Pourquoi le Web change tout
Rien ne donne plus le sens que de changer de sens. (Michel Serres)
Les nouvelles technologies ont transformé tous les secteurs de pointe, à l’exception de l’éducation. Mais si les pratiques scolaires restent hésitantes, les élèves n’ont pas tant de retenue. Les nouvelles technologies transforment aussi les individus, et notamment les natifs de ce nouvel élément. Alexandre Enkerli observait dans un commentaire que « dans l’histoire de l’apprentissage formel, une période de transition d’une cinquantaine d’années ne semble pas très longue. » Je partage son point de vue, sauf que nous ne pouvons pas attendre placidement encore 30 ans : l’école sera depuis longtemps obsolète.
Will Richardson compile dans un wiki les raisons qui font en sorte que la Toile devrait transformer aussi l’éducation (WillRichardson : A Web of Connections : Why the Read/Write Web Changes Everything). En résumé :
- Le monde change
Le Web de la lecture/écriture dynamise le changement
Le Web change la politique
Le Web change le journalisme et les médias
Le Web change le monde des affaires
Temps de défis pour les éducateurs
Le Web ébranle les approches traditionnelles de l’apprentissage
Le Web ébranle nos croyances sur les connaissances et la littératie
Le Web ébranle notre conception de la classe et de l’enseignement
Il faut une vision 2020 pour l’éducation
Peut-être même la Toile n’est-elle pas étrangère au fait que nous lisons plus de livres que jamais (BBC : More reading’ than in 1970s). Comme le rapporte Ewan McIntosh, les blogueurs sont particulièrement conscients de l’accroissement de leurs lectures (Ewan McIntosh’s edu.blog.com : We’re reading more than ever before no surprise for bloggers?
Plus spécifiquement, Teemu Arina voit dans Internet une sorte de troisième dimension de l’apprentissage, entre l’éducation familiale et institutionnelle, qui libère l’individu et l’habilite à poursuivre ses propres intérêts. Pour bien comprendre, voyez l’intégrale de sa présentation à la récente conférence EDEN : Serendipity 2.0: Missing Third Place of Learning (source : Stephen Downes).
Ce qui m’amène, en conclusion, à l’excellente question posée par Will Richardson : pourquoi est-ce si difficile pour les éducateurs de se concentrer sur leur propre apprentissage? Le paradoxe intéressera les conseillers du RECIT. Se peut-il que les éducateurs, dans un exemple typique de cordonniers mal chaussés, aient perdu de vue leur propre développement? Ou est-ce tout simplement qu’ils sont perdus dans un sentiment de supériorité?
Mise à jour, 24 juillet 2007 | À la question de Will Richardson ci-dessus, lancée à la sauvette, je retiens l’excellente réponse de Gilles (voir également le commentaire de Laurent Barbier) :
Pourquoi ? Bien sûr, c’est familial, c’est culturel. Mais c’est aussi parce que l’école ne fait pas son travail. L’institution ÉCOLE détruit le goût d’apprendre, un point c’est tout. L’école ne nous a pas montré que l’apprentissage, c’est d’abord du tough fun. L’apprentissage, c’est du sadomasochisme intellectuel : on se fait mal pour mieux jouir. À l’école, la souffrance d’apprendre, c’est la souffrance chrétienne, celle qui nous donne de bonnes chances d’atteindre le royaume des cieux.
(Image thématique : Change, par Terri Burris)
Par ricochet :
Les jeunes sont différents, naturellement
Les TIC, le hasard et la créativité
Le chaos appliqué à l’éducation
Qu’est-ce qu’un professeur? (selon Teemu Arina)
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« Le monde change »
Je crois qu’un des problèmes principal c’est le manque de conscience (en particulier de la part des enseignants) de ces changements radicaux.
Pour se faire une opinion je conseil vivement le livre « The World is Flat » de Thomas L. Friedman (trois fois prix Pulitzer).
Ce livre est sorti en 2005 et a été traduit en Français et mise à jour et complété en anglais récemment (c’est la version 2.0 que je viens de finir). Dans son livre l’auteur replace aussi l’éducation dans ce nouveau contexte pour monter l’importance d’évoluer rapidement.
Thomas Friedman avait été invité à la sortie du livre à donner une conférence au MIT (la vidéo est ici):
http://mitworld.mit.edu/video/266/
Page wikipedia:
http://en.wikipedia.org/wiki/The_World_is_Flat
Je crois qu’il y a plein d’opportunités dans cette nouvelle donne mais ceux qui n’auront pas vu ou ne voudront pas s’adapter aux changements de conditions « climatiques » risquent rapidement le déclin de l’espèce (« la première étape pour éviter un danger c’est dans connaître l’existence »).
En attendant les enseignants français ont le même emploi garanti à vie (chose que n’auront jamais leurs élèves). Cela n’aide peut-être pas à cette prise de conscience.
francois
Pour un enseignant, le web permet certainement, s’il le veut, une actualisation de sa formation continue. L’autodidaxie est tout à fait possible. Les processus d’apprentissages peuvent s’enrichir avec l’existence de ce réseau. Le web est un geyser. La «compétence» de l’enseignant s’en trouve certainement soutenue. Mais curieusement, «l’école» se sclérose toujours. Dans les pratiques scolaires, je n’ai pas observé du moins à mon échelle et ce depuis «l’arrivée» du PC en 1981, la concrétisation de nouveaux paradigmes en regard des apprentissages. Dans mon centre, pas un enseignant n’utilise le potentiel du web, à part quelques incursions ponctuelles, dans sa pratique. C’est un constat et l’explication de cet état de fait est certainement peu simple Mais pour moi, la vision d’une école vue comme une «unité statistique administrative» contribue certainement en partie à cet état de fait.
Nous partageons le même prénom, François et moi, et nous avons été impressionnés par le même livre. Drôle de coïncidence. The World Is Flat est effectivement une lecture incontournable pour comprendre l’étendue des bouleversements qui secouent le monde. À dire vrai, elle a beaucoup contribué à radicaliser ma position par rapport au systèmes d’éducation. Merci infiniment du lien vers la présentation de Friedman au MIT.
Il me semble que Daniel arrive sensiblement au même résultat, par voie détournée, et par la force de son analyse.