L'âge et l'apprentissage d'une langue étrangère
Il n’y a pas de langues mortes, il n’y a que des cerveaux engourdis. (Carlos Ruiz Zafon)
La qualité de la langue n’est pas le seul sujet linguistique qui préoccupe les Québécois. La survie de la langue, on le comprendra, touche des cordes plus sensibles. Comme un caillou dans la chaussure, la question irrite chaque fois qu’on soulève la possibilité d’étendre l’enseignement de l’anglais dans les écoles. L’année dernière encore, j’ai eu maille à partir avec un délégué syndical sur les effets de l’âge dans l’acquisition d’une langue étrangère. Pour ce délégué, la position de la FSE tenait lieu de vérité.
Par conséquent, je note un article qui fait le point sur l’acquisition d’une langue étrangère en fonction de l’âge. (Brain Connection : Is There a Critical Period for Learnig a Foreign Language?). En général, la capacité à apprendre une langue seconde décline avec l’âge. Les points saillants :
In second-language instruction, « younger = better in the long run. » But this is a general rule with plenty of exceptions. The exceptions include the 5 percent of adult bilinguals who master a second language even though they begin learning it when they are well into adulthood, long after any critical period has presumably come to a close.
an early start in a second language is neither a strictly necessary nor a universally sufficient condition for the attainment of native-like proficiency
One of the dangers of the…emphasis on critical periods, is that it prompts us to pay too much attention to when learning occurs and too little attention to how learning might best occur.
Learning a foreign language in elementary schoolwhat most researchers generally agree is the ideal timeis not a « magical tool for creating perfect second-language speakers. »
there is certainly no specific age at which the window of opportunity closes completely
The controversy over the optimal age for learning a second language really hinges on the acquisition of a subset of possible linguistic features and functions.
Learning some linguistic features, like tense, seems to be affected by age; yet other linguistic structures, like word order, « are resistant to any effect of the learner’s age. »
Unlike grammar learning, second-language phonological acquisition is subject to a sensitive period. The decline in « unaccented learning » of a foreign language is progressive, however, and not characterized by a predictably abrupt change.
« There is no point at which vocabulary acquisition can be predicted to cease. » There is also [...] no critical period for learning vocabulary in a second language.
on average, there is a continuous decline in ability with age
Older beginners often show an initial advantage over younger beginners in learning a new language; however, over time the younger beginners usually overtake the older beginners.
we should by no means discount the importance of learning a second language early
(Image thématique : Language Series III, par Channa Horwitz)
Par ricochet :
Mondialisation de l’anglais
La politique de l’anglais au primaire
Apprendre la prononciation des mots en anglais
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Né en 55, j’ai commencé à apprendre l’espagnol vers 27 ans, en voyageant et en travaillant, un an et demi, au Mexique, sur plus ou moins cinq ans ; je l’ai ensuite perfectionné à l’Université Laval, sur une période de quatre ans, de 1998 à 2002, avec des cours de grammaire, de rédaction, de culture, de littérature moderne et ancienne, de théatre, de poésie, etc. J’ai maintenant un brevet d’enseignement de l’anglais, langue seconde, et de l’espagnol.
Dès que je peux jaser avec des hispanophones, je le fais avec enthousiasme : mon occupation estivale s’y prête à merveille. Par ailleurs, je lis régulièrement, voire quotidiennement, les « Google News » de Cuba et du Mexique ; pour ce qui est d’écrire l’espagnol, j’avoue que c’est pour moi un processus plus lent et ardu qu’écrire en français ou en anglais, par exemple, car, en fait, je manque de pratique : pour publier sur le Web ou encore correspondre par courriel avec des connaissances universitaires espagnoles, je préfère nettement passer mon écrit au correcteur automatique, avant de le « publier » ou de l’envoyer par courriel…
Ce que ça me prendrait, c’est d’aller passer un an à Cuba, y enseigner l’anglais et y prendre un ou des cours de rédaction espagnole : cette immersion, avec ma maîtrise actuelle de cette langue chantante, me permettrait d’encore plus sérieusement me « trilingaliser ». Néanmoins, l’espagnol est vraiment proche du français, ma langue maternelle : je ne suis pas sûr que j’aurais eu le même succès avec le russe, l’arabe, le mandarin ou le japonais, par exemple…
Par contre, même si j’adorerais ça, je ne veux pas prendre de cours d’italien ou l’apprendre par immersion, de peur que je me mette à le mélanger avec l’espagnol, ce qui serait incorrect pour un enseignant potentiel de l’espagnol : potentiel, en effet, car les tâches en espagnol sont, somme toutes, peu nombreuses, au QC… Pour finir, à mon humble avis, vu la complexité du français, j’estimerais qu’enseigner l’anglais dès la première année du primaire, c’est un brin tôt ; par ailleurs, peu importe la langue seconde ou tierce qu’on veut maîtriser, et l’âge qu’on a, il faut y mettre l’ingrédient « temps », si on veut arriver à maîtriser les compétences que sont comprendre, parler, lire ou écrire une langue : il y a quand même une différence entre savoir commander à souper dans une autre langue que la sienne et écrire un essai sur tel ou tel sujet, dans cette dite langue ; n’est-ce pas ?
