De la passivité des connaissances
L’oubli est fait du silence des morts et du mutisme des vivants. (Robert Brisebois)
Ne vous méprenez pas sur le titre, il ne s’agit pas d’une diatribe contre les connaissances. Celles-ci, au demeurant, ne sont pas intrinsèquement passives; elles s’agitent dans la pensée comme des molécules qui surgissent soudainement en bouillons. On ne soulignera jamais assez leur nécessité, légion de globules qui insufflent vie à l’organisme. J’en ai plutôt contre l’orgie de calories vides que les médias nous font ingurgiter. On estime à environ 3 000 par jour le nombre de messages commerciaux de toutes sortes auxquels nous sommes exposés (IRMI : High-Profile Product Recalls Need More than the Bat Signal), et certains enfants américains voient plus de 50 000 pubs télévisuelles pendant l’année (Nolo : Marketing Without Advertising). L’abrutissement est obésité de l’esprit.
Heureusement, l’école a abandonné son penchant pour les connaissances apprises par coeur. Il reste cependant que certains élèves ont une telle soif d’encyclopédisme que le passage aux compétences ne satisfait guère leur curiosité. Le sujet a fait surface quelques fois lors de la rencontre de parents cette semaine, mais moins souvent que dans le passé. Le grincement ne vient pas que des parents, mais aussi des enfants que je ne réussis à convaincre de l’inutilité de s’abreuver de connaissances scolaires qui sombrent dans l’oubli.
Pourtant, je donne aux élèves tout le loisir et les moyens (enfin, les maigres moyens de l’école) d’assouvir leur soif de connaissances additionnelles. Je leur procure temps d’exploration et ressources. Mais curieusement, quelques-uns préfèrent que cela vienne du professeur. Il est plus facile, en effet, de laisser les autres décider. La majorité des élèves, toutefois, décrochent devant tant de gavage. Tous n’ont pas la même capacité d’absorption.
Je me demande, à tout hasard, si ces élèves avides de connaissances et préférant qu’on les serve ne sont pas un dérivé des médias de la passivité, notamment la télévision. Car ils sont encore nombreux, dont la quasi-totalité des parents, à avoir été ainsi conditionnés.
Néanmoins, je ne désespère pas d’amener les élèves d’un mode passif à un rôle actif. Leur avenir en dépend, si on en croît les compétences actuelles et les nouveaux modèles de production plus collaboratifs. Il importe surtout de sauver les élèves du désir égoïste de recevoir sans rien contribuer en retour.
(Image thématique : Passive Imposter, par Peter Halley)
Par ricochet :
Réseauter virtuellement ses connaissances
Connexions : le partage des connaissances
Comportements pro-connaissances
Connaître la connaissance
6 qualités des connaissances mémorisées
La courbe de l’oubli
Compétences et connaissances inutiles
L’école et les compétences du XXIe siècle
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Je n’ai jamis connu l’ancien régime pédagogique, mais je me trouve assez bien dans la réforme. Toutefois, je me reconnais en partie lorsque tu parles de «certains élèves qui ont une soif d’encyclopédisme»…
50 000? Je croyais que ce chiffre était plus grand. Non? Lorsqu’on parle de 50 000 publicités, est-ce qu’on compte plus d’une fois la même publicité ou est-ce des publicités uniques? En tout cas, s’il s’agit de pubs qu’on compte plusieurs fois, je crois que le chiffre devrait être supérieur à 50 000…
Tu fais partie de ces élèves, Félix, qui savent comment épancher leur soif d’encyclopédisme. Tu as appris à « apprendre à apprendre ». Ta présence sur mon blogue en témoigne d’ailleurs admirablement.
50 000 pubs par an, ça fait tout de même une moyenne de 137 pubs par jour! Je ne crois pas que l’on ait tenu compte de la répétition dans la publicité.
Ma résolution d’écran de 600 x 800 me prive, et c’est bien, de bien des publicités ! En effet, comme je lis une bonne dose de nouvelles Web, en français, anglais et espagnol, et comme plusieurs sites ont des p@ges montées pour des résolutions plus larges que la mienne, je manque alors la colonne de droite, laquelle contient souvent des publicités…
« Il importe surtout de sauver les élèves du désir égoïste de recevoir sans rien contribuer en retour. »
Et ça ne concerne pas que les enfants !