La réforme achoppe aussi auprès des élèves
La connaissance scientifique est toujours la réforme d’une illusion. (Gaston Bachelard)
Dans notre empressement à réformer l’éducation, aurions-nous négligé d’expliquer le changement aux élèves? J’en prends à témoin Kaihua, un élève de 2e secondaire du Programme d’éducation internationale, qui dénonce la réforme, les bulletins, et le rejet de la compétition (Kaihua H. : La réforme et les « réformés »). Il est inconcevable qu’un élève, et non le moindre, affirme ne rien comprendre à un apprentissage qu’il vit tous les jours.
Je pense que malgré les nombreux trous dans l’éducation actuelle, on survivait ben correctement sans la Réforme, alors je ne vois pas pourquoi on devrait l’appliquer là. Et même si on l’applique, en quoi consiste-t-elle, la fameuse Réforme? J’en ai aucune idée et puis ce n’est pas le gouvernement qui va me l’expliquer, ça j’en suis convaincu
J’encaisse le coup en acceptant une partie du blâme. Sans doute ai-je péché en tenant pour acquis que les élèves de 2e secondaire, après plusieurs années du renouveau pédagogique, savent pourquoi ils font les choses d’une manière ou d’une autre. Mais que fait-on de la métacognition? Assurément, je devrai m’attaquer à ce problème en priorité; si un bon élève comme Kaihua tient de telles idées, c’est qu’il n’est pas le seul. Pourtant, j’avais abordé la question sous un autre angle pas plus tard qu’il y a deux semaines. Cette fois, il faudra que je sois plus stratégique dans la démarche, et plus clair dans les explications.
Certains accuseront les élèves de succomber aux critiques des parents et des médias. Pour un éducateur, c’est un faux-fuyant. Les professionnels de l’éducation, c’est nous. Si nous ne réussissons pas à expliquer nos actes et à rectifier les préjugés ou les aberrations, on ne vaut pas cher. Contrairement à la ministre qui dit des âneries, nous ne sommes pas des débutants.
(Image thématique : Information Failure, par Nanna Hänninen)
Par ricochet :
Les affres de la réforme
Attaques contre la réforme
Changer ou périr
Le changement en éducation : évolution ou révolution ?
L’école engendre-t-elle la résistance au changement ?
Le point sur la réforme
Étude : les écoles échouent dans l’application des réformes
L’école d’hier et de demain
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Il est évident que nous, profs, avons quelque chose à apporter, et ce, plus rapidement qu’on pense, à propos des explications et de la compréhension de la réforme.
Mais les enseignants qui en sont au tout début de l’implantation de cette réforme (1re ou 2e année) sont parfois encore dépourvus. Je lisais hier soir, dans un autre blogue d’enseignant, combien insécurisant cela peut être pour plusieurs enseignants d’essayer d’implanter cette réforme sans avoir eu de formation ou presque.
Plusieurs de ces formations sont plus ou moins « bidon » et sont décriées par plusieurs. Il manque cruellement de conseillers pédagogiques (en CS ou ailleurs, si la structure ne le permet plus…) Certains postes officiels sont vacants depuis plusieurs mois sans que rien ne soit fait, ou presque.
Je veux bien garder un certain optimisme, comme Clément (qui, un peu plus tôt, faisait état de l’actualité en éducation de la dernière semaine), mais j’ai parfois beaucoup de misère à le garder quand je prends conscience de toutes les niaiseries qui se passent…
Allez ! Vivement ma classe, ce matin, que j’y retrouve de vrais élèves sur le plancher des vaches !
Effectivement, j’ai vu passé des explications de la Réforme adressées aux enseignants, aux conseillers pédagogiques des CS, ou encore aux directions d’écoles, mais, malgré qu’un des buts de la Réforme est de mettre l’élève au centre de ses apprentissages, je n’ai toujours pas vu de communiqué, de brochure, ou autre, expliquant aux élèves, ce qu’est cette Réforme ; peut-être aussi que je l’ai manqué, s’il y en a eu… Peut-être aussi que quelqu’un devrait prêcher par l’exemple et mettre en oeuvre sa pensée créative, créatrice, afin de trouver un moyen de communiquer de façon appropriée, en fonction du destinataire, les concepts inhérents à la Réforme… Dans ce cas-ci, les destinataires seraient justement les élèves.
J’ai lu l’@rticle de hekai K et c’est bien sûr que si personne ne prend le temps d’expliquer la Réforme aux élèves, que ceux-ci risquent de se contenter de forger leurs opinions, en se basant sur le sensationalisme journalistique, dont nous avons eu l’agacé-ment d’une bonne, grosse pelletée, la semaine dernière… Par contre, il y ici lieu d’exercer son jugement critique et d’exploiter l’information pertinente, disponible sur le sujet de la Réforme…
Dans un commentaire laissé par François, dans le blogue de hekai K, François termine par : « On continuera la discussion en classe. Je suis content que tu aies soulevé la question. » À propos de cette discussion éventuelle, je fais noter à François que la documentation sur la Réforme, concernant le domaine de l’anglais, langue seconde, est justement, en anglais, ce qui ne peut qu’être excellent pour mener une discussion, ou une activité pédagogique, en anglais, sur la dite Réforme, dans le cadre d’un cours d’anglais…
La documentation sur l’anglais contient 50 pages si on exclue la bibliographie : p. 169 à 219 ; Programme de formation de l’école québécoise : Enseignement secondaire, premier cycle. ISBN : 2-550-41736-4. Il y aurait sûrement un scénario d’apprentissage, qui favoriserait l’intégration, le réinvestissement et l’évaluation des connaissances procédurales ou déclaratives propres à l’ESL ou à la Réforme en général…