Je ne me souviens pas où j’ai lu ceci (peut-être est-ce dans le présent blogue), mais il s’emblerait que l’apprentissage précoce d’une seconde langue aide à la maîtrise de sa langue maternelle. Peut-être en offrant un autre point-de-vue, un recul. Et cela aide au développement cognitif aussi.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que, statistiquement parlant, le bilinguisme est la norme à travers le monde.
J’aimerais bien avoir la chance de Djeault et parler une troisième langue. Il me semble que son histoire illustre bien l’effort soutenu nécessaire à un adulte pour apprendre une autre langue.
Marc André a raison de dire que le bilinguisme est, ou sera dorénavant, la norme à travers le monde. La mondialisation fait en sorte que la maîtrise d’une seule langue constitue quasi un handicap. Le New York Times rapportait justement les efforts qui sont faits en ce sens aux États-Unis : Building a Nation of Polyglots, Starting With the Very Young.
L’étude à laquelle réfère Marc André m’est aussi familière, quoique je ne réussis pas immédiatement à la retracer. Si ma mémoire est bonne, on a trouvé que l’apprentissage d’une autre langue en bas âge entraîne d’abord un certain retard dans l’acquisition de la langue maternelle, mais que cela est de courte durée; éventuellement, cela a un effet bénéfique.
Si qui est amusant, c’est que le bilinguisme (voire le trilinguiste) est depuis toujours la norme dans la majeure partie de l’Afrique, ainsi que dans plusieurs régions d’Asie. Ce n’est qu’en occident, particulièrement en Amérique, que parler deux langues est si rare.
Les enfants sont des éponges. Pourquoi alors limiter l’absorption des connaissances langagières. De plus, l’accès à d’autres langues leur ouvrira des portes sur d’autres cultures. Pourquoi leur fermer ces portes.
Nous avons 3 filles. Lorsqu’elles auront terminé leur secondaire, nos filles parleront trois langues (français, anglais et espagnol). De plus, elles suivent des cours de mandarin puisqu’elles sont d’origine chinoise. Elles n’ont pas le choix. Parfois, elles trouvent pénible de gaspiller leur samedi matin. Quand elles seront adultes, elles auront une carte supplémentaire dans leur jeu. Comme dirait un de mes amis, «Les filles sont chanceuses !»
Il serait intéressant de savoir dans quelle mesure les activités professionnelles et le niveau de scolarité d’une personne peuvent changer la donne en ce qui touche les aptitudes d’apprentissage à l’âge adulte.
Étant traducteur (de l’anglais au français), j’exerce mes facultés langagières quotidiennement. Par ailleurs, outre l’anglais avec lequel j’ai été familiarisé très jeune, je me suis fait le cadeau d’apprendre d’autres langues beaucoup plus tard : l’allemand à partir de 14 ans (pour en reprendre l’étude au milieu de la trentaine, après un hiatus de 20 ans), le latin à partir de 31 ans, l’espagnol à partir de 35 ans et maintenant (à 36 ans) le grec ancien.
Je ne sais pas si j’eusse été un « meilleur polyglotte » si j’avais appris ces langues à un plus jeune âge; sans doute, peut-être – mais avec des « si », on mettrait Paris dans une bouteille, wenn der Hund hätte nicht…
Plus important sans doute que le nombre de langues étudiées : toute la stimulation intellectuelle que j’ai reçue, en français et en anglais, dès mon plus jeune âge. Au vu de mon expérience personnelle, je me rapproche du postulat selon lequel un cerveau, s’il « apprend à apprendre » tôt dans la vie, devient particulièrement apte à l’apprentissage (linguistique ou autre) et le demeure très longtemps.
Aussi, c’est un beau cadeau à faire à nos enfants que de les initier à une langue seconde dès l’âge de six ou sept ans tout en mettant l’accent sur la qualité d’expression en langue maternelle; ils auront la liberté de se perfectionner plus tard s’ils le veulent.
Il semble, Dominique, que notre histoire ait plusieurs points en commun, même si nous ne pratiquons pas le même métier. J’ai moi aussi eu la chance d’apprendre deux langues en bas âge, ce qui ne m’empêche pas d’être fonctionnel dans ma langue maternelle, le français.
Je partage entièrement votre point de vue sur la stimulation intellectuelle de l’apprentissage de plusieurs langues. C’est d’ailleurs un point que je ne manque pas de transmettre aux élèves (Why You Should Learn English).
Apres avoir fini mes etudes sur l’economie a l »Universite, j’ai travaille pendant presque 20 ans et je me suis trouvee en retraite. A 40 ans J’ ‘ai eu mon enfant unique… A l’age de 52 J’ai decide a faire des etudes de langues a l’Universite Technique a Istanbul. Ma langue maternelle c’est le Turc, j’avais appris le Francais et l’Anglais au college, maintenant je continue a approfondir mes connaissances de ces deux langues, de plus j’apprends la Russe et je n’ai aucune difficulte mentale par contre j’obtiens toujours les meilleures notes dans une classe de 30 etudiants, la deuxieme plus reussite dans ma classe est aussi une copine de 48 ans, on deviendra des traductrices et on est decidees de pratiquer le metier jusqu’au dernier jour. Je ne crois pas qu’il soit tard pour apprendre quelque chose y compris une nouvelle langue. Il ne faut jamais laisser vieillir le cerveau, il faut le nourrir dans tous les sens.