La transformation du travail enseignant
C’est par le travail que l’homme se transforme.
(Louis Aragon)
La profession d’enseignant change au même titre que le reste, réagissant aux pressions sociales. Mais tout comme l’école, elle progresse à la vitesse des institutions, ralentie par une multitude de forces, dont l’appareil gouvernemental, les syndicats et la culture du milieu. Je sens néanmoins une volonté de la part des professeurs de valoriser la profession par l’autonomie et la responsabilisation. C’est souhaitable si les enseignants doivent un jour reprendre à l’administration les rênes de l’autorité pédagogique. Le respect ne se gagne pas dans l’assujetissement.
Pour l’instant, je vois encore trop d’enseignants s’en remettre à la formation institutionnelle pour leur développement professionnel. Annie Feyfant signe pour l’INRP une analyse intéressante et bien documentée des changements qui modifient la profession (Service de Veille scientifique et technologique : Transformations du travail enseignant : finalités, compétences et identités professionnelles). Son survol de la littérature aborde plusieurs aspects, dont…
- - l’évolution du travail enseignant;
- les attentes de la société;
- pour une globalisation de l’efficacité;
- l’enseignant et son identité professionnelle;
- la résistance aux changements;
- l’enseignant et les savoirs professionnels;
- démocratie, éthique et ethnicité;
- l’enseignant hors de la classe.
L’analyse fait cependant peu de cas des nouvelles technologies. On y trouve bien que « les technologies de l’information et de la communication bouleversent les savoirs et l’accès aux savoirs », mais on semble oublier des considérations plus terre-à-terre, telles que les pressions du milieu de recourir aux nouvelles technologies, les attentes des parents au regard de la communication, et les obligations administratives désormais compilées à l’informatique.
Quant à moi, la plus grande transformation du travail de l’enseignant ne se trouve guère dans aucune modification en particulier, mais plutôt dans la myriade de mutations avec lesquels nous devons composer. Le tout représente plus que la somme des parties, comme des objets disparates qui, une fois déposés dans un bocal, prennent plus de volume en raison des interstices.
Depuis que j’ai commencé à enseigner, il me semble que l’on court plus que jamais. À tout faire à la va-vite, on sacrifie la qualité. On peut bien se doter du plus beau programme de formation, ça ne reste qu’une illusion.
Comme le dit si bien Patrick Giroux en commentant le précédent billet, nous n’avons pas les moyens de nos ambitions.
(Image thématique : Teacher and Tree, par Thaddeus Ward)
Par ricochet :
L’image professionnelle des enseignants
La bureaucratie est cause de maladie mentale
La réforme et le travail des enseignants
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Vous dites que « le respect ne se gagne pas dans l’assujetissement ». Je suis bien d’accord. A tel point que, malgré des études qui auraient dû me mener dans l’Education Nationale, j’ai préféré ne pas mettre les pieds dans un système trop lourd où l’on ne tolère pas l’indépendance des enseignants. J’ai donc dévié la trajectoire de mes études pour entrer à Sciences-Po. Là seulement, j’ai pu commencer à envisager l’enseignement comme une vocation créative et non comme un appareil. J’ai ouvert avec des amis une association d’ateliers d’écriture, et là, je fais travailler les participants sur des textes que je choisis, en m’efforçant de donner des cours de la meilleure qualité possible.
La liberté, ça se conquiert, on ne peut pas attendre qu’un ministère la donne. Internet est un magnifique instrument pour la création et la diffusion des savoirs.
Je rebondis sur cette idée qui me semble révélatrice : « nous n’avons pas les moyens de nos ambitions. »
c’est un point de vue…pas une vérité…un point de vue qui semble dire : « on ne nous donne pas les moyens de nos ambitions » !
Un autre point de vue pourrait-être : « Donnons-nous les moyens de nos ambitions » ce qui opére un basculement de responsabilité porteur d’une autre dynamique, tourné vers l’engagement et de l’action ?
Je me dis que les mots révèlent peut-être le fond du problème de la réforme : le changement reste superficiel !
Je partage le point de vue de Céline quant au pouvoir libérateur d’Internet. Je crois même que cela explique sa très grande popularité auprès des jeunes. Dans mon cas, qui suit enlisé dans un système sclérosé, j’y trouve mon salut.
Comme à son habitude, Florence pousse la réflexion encore plus loin. Je crois aussi que nous gagnerions à nous donner les moyens de nos ambitions. Devant un monstre comme le système d’éducation, toutefois, c’est quasi donquichottesque. Il faut plus qu’un effort individuel; il faut un travail d’équipe.