Piste
1. Chaque élève lit ± deux pages.
2. Des paires sont formées.
3. L’élève A présente à l’élève B ce qu’il a lu et vice-versa.
4. A et B résument ce qu’ils ont saisi, en vue de le présenter au groupe classe.
5. Chaque paire présente au groupe classe.
6. Les élèves du groupe classe posent des questions, s’il y a lieu
7. Tous prennent des notes, bref, utilisent une méthode de travail efficace.
8. Chaque paire formule des questions, sur les pages qu’il a lus et présentés, question de pouvoir évaluer la compréhension des élèves du groupe classe.
9. Toutes les questions des paires sont regroupées, et servent à évaluer ce que chacun a compris, retenu sur la Réforme, du moins dans les domaines ESL, EESL ou ELA.
Bien sûr, tout ceci dit, comme pure suggestion… Je sais que François est bien assez grand et pro pour régler, résoudre ce problème !
Tout cela rejoint-il le syndrome du cordonnier mal chaussé? Je ne saurais dire. Il ne faut pas oublier non plus que les élèves sont déjà élevés dans les valeurs de leurs parents.
Quant aux enseignants, la plupart apprivoisent la réforme en même temps que leurs élèves. Ceux-ci sentent leurs hésitations, leurs réticences, leurs craintes, parce que le changement ne se fait pas toujours dans le bonheur.
Ce matin, un collègue me résumait ses jours de formation: «On travaillait en équipe à créer des projets autour d’une réforme qu’on nous avait mal expliquée et les CP avaient l’air d’en savoir autant que nous. Disons qu’ils n’avaient pas beaucoup de réponses à nos questions.»
Alors, comment espérer qu’ils en fassent correctement la «promotion»?
La réforme fait les choux gras des journalistes depuis plusieurs années. Nos élèves ne sont pas sourds aux nombreux commentaires de leur entourage. Les commentaires de Kaihua ne me surprennent pas du tout mais pour une tout autre raison. Les élèves doivent-ils connaître les stratégies pédagogiques de leurs enseignants? Lorsqu’un prof choisit un problème mathématique en particulier, dans le but de créer un conflit cognitif, il n’a pas à en informer les élèves. Pour lui, ce qui compte c’est l’apprentissage qu’il en fait. Je ne veux pas dire que l’élève ne doit pas réfléchir sur le processus au contraire. Je crois sincèrement que la métacognition est au centre du développement de la compétence. Mais nos élèves ne sont pas toujours conscient de la stratégie utilisée par l’enseignant. Cependant, cela ne les empêche pas d’apprécier certaines stratégies pédagogiques et d’en détester d’autres, mais cela existait bien avant la réforme. Combien d’élèves détestent faire des dictées, même si cette approche leur a permis d’apprendre à écrire? C’est à l’enseignant d’évaluer l’impact de ses pratiques pédagogiques et de les adapter aux besoins de ses élèves.
Que les élèves connaissent et comprennent les compétences à développer à l’école, ça me semble primordial. Qu’ils connaissent le Programme de formation de l’école québécoise, ce n’est pas leur rôle mais celui de l’enseignant. Alors François, ne te sens pas coupable, tes élèves ne sont pas des pédagogues.
Comme enseignant, j’ai résolu de voir à ma propre formation professionnelle. Malheureusement, j’ai cessé de compter sur mon employeur sur ce plan, tout comme des ressources matérielles et pédagogiques. C’est absolument regrettable d’en arriver là, et c’est symptomatique du mal qui mine notre système. Je dénonce la situation, évidemment, mais je ne peux pas me résoudre à m’en tenir à cela.
Le MELS n’est cependant pas seul responsable de ce marasme. Les enseignants ne sont pas eux-mêmes passés au paradigme de l’apprentissage. Ils comptent beaucoup trop sur le paradigme de l’enseignement sur lequel repose la plupart de la formation. Je ne jette pas la pierre aux formateurs, mais plutôt à une structure de travail qui est caduque. On a réformé les programmes sans réformer le cadre de travail. On n’a aucunement remodelé les maquettes de travail pour y intégrer des dynamiques de formation professionnelle reposant sur la collaboration, l’analyse, les communautés de pratique, etc.
Je réagis à l’intervention de Phylippe, que je partage généralement, mais pas tout à fait. À partir du moment où les élèves portent un regard critique que l’on juge biaisé, il faut faire valoir l’envers de la médaille, histoire d’aiguillonner leur réflexion. Sur le plan de l’apprentissage, je crois important d’intervenir quand les perceptions de valeur sont négatives, puisqu’elles affectent la motivation à apprendre.