Les neurosciences et la joie d'apprendre
La joie prolonge la vie. (Ben Sira)
Si la joie prolonge la vie, comme le disait Ben Sira, on peut aujourd’hui affirmer qu’elle prolonge aussi la durée des apprentissages. Les neurosciences sont désormais en mesure d’établir le rôle prédominant du plaisir dans les apprentissages durables (Educational Leadership : The Neuroscience of Joyful Education). Plusieurs aspects de nature pédagogique trouvent appui sur les neurosciences, dont la nouveauté, la réduction du stress, le jeu et la pertinence. Ces caractéristiques agissent sur la mémoire et les processus cognitifs supérieurs.
When students are engaged and motivated and feel minimal stress, information flows freely through the affective filter in the amygdala and they achieve higher levels of cognition, make connections, and experience aha moments. Such learning comes not from quiet classrooms and directed lectures, but from classrooms with an atmosphere of exuberant discovery (Kohn, 2004).
Les sciences de l’éducation ne reposent pas uniquement sur la mesure des résultats aux examens, comme certains prétendent. Ils ne se limitent pas non plus à une série de constats neuroscientifiques. La complexité de la nature humaine en interaction avec un environnement changeant et les idiosyncrasies déterminent en quelque sorte le côté aléatoire de l’éducation. Mais surtout, elles garantissent la diversité des besoins. Par conséquent, les sciences de l’éducation tendent à l’éclatement de l’école à la chaîne.
Mise à jour, 25 juillet 2007 | Sur le même sujet : BrainConnection : The Pleasure Principle: Connections between Reward and Learning.
(Image thématique : Structure Joyeuse, par Wassily Kandinsky)
Par ricochet :
En apprentissage, l’émotion l’emporte sur la raison
L’apprentissage personnalisé
La plasticité du cerveau
Neurosciences, cognition et affectivité
Typologie du plaisir motivationnel
Motivation, plaisir et gratification
Ces enfants qu’on presse comme des citrons
La familiarité émousse la pensée
Point de divergence (Cristal cognitif)
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Neurosciences, expérience et bon sens
Quand une enseignante X m’a raconté, hier, ce qui suit, je me suis exclamé : « tu devrais écrire ça dans ton blogue, sauf qu’elle n’a pas de blogue Je profite donc de l’@rticle de François pour glisser cette anecdote, qui, bien sûr, a un lien avec l’@rticle.
La semaine dernière, de lundi à vendredi, de 8h à midi, l’enseignante X en question a donné des cours de récupération en français du sec IV. L’histoire va donc comme suit : le mardi, un élève, qui se donnait au travail exigé corps et âme, demande à l’enseignante s’il peut écouter de la musique, attendu qu’il a de la difficulté à se concentrer ; comme durant l’année scolaire, les écouteurs sont interdits, elle a répondu « non », mais qu’elle s’informerait pour le lendemain ; par contre, le lendemain, elle leur a répété NON, vu que les activités au menu ne s’y prêtaient pas.
Néanmoins, le dernier matin, le vendredi, au début du cours, elle a débuté par son discours magistral à une bande d’élèves endormis, évachés sur leurs bureaux, malheureux de devoir être là, du moins, vu les « symptômes » extérieurs… Leur tâche avant la pause était de travailler individuellement à lire et à écrire ; deux élèves sont alors revenus à la charge et quand l’enseignante X leur a annoncé qu’ils pourraient écouter leurs musiques, tout en travaillant, tous les visages se sont illuminés et une douzaine d’élèves, sur 18, ont immédiatement fait apparaître leurs équipements d’écoute ; certains ont partagé leur système avec d’autres qui n’en avaient pas : ils ont alors tous travaillé avec acharnement durant l’heure et demie avant la pause ; après la pause, les activités au menu ne se prêtaient plus à l’écoute de musique, mais les élèves étaient plus heureux du fait qu’ils avaient pu en écouter.
Pour conclure, je souligne que cette enseignante X, quand elle corrige ou prépare des cours, a presque toujours ses écouteurs sur les oreilles ; il en était de même tout au long de son baccalauréat et elle a été au tableau d’honneur de sa cohorte : elle est donc l’exemple vivant, à mes yeux, d’une personne dont l’activation et la stimulation de l’hémisphère droit du cerveau, de par l’écoute de musique, semble favoriser l’exploitation du coté gauche de ce cerveau, donc la planification, la lecture, l’écriture, voire l’évaluation…
–DjO 2007jul24
Oh oh… quelle merveilleuse anecdote! Mais quelle tristesse, par ailleurs, de voir que la gestion de classe et la pédagogie sont subordonnées à des règlements d’école. Le titre que tu as donné à ton commentaire (belle initiative!) dit tout.
Si je devais autoriser mes élèves à écouter leur balladeur en classe tous les jours, je suis convaincu que ce serait parfois le bordel, M. Guité. Pourquoi?
Tout d’abord, parce qu’ils sont tous sourds si on se fie au volume d’écoute. Il y aurait risque de surenchére sonore, si vous comprenez ce que je veux dire.
Ensuite, certains élèves ont besoin de silence pour travailler. Doit-on les brimer? De façon plus générale, le silence semble devenu honni dans notre société.
Enfin, les règlements d’école ne sont pas tous cons et sont souvent au service de la pédagogie, à ce que je sache, et non l’inverse.
Chaque chose en son temps
Si autoriser ses élèves à écouter leur balladeur en classe tous les jours, serait parfois le bordel, alors peut-être faudrait-il savoir doser ou scéduler ce privilège, afin qu’il soit un catalyseur d’apprentissage et non pas une nuisance.
