Compétences et connaissances inutiles
Ce qui nous rebutait le plus dans nos études, c’était l’inutilité de nos travaux. Toujours s’exercer et ne jamais rien faire. (Valéry Larbaud)
Se peut-il que la réforme pèche par excès de zèle? À la lecture de l’excellente analyse de Bruno Devauchelle (Veille et Analyse TICE : Peut-il y avoir des compétences inutiles ?), il semble que les écoles du Québec ploient elles aussi sous un excès de compétences. Certaines compétences de base étant déjà malmenées, notamment la langue (voire encore récemment cet article dans Cyberpresse : Une lacune difficile à corriger), il y a lieu de se demander si des compétences accessoires ne font pas obstacle au développement des compétences essentielles. Non pas que celles-là soient superflues, mais elles ne doivent pas entraver le nécessaire.
Si je regarde ma discipline scolaire (anglais), par exemple, je constate que le nouveau programme de formation surcharge les compétences. Ainsi, la compétence élémentaire associée à la lecture, la compréhension de texte, devient « réinvestir sa compréhension des textes ». Loin de moi l’idée de dénigrer cette dernière compétence, fort utile. Mais je pose sérieusement la question à savoir s’il est nécessaire que tous les Québécois l’aient acquise. N’est-ce pas plutôt une compétence à développer en complément de la première, aussi souhaitable soit-elle?
La somme de toutes ces compétences disciplinaires adventices, sans compter les connaissances sous-jacentes, alourdit à ce point le travail des enseignants que ceux-ci sabrent des éléments importants du programme tels que les compétences transversales et les domaines généraux de formation. J’ai parfois l’impression que les concepteurs du programme ont bourré les pages de façon à meubler le temps dévolu à chaque discipline, comme si on avait adopté le contenu au format, et non l’inverse.
Je commence à me demander si, comme en France, nous ne gagnerions pas à définir un socle commun des compétences, dans l’espoir d’un programme assez épuré qu’il permette aux élèves de bâtir sur ces assises et de s’adonner, en hauteur, à un développement plus personnel.
(Image thématique : Extinction des lumières inutiles, par Yves Tanguy)
Par ricochet :
Compétences du XXIe siècle
Le fichu bulletin de l’élève
Le point sur la réforme
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La Presse de ce matin en rajoute et, humblement, tout ce qui est écrit dans ces articles se retrouvait déjà dans le livre que j’ai co-écrit. Même que la Presse est gentille…
Trop de compétences? Regardez à quel point une grille de correction d’une compétence n’accorde finalement aucune importance aux connaissances.
Nos élèves savent écrire, dit ce ministère qui me demande de le croire quand il implante une réforme. Je ne sais pas pourquoi, mais je doute.
Comme tout ceci parait dérisoire ! tristesse !
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-975747@51-628857,0.html
Comme je suis d’accord… Mais le programme est-il réellement le problème?
Lorsque que des parents, journalistes, collègues, ministres ou autres adultes (généralement des boomers…) s’indignent de la qualité du français chez nos ados et m’expliquent qu’eux ils apprenaient VRAIMENT à écrire et lire le français, je leur réponds invariablement par la même série de questions au sujet des compétences en histoire, anglais, géographie, mathématique, sciences, etc. Je leur demande aussi à quel âge ils ont développé ou acquis ces compétences et connaissances.
En gros, j’essaie de leur mettre sous le nez que le programme actuel est « chargé » et ambitieux… (Ambitieux! Pas irréalisable!) À chaque fois, je termine mon plaidoyer en proposant que nous n’ayons malheureusement pas le moyen de nos ambitions… Du moins, pas dans les écoles que je fréquente!
M. Giroux,
Je ne m’intéresse pas au passé. J’évite ces comparaisons Je m’intéresse aux élèves qui ont quelque onze années d’enseignement du français dans le corps et je constate leur piètre maîtrise de leur langue maternelle. Ça me suffit.
Le problème esy plus vaste que les programmes, mais les programmes en font partie.
Je m’interroge moi aussi, et je partage cet espoir :
« Je commence à me demander si, comme en France, nous ne gagnerions pas à définir un socle commun des compétences, dans l’espoir d’un programme assez épuré qu’il permette aux élèves de bâtir sur ces assises et de s’adonner, en hauteur, à un développement plus personnel ».
Je pense aussi qu’entre le programme épuré et l’élève, il y a toujours le maître. Je souhaite donc que nos maîtres soient meilleurs.
Pourrions-nous à cet effet exiger des maîtres tout ce que nous exigeons quotidiennement des jeunes ? Je crois que oui. Nous le faisons déjà dans la loi sur l’instruction publique (section II, article 22). Mais entre les objectifs visés et l’énergie disponible et employée pour les atteindre, je ne perçois pas d’harmonie.
« Je ne m’intéresse pas au passé. » Ne convient-il pas de s’en intéresser lorsqu’il s’agit de savoir ce qui fonctionne et ne fonctionne pas?
Par cette phrase, je voulais surtout indiquer que je ne tombe pas dans le piège de comparer les élèves d’il y a 40 ans à ceux d’aujourd’hui.