Pourquoi certains élèves détestent les TIC


ComputerAgeOng.jpgL’ordinateur obéit à vos ordres, pas à vos intentions. (Anonyme)

En s’attaquant aux conditions essentielles pour réussir l’ouverture aux nouvelles technologies dans les écoles, Gilles ciblait l’accès aux nouvelles technologies pour les élèves. En autant qu’on prône le libre accès à des ressources d’apprentissage, soulevant par la même occasion un choix métacognitif, le point est indiscutable. En réaction aux conditions avancées par Gilles, Patrick fait valoir que les enseignants n’aiment pas tous utiliser les nouvelles technologies. Soit, mais il ne revient pas à un professionnel d’aimer ou de ne pas aimer telle ou telle pratique; il est de son devoir de porter un jugement objectif sur leur valeur et d’embrasser le changement, graduellement, quand les circonstances l’exigent. Il y a lieu de s’inquiéter, toutefois, quand ce sont les élèves qui affichent une hostilité aux nouvelles technologies.

Non pas que les nouvelles technologies soient une nécessité, quoiqu’on ne peut répondre de l’avenir. Mais il y a lieu de se questionner sur une aversion susceptible d’affecter l’avenir d’un jeune. Car l’Homme est foncièrement un être technique. Il suffit de regarder autour de nous pour constater la multitude d’objets que nous utilisons. Que cette caractéristique soit innée ou acquise ni change rien : elle finit par nous définir. Notre adaptabilité à la technologie, à tout le moins, est innée. Pourquoi, alors, des élèves manifestent-ils une répugnance à utiliser les nouvelles technologies? Quoique plusieurs m’aient signalé leur animosité pour l’ordinateur, ils raffolent pourtant tous de leur téléviseur ou de leur lecteur MP3.

Les causes de l’aversion des élèves pour les nouvelles technologies sont assurément nombreuses et fort variables. Je ne veux surtout pas me perdre en généralités, mais je crois en détecter trois plus importantes.

D’abord, il y a la complexité inhérente aux ordinateurs et aux logiciels. Ce sont de véritables monstres de la productivité, conçus pour tous les travaux, et du coup difficiles à apprivoiser. Pour reprendre l’analogie surutilisée du coffre à outils, l’élève peine à trouver quelques outils de menuisier parmi la trousses de médecin, la ceinture d’électricien et tout le reste du bataclan spécialisé. La simplicité n’est pas dans la nature des programmeurs informatiques. L’absence de convivialité à la Microsoft, aggravée par les bogues, les virus et les gels d’ordinateurs, a tôt fait d’aliéner les moins doués. Dans ces conditions, l’ordinateur n’est plus perçu comme un instrument, mais comme une machine.

Ensuite, l’abus du traitement de texte et des présentations PowerPoint, qui découle d’une connaissance archaïque des nouvelles technologies, en désenchante plus d’un. Dans les deux cas, il s’agit de moyens accessoires imposés aux élèves alors que certains préféreraient et gagneraient en créativité à exécuter le travail manuellement. Dans l’ignorance de fonctionnalités plus propices aux apprentissages (méthode, collaboration, réseautage, publication, multimédia, folksonomies, etc.), les enseignants sont incapables de faire naître le besoin de recourir aux nouvelles technologies. Les outils de bureautique, avouons-le, n’ont rien pour séduire les jeunes; quand on a des fourmis dans les jambes, on ne rêve pas d’un travail de gratte-papier.

Enfin, les adolescents sont sensibles aux disparités sur le plan de la réussite. À l’âge où ils se façonnent une identité distincte, les natures plus sensibles sont facilement intimidées par ceux qui excellent dans un domaine. Or, les cracks de l’informatique sont légion dans leur entourage. Le problème serait moins accentué si l’utilisation des nouvelles technologies à l’école était valorisée dès le début du primaire. En deçà des limites de l’intelligence, le plus grand obstacle est la peur d’apprendre; les écueils à l’apprentissage sont plus affectifs que cognitifs, et nous savons que les jeunes enfants ont peu d’inhibitions à ce niveau.

Encore faut-il que les écoles disposent des équipements appropriés et les enseignants d’une formation adéquate. Compte tenu de l’importance certaine des compétences TIC dans la mission éducatrice, il revient à l’État de pourvoir aux ressources nécessaires, ne serait-ce que pour pallier les iniquités sociales.

Nous sommes à un tournant de l’histoire, tout comme la Révolution industrielle a bouleversé le XIXe siècle. Les technophiles de ma génération, témoins de l’ère pré-TIC et post-TIC, ont une double responsabilité : faire valoir les avantages des nouvelles technologies sur le plan des apprentissages, dont ils sommes conscients, tout en préservant les valeurs fondamentalement humaines. La révolution technologique ne doit pas aboutir aux mêmes conséquences néfastes que la précédente.

(Image thématique : Computer Age, par Diana Ong)


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6 réponses

  • Nicolas dit :

    Merci pour cette réflexion très pertinente. Ça me rapelle que certains ont déjà commencé à trouver des solutions.

