le plaisir et l’émerveillement de la surprise (quel élève le moindrement curieux ne se donne pas la peine de fouiner dans les pages à venir, et qui prend plaisir à étirer la lecture d’un livre pendant dix mois?)
Le matériel imprimé n’est pas aussi flexible que le matériel numérique pour répondre aux besoins d’individualisation des apprentissages.
Les manuels uniques sont des narcotiques qui, avec le temps, éteignent la créativité des enseignants; ils s’érigent en obstacles dans la fragile relation maître-élève.
Le matériel didactique propriétaire doit offrir une valeur ajoutée à ce que la communauté du libre peut produire.
Les nouvelles solutions doivent intégrer les avantages inhérents aux nouvelles technologies : interactivité, collaboration, multimédia, mise à jour, interdisciplinarité, inclusion à un portfolio d’apprentissage, connectivité, etc.; elles doivent être dynamiques plutôt que statiques.
Le matériel didactique en ligne devrait être offert à la pièce; ainsi, les enseignants et les élèves ne seraient pas enchaînés à une seule source de contenu.
Le matériel didactique doit alléger le fardeau des enseignants (planification, préparation, correction, etc.), de façon à ce que ceux-ci puissent offrir plus de soutien pédagogique aux élèves, notamment ceux qui éprouvent des difficultés.
Mise à jour, 12 avril 2007 | De retour du congé de Pâques, je constate que trois nouvelles rapportées par eSchool News concernent le matériel didactique. D’abord, Creative Commons espère réunir sous une même bannière, appelée CC Learn, les diverses initiatives des droits d’auteurs à caractère éducationnel (eSchool News : Wanted: Single standard for open-content licenses). Deuxièmement, et fort malheureusement pour les producteurs de logiciels didactiques, une étude révèle que le recours à certains logiciels destinés à favoriser la lecture et l’apprentissage des mathématiques ne mène pas à de meilleurs résultats scolaires (eSchool News : Major study questions value of school software). Sur une note plus positive, une conférence du Consortium for School Networking envisage d’exploiter la capacité des nouvelles technologies à personnaliser les besoins éducatifs des élèves (eSchool News : Tech’s greatest potential’: Personalizing instruction).
Mise à jour, 16 avril 2007 | Yahoo! a récemment lancé Yahoo! Teachers, un service Web destiné aux enseignants pour leur permettre de planifier, collaborer et partager. Quoique je partage la méfiance de Bud Hunt quant aux intentions des corporations comme Yahoo!, la vidéo d’introduction de Yahoo! Teachers donne un bon aperçu de comment les nouvelles technologies pourraient transformer le matériel didactique.
(Image thématique : Élément mécanique sur fond rouge, par Fernand Léger)
Par ricochet :
L’anachronisme du matériel pédagogique
Des « canons » plus que des livres
Nouveau modèle de matériel didactique
Revue : Manuels scolaires en source libre
L’incohérence du MELS dans l’achat du matériel didactique
Manuels en ligne gratuits
Une maison d’édition offre son contenu sur le Web
Les nouveaux manuels scolaires : du pareil au même
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Finalement, c’est le manuel qui doit s’adapter au pédagogue et à ses élèves, et non pas l’inverse.
Le web nous donnerait/donnera cette souplesse…..enfin!
Avec son ordinateur portable l’élève ne peut-il pas colliger et publier le fruit de son (co)apprentissage dans un portfolio électronique qui vaut bien des manuels?
En tant que jeune enseignant, je dois dire que je suis ambigu face à l’utilisation du matériel imprimé.
De mon point de vue, le principal avantage est qu’il permet de structurer notre enseignement. Il agit que le squelette de tout enseignement, le plan que les enseignant peuvent suivre pour donner une logique à l’apprentissage des élèves.
D’un autre côté, on doit quand même continuer à faire des recherches ailleurs que dans ledit manuel pour s’assurer que nos connaissances sont constamment à jour, surtout que les manuels, avant renouveau pédagogique, ne sont plus tout à fait à jour côté information importante.
Oui, il est vrai que le portable est un moyen efficace pour l’élève de batir un portfolio électronique, mais cette technologie n’est pas abordable dans tous les milieux d’enseignement.
Je suis d’accord avec Éric. Les nouvelles technologies, notamment avec les bases de données, permettent une flexibilité et une adaptabilité que les manuels imprimés n’ont pas.
Toutefois, comme je déteste les manuels, je me range davantage à l’avis de Jean selon qui un portable branché constitue un bien meilleur outil qu’un manuel. Non seulement un portable est-il supérieur à un manuel, mais c’est le meilleur portfolio d’apprentissage qui soit.
Il faut savoir faire la part des choses et distinguer l’idéal de la réalité, ce que Mathieu réussit très bien en soulignant la nature structurelle des manuels, fort utile effectivement pour ceux qui commencent dans le métier. Mais c’est une béquille à laquelle on devient vite dépendant.