Ensemencer la réforme chez les futurs enseignants


SorsdahlWindsChange.jpgÊtre réaliste, c’est préférer une réforme modeste, qui en permet une autre, à un miracle impossible. (Habib Bourguiba)

La réforme, ce n’est pas l’application d’un nouveau programme ministériel, un exercice né d’un idéal, mais qui s’enlise dans la bureaucratie. C’est un état d’esprit, un questionnement perpétuel en quête d’amélioration, une roue mue par la recherche-action, une affirmation de l’être par la révélation de l’inconnu et, surtout, l’itération dans l’effort collectif. En formation des maîtres, préparer des étudiants à se conformer à un programme d’éducation, aussi moderne soit-il, c’est les condamner quelques années plus tard à la sénescence. On aura mieux fait de leur apprendre à participer au changement.

Il vaut mieux initier le changement que d’être pris dans son sillage. Mais encore faut-il la clairvoyance, l’indépendance d’esprit et la méthode pour ce faire. Le plus difficile, sans doute, est dans l’apprentissage. Lyonel Kaufmann n’est pas un maximaliste. Il a su, par exemple, jeter un regard impartial sur l’utilisation des nouvelles technologies en éducation. Ce professeur de la Haute école pédagogique du canton de Vaud et son collègue José Ticon ont recours à une approche originale pour former les futurs enseignants du primaire à la notion de réforme : « un module de formation interdisciplinaire » pendant lequel les étudiants se conscientisent aux réformes et traitent d’un aspect de la pratique enseignante qu’ils font cheminer dans un blogue.

Ce séminaire propose de poser le cadre général des réformes qui ont agité le XXème siècle scolaire vaudois. Plusieurs regards seront portés sur ces réformes afin de mieux prendre conscience des enjeux à l’œuvre dans ces divers projets. Les étudiants seront ensuite invités à sélectionner une thématique qui donnera lieu à des activités de recherche, puis de mise en valeur des informations récoltées. Une exposition clôturera ce séminaire interdisciplinaire.

On notera la progression de la démarche des étudiants et l’intérêt des commentaires en vue de l’aboutissement. La difficulté est d’attirer les commentaires. La distanciation du Web, entre autres facteurs, fait en sorte que les utilisateurs ont tendance à prendre plutôt qu’à interagir. La culture de réseau est surtout à sens unique. Peut-être, éventuellement, la i-génération aura-t-elle une plus grande ouverture à cet égard.

À défaut de changer les mentalités, une plus grande exposition augmente la quantité de commentaires. Toutefois, il n’y a pas de solution facile à la visibilité d’un site. La concurrence est omniprésente. Dans la blogosphère, je ne connais que la croissance radicante. Comme accélérant, Lyonel n’a pas manqué d’utiliser les services de Del.icio.us, Digg et Technorati. Mais le temps presse, car les travaux d’étudiants viennent rapidement à terme. À part diffuser l’information dans mon coin de la blogosphère éducationnelle, je ne vois pas très bien ce que je peux faire.

Le problème est sans doute mal posé. Il ne s’agit pas de compter sur les autres, mais sur soi-même. Le projet gagnerait à développer une synergie d’échanges à l’intérieur du groupe, une lacune apparente au constat du nombre de billets sans commentaire. Le développement d’une culture collaborative serait d’ailleurs un meilleur indicateur de l’intégration de la réforme en éducation que la production d’un travail linéaire. Mais ne brûlons pas les étapes; les étudiants n’en sont probablement pas là.

Une communauté d’apprenants a besoin d’encouragement au départ, mais devra tôt ou tard développer un esprit critique. La pensée de groupe est un piège fort attirant, quoiqu’il n’est pas facile d’amener des jeunes très soucieux de socialisation à faire preuve d’esprit critique. Il y a fort à parier, en outre, que la critique déclencherait la discussion ou, à tout le moins, la réflexion. Cela nécessite une préparation et un accompagnement, certes, mais un apport extérieur pourrait servir de catalyseur. Les contributions de la blogosphère pendant les deux ou trois prochaines semaines seraient très certainement appréciées.

Mise à jour, 6 juin 2007 | Le nom de José Ticon a été ajouté au deuxième paragraphe pour corriger une omission de ma part.

(Image thématique : Winds of Change, par Timothy Sorsdahl)


Par ricochet :

Compétences du XXIe siècle

Les technologies comme agents de réforme

Formation très continue

Cultiver sa communauté éducative
Bâtir sa communauté
Étude : les écoles échouent dans l’application des réformes

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5 réponses

  • Simon Arcand dit :

    Des professeurs universitaires qui initient le changement et apprennent aux futurs enseignants à y participer ne sont malheureusement pas légion. Le modèle dans lequel j’ai suivi ma formation (et la suis toujours, car il me reste une année à faire) en est un de cases ou de tiroirs dans lequel nous allons puiser de l’information.

    Ce modèle est loin d’une culture de groupe et, de l’aveu de quelques professeurs universitaires, ils n’ont aucune idée de ce qui est enseigné dans les autres cours et de comment c’est enseigné.

    De plus, la majorité des professeurs ne connaissent pas la réforme et nous donnent de longs exposés magistraux sur l’importance de faire participer les élèves!

    Bref, je me demande parfois si nos professeurs ne devraient pas suivre des cours de formation sur la formation des futurs maîtres. Nous préparer à emboîter le pas aux changements devrait faire partie de notre formation.

  • Très bien dit Simon. Durant mon bacc. qui s’est terminé il y a 3 ans, je n’ai eu que deux profs qui ont pu me parler un tout petit peu du renouveau pédagogique. Et tous les autres nous disaient que l’implantation des nouveaux programmes se feraient sans tracas.

    Mais les plus frustrant est aussi que les profs d’université sont un peu déconnecté de la réalité. Combien n’ont jamais mis les pieds dans une salle de classe depuis leur dernier stage au bacc. Assez étonnant quand même.

  • Il y a effectivement un problème au niveau de la qualité de la formation des futurs enseignants. Vous le confirmez à nouveau. C’est à se demander si la querelle entourant la réforme ne sert pas de prétexte à l’immobilisme.

  • Merci à François de son article et de son aide apportée à notre projet.
    Je tiens aussi par ce commentaire à associer mon collègue José Ticon. Il fallait être deux pour se lancer et gèrer ce projet.
    Voilà.

  • Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Le texte a été modifié pour rendre à José Ticon son dû. Navré de ce regrettable oubli.



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