    Au cours d’un séjour à l’école secondaire anglaise Alexander Gult de sherbrooke, j’étais agréablement surpris qu’ils aient implanté un accès sans fil internet libre d’utilisation couvrant la totalité de l’école. Une discussion avec le directeur m’apprend qu’il ne s’agit pas d’un projet pilote, mais bien de leur stratégie d’apprentissage amélioré déjà en place depuis trois ans dans les 22 écoles de la commission scolaire Eastern Townships: Un ordinateur portable mac fourni à chaque étudiant qu’il traine avec lui autant à l’école qu’à la maison, et ce de la troisième année du primaire jusqu’à la fin du secondaire. De plus, il m’a avoué que même les plus sceptiques à l’arrivée de ce programme se demandent aujourd’hui pourquoi ils s’en sont passé aussi longtemps. C’est un besoin qu’on ne connait pas tant qu’on y a pas goûté…

    http://www.etsb.qc.ca/fr/EnhancedLearningStrategy/faq01.shtm

    À quand un tel projet dans les commissions scolaires françaises?

  • Le projet de la Commission scolaire Eastern Townships est effectivement remarquable. Peu importe les conclusions de ce projet, je suis surtout épaté de leur sens de l’initiative. Votre dernière question me touche. Pourquoi faut-il que ce soit une communauté anglophone qui manifeste ce genre de courage? Les francophones se perdent-ils encore en calculs? J’en rage quasiment.

  • « Les francophones se perdent-ils encore en calculs? »

    Cette phrase me laisse perplexe, François. Même si, comme toi, j’admire le sens de l’inititiative de la CSET, l’aspect financier de cet projet me paraît pour le moins précaire comme je le soulignais récemment sur mon carnet (http://recit.cadre.qc.ca/~chartrand/index.php?2007/04/08/189-le-financement-du-programme-de-la-cs-eastern-townships)

    Peut-être est-ce du au fait que j’évolue dans le privé, mais, pour moi, la question du financement est cruciale. J’ai d’ailleurs peine à croire qu’un tel projet ait passé la rampe au conseil des commissaires compte tenu de la fragilité des assises financières du projet.

    Dans le privé, aux vus des sommes en jeu, une telle aventure compromettrait la survie même de l’institution.

    Est-ce farfelu d’y penser? Je pose cette question en toute sincérité, elle n’est pas purement rhétorique.

    Quand au fait qu’il s’agisse d’une initiative d’une CS anglophone plutôt que francophone, personnellement, ça me laisse totalement indifférent. Je leur souhaite la meilleure des chances.

  • Pour je ne me souviens plus quelle raison, je n’étais pas intervenu sur ton billet, André. Mais puisque tu m’en donnes l’occasion, voici ma position sur le sujet.

    Je considère que c’est une erreur que de réduire la question des nouvelles technologies à leur seule dimension monétaire. Il faut pouvoir faire une évaluation plus holistique de l’apport des nouvelles technologies, surtout en éducation, alors que les bénéfices individuels et sociaux se mesurent à très long terme. Il y a tout simplement des choses qu’on ne peut pas calculer. Le réductionnisme monétaire n’est pas une solution, mais un problème.

    Pour faire une analogie, imagine qu’on applique à l’environnement cette logique de la dépense monétaire. Est-ce qu’on va continuer à détruire la planète sous prétexte que la dépense n’est pas rentable?

  • Dans la position qui est la mienne sur cette question, il n’est nullement question de réduire le problème à sa seule dimension financière ou économique. Je crois cependant que faire fi de cette variable est nuisible à une intégration massive des TIC à l’école.

    Ce n’est pas en niant les problèmes financiers liés à l’implantation des TIC dans les pays en voie de développement que le projet du laptot à $ 100 a vu le jour. Bien au contraire, ce projet est une réponse adaptée à ce problème majeur.

    Il en va de même de la problématique du faible taux de fréquentation scolaire dans certains pays en voie de développement. Une des manifestations de la variable financière dans ce cas est le refus des parents d’envoyer leurs enfants dans les écoles mises sur pied par des organismes humanitaires parce que leur pauvreté est telle que la famille ne peut pas assumer la perte de revenu engendré par la fréquentation scolaire de leurs enfants. Les organismes humanitaires ont compris et offrent maintenant une compensation financière aux parents qui acceptent d’envoyer leurs enfants à l’école.

    Si je ne me trompe pas, Lula, au Brésil, a mis sur pied des incitatifs financiers pour favoriser la fréquentation scolaire.

    Par ailleurs…

    « Cette idée d’harmonisation des intérêts économiques et environnementaux n’est pas nouvelle. Elle correspond au principe de développement durable avancé par le rapport Brundtland (1987) »

    André Chartrand; « Balises pour une éthique de l’environnement et du développement durable » in J.A. Prades, R. Tessier, J-G. Vaillancourt (dir); Gestion de l’environnement, éthique et société, Montréal, Fides, 1992, p127 à 139.

    Ma position, François, est à l’exact opposé de la tienne. Pour moi, négliger la composante financière n’est pas une solution, mais obstacle majeur à l’émergence de plans d’intégrations réalisables et viables.

  • Puisque nous reconnaissons qu’il « n’est nullement question de réduire le problème à sa seule dimension financière ou économique », il me semble que nos positions s’accordent plutôt que s’opposer. Il y a peut-être des différends quant à l’importance relative des aspects monétaires, mais sans avoir traité spécifiquement de la question, il est trop tôt pour parler d’opposition. Au demeurant, la question ne fera jamais l’unanimité.



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