C’est sûr que si tous les élèves entraient méthodiquement en classe avec leurs écouteurs sur les oreilles, que ce ne serait pas pédagogique, vu qu’il est normal qu’un enseignant présente son cours, au début du cours, ce qui implique que les élèves soient en mode « écoute des explications de l’enseignant » ; néanmoins, n’y a-t-il pas des moments, des activités qui se prêtent mieux à l’écoute parallèle de musique, comme quant les élèves lisent ou écrivent ?
Si les élèves connaissent tous la RÈGLE, écouter de la musique avec ses écouteurs pendant une explication magistrale cause la perte de ce privilège, lors d’une activité où c’est permis, il est probable qu’ils s’auto-disciplineront, ou apprendront à le faire, afin de ne pas perdre ce privilège, auquel ils tiennent.
Méchante gestion de classe en perspective, M. Djeault…
Mes expériences avec les baladeurs sont très positives. J’en profite justement pour faire l’éducation aux risques auditifs et à un usage civilisé, mais surtout pour développer la métacognition quant à son usage dans une perspective d’apprentissage. En laissant les élèves déterminer les règles d’utilisation, j’évite un tas de problèmes d’indiscipline. J’ai toujours trouvé que lorsqu’on responsabilise les élèves, en faisant valoir le gros bon sens (ce à quoi Djeault fait aussi référence), la grande majorité des élèves entendent raison.
Quant aux règlements d’école, je les accepte bien quand ils sont subordonnés à la pédagogie. Comme je le disais, c’est l’inverse qui me rebute.
Après avoir lu votre billet ainsi que les différents commentaires, la première question qui me vient à l’esprit c’est celle-ci : baladeurs et MP3 peuvent-ils contribuer à l’apprentissage pour les différentes disciplines scolaires ? En musique c’est indéniable. Pour l’apprentissage des langues, sûrement. Pour d’autres matières, ils peuvent aussi aider à la mémorisation (mais réécouter en boucle ad nauseam une liste anatomique par exemple, me semble que c’est abrutissant mais si cela aide certains élèves à restituer alors pourquoi pas). Pour certaines autres matières, peut-être, mais faudrait qu’on m’explique comment. En fait, je suis perplexe et je ne demande qu’à être convaincu, tiens en particulier pour la résolution de problèmes en mathématique où la concentration est beaucoup plus importante que le Q.I. comme vous l’avez mentionné dans votre billet du 2 avril dernier. La majorité de mes élèves ont une concentration fragile et quand ils écoutent de la musique, ils se concentrent sur la musique et pas tellement sur le travail à faire. C’est ce que j’ai observé et c’est normal. Personnellement quand j’écoute du Bach (la musique que j’aime le plus) j’essaie d’être totalement avec la musique. Le baladeur comme «catalyseur d’apprentissage» j’ai des doutes. L’effet Mozart ? Tout ce que j’ai lu à ce sujet était peu concluant voire même un peu ésotérique. En tout cas ça ne fonctionne pas pour moi, au contraire ! Mon hémisphère droit semble s’emballer ! C’est vrai que chaque cerveau est unique après tout. Le baladeur pour créer une ambiance matérielle lors de travaux en classe qui sont de véritables pensum alors là, oui pourquoi pas. Mais ces travaux, devraient se faire à la maison pas à l’école. Celle-ci est déjà assez plate comme ça ! N’en rajoutons pas plus de grâce ! Enfin, je suis d’accord avec monsieur Papineau, le mode de vie dominant de notre société est «incompatible» avec le silence. Mais c’est paradoxal qu’un des documentaires ayant eu beaucoup de succès, contre toute attente d’ailleurs (du moins à Montréal mais peu à Toronto paraît-il, une différence de culture peut-être ?) s’intitulait «Le Grand Silence».
Je rejoins M. Biqué dans cette culture de l’«insilence» qui semble être la nôtre.
D’ailleurs, plusieurs enfants ont mal à la tête à la fin de leur journée de classe à cause du nombre de décibels trop élevés dans nos classes.
Alors qu’on a banni la malbouffe dans les écoles, devrait-on laisser les élèves se laver les oreilles aux décibels alors que les orthophonistes ne cessent de déplorer l’utilisation abusive des balladeurs? Va-t-il falloir régir les types d’écouteurs, le niveau sonore sous peine d’être poursuivis par les parents. Certains en seraient capables, croyez-moi!
Enfin, le balladeur est l’exemple ultime d’une société d’individus fermés sur eux-mêmes, vivant dans leur bulle. Désolé, mais pas pour moi.
Cette discussion, fort intéressante et utile, s’éloigne du sujet du billet pour faire le procès des baladeurs. Je ne crois pas que l’on puisse établir de règles absolues quant à la valeur de la musique ou des baladeurs par rapport à l’apprentissage. Les études, quoique jetant un peu de lumière sur la question, ne sont que partielles.
Quelques règles qu’impose l’école, les jeunes se tourneront vers leurs baladeurs dès qu’ils auront quitté ses murs. Dans une perspective d’apprentissage pour la vie, je crois qu’il est important d’amener les jeunes à comprendre les implications de leurs choix métacognitifs.
Le recours à la musique dépend de trop de facteurs circonstanciels (idiosyncrasies, environnement, finalité de la tâche, nature de la musique, etc.). L’un de ces facteurs, que j’ai voulu mettre en évidence, est l’importance de la joie dans l’apprentissage. Il est indéniable que la musique procure un certain bonheur. Mais ce n’est qu’un morceau du puzzle.