L'obsolescence de l'adolescence


MorenoNarcissusEcstasy.jpgAdolescence : une étape entre l’enfance et l’adultère. (Anonyme)

L’enseignement ne consiste pas à déverser machinalement un contenu comme dans ces cartons de 24 canettes qui défilent sur une chaîne automatisée. Sans rapport émotif et humain, le sujet perd de sa vivacité. Par conséquent, je dois me faire psychologue de fortune. Dans mes rapports avec les adolescents, l’expérience m’a appris que les relations individuelles passent mieux que les interventions de groupe et que les ados apprécient qu’on les traite en adultes. Mais comme cela ne suffit pas auprès de jeunes en pleine métamorphose, je m’intéresse à tout ce qui peut accroître ma compréhension.

L’un des articles qui m’a le plus aidé à saisir la complexité et la diversité des bouleversements de l’adolescence provient du magazine TIME : Secrets of the Teen Brain. À tel point que j’en recommande la lecture à tous les parents. Quoique l’article soit payant pour les non-abonnés, ces quelques dollars dissiperont bien des conflits. À défaut d’acheter l’article, il faut au moins voir la présentation interactive qui illustre le développement du cerveau à cet âge (image ci-dessous) et résume pourquoi cette période est cruciale à l’apprentissage.


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Récemment, un autre article est venu renforcer l’idée que notre conception de l’adolescence, et particulièrement celle qui prévaut dans les écoles, est tordue (Globe and Mail : Adolescence is obsolete). Robert Epstein, ancien éditeur en chef de Psychology Today et auteur de The Case Against Adolescence: Rediscovering the Adult in Every Teen, affirme que le carcan dans lequel nous limitons les adolescents constitue un énorme gaspillage de ressources humaines.

Selon Epstein, nous devrions laisser les adolescents agir en adultes, quitte à les laisser abandonner l’école, travailler et voter. Sans minimiser les problèmes d’une telle mesure, il faut reconnaître que cela obligerait les écoles à mieux répondre aux besoins de sa clientèle. L’uniformité bureaucratique n’est guère source d’innovation.

J’aime les iconoclastes, car ils sèment le doute. Quoique je reste critique à l’endroit des solutions proposées par Epstein, notamment son système de tests de compétences, ses observations me semblent fondées. Voici celles que je retiens de l’article :

    • L’adolescence, telle que nous la concevons, est un concept relativement moderne qui, dans les faits, ghettoïse la jeunesse (voir à ce sujet Psychology Today : The invention of adolescence).

    • Les recherches les plus récentes réfutent la théorie selon laquelle l’adolescence serait le passage trouble de l’enfance primitive à l’adulte civilisé (voir Promoting the Health of Adolescents: New Directions for the Twenty-first Century).

    • La taille du cerveau atteint sa limite vers l’âge de 14 ans. L’intelligence, la mémoire et le temps de réaction continuent de se développer durant l’adolescence, après quoi ils commencent à décliner.

    • Il est plus facile d’apprendre durant la jeunesse.

    • Les adolescents perturbés sont des Frankenstein de notre création. On peut établir une corrélation entre la tapée de restrictions et de règlements imposés aux adolescents (deux fois plus que ceux auxquels sont soumis les détenus aux États-Unis) et les troubles de comportement.

    • Plus nous écartons les adolescents des activités des adultes et moins ils peuvent interagir avec ces derniers, les refoulant par le fait même dans leurs sous-cultures à la MySpace.

    • Les traits de caractère sont immuables, mais les compétences peuvent être formées.

(Image thématique : Narcissus in Ecstasy, par Sebastian Moreno)


Par ricochet :

La tyrannie des adolescents

Les effets de l’alcool sur le cerveau des jeunes

La psychose des blogues d’ados

Avantage Q.I. masculin (et cerveau d’ado)

Les jeunes sont différents, naturellement

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3 réponses

  • Daniel Bigué dit :

    «Selon Epstein, nous devrions laisser les adolescents agir en adultes, quitte à les laisser abandonner l’école, travailler…». J’ai des réserves avec cela. Personnellement, j’aime bien le proverbe suivant : «Si tu veux connaître le feu, il faut que tu te brûles un peu !». Toute la nuance est évidemment dans le « un peu». Moi qui fréquente des «adulescents» décrocheurs-raccrocheurs depuis une quinzaine d’années environ, je peux dire que ceux qui se sont brûlés plus qu’un peu sur le marché du travail, doivent faire preuve d’un courage extraordinaire pour améliorer leur situation de vie en revenant aux études. Certains y parviennent de façon héroïque qui me dépasse, mais pour d’autres, leurs vies sont «des vallées de larmes». Le risque est très grand, surtout à l’adolescence, cet âge des «excès» ! Pour moi, avec ce que l’on apprend sur le développement du cerveau, avec l’émergence de la technologie de plus en plus présente dans la vie de l’adolescent, il est certain que «l’école» doit se «redéfinir» face à ce dernier. Le taux réel du décrochage scolaire est significatif du «problème».

  • Je partage l’avis de Daniel. Ce qui change la donne, à mon avis, c’est le battage constant de marketing et les tentations auxquels les adolescents sont soumis. Or, on sait que le cortex frontal, l’une des dernières parties du cerveau à atteindre la maturité, est justement responsable du jugement. En tant qu’éducateur, j’ai un sentiment d’échec chaque fois que je vois un jeune décrocher. Je ne sais que trop bien à quel point ce geste est lourd de conséquences, comme tu le soulignes bien.



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