De technologie et d'humanité


AsianMastersHumanityI.jpgUn dé à coudre rempli de tourbillons de rien: c’est l’humanité. (René Barjavel)

L’humanité est à la croisée des chemins, une fois de plus. Sauf qu’aujourd’hui, le monde entier s’y trouve, les peuples se bousculant vers l’autoroute de l’information. De tout temps, la technologie a transformé les civilisations et, par conséquent, l’homme. Mais jamais une technologie aussi puissante, pas même l’électricité ou l’automobile, ne s’est répandue aussi rapidement que la micro-informatique. Le monde se numérise à une vitesse foudroyante. D’autant plus que ces technologies sont entre les mains de tout âge.

Devant une telle invasion, il revient à tous, mais principalement aux hommes de pensée et aux anciens, de préserver l’accord de l’humain et de la machine, le second étant subordonné au premier. À défaut de quoi nous risquons de créer au sein même de nos sociétés des ghettos de contre-acculturation, comme il est advenu des autochtones à l’arrivée de technologies d’outre-mer.

Je n’adhère pas complètement à la dichotomie des digital natives vs digital immigrants avancée par Mark Prensky. Aux généralités et à la conception binaire des phénomènes d’un Prensky, je préfère de beaucoup la nuance et la complémentarité d’un Joël de Rosnay qui s’intéresse d’abord aux individus avant de s’intéresser aux systèmes. À ce sujet, André Roux a eu la bonté de me faire découvrir une entrevue avec de Rosnay (à écouter, absolument, pour le plaisir de la langue et des idées) qui a été un baume sur ma plaie. En tant qu’éducateurs, nous avons le devoir d’être non pas des technophiles, non plus que des technophobes, mais des « technologues humanistes », pour reprendre l’expression de Rosnay.

Dans les faits, il faut rapprocher les gens pour combler les lacunes technologiques, comme cette école du Maine qui apparie élèves et professeurs (The Christian Science Monitor : In US Classrooms, ‘Tech Sherpas’ Assist Teachers with Computers). Ou bien cette approche de Lynn Zimmerman et Anastasia Trekles Milligan qui profitent de la présence des étudiants pour les sensibiliser aux contraintes et aux limites de l’utilisation des nouvelles technologies (Innovate : Perspectives on Communicating with the Net Generation).

L’humanité s’exprime en grande partie au travers de la citoyenneté. Or, le Far West virtuel semble éroder dangereusement les conventions sociales, creusant par le fait même le fossé générationnel. Il ne sera jamais trop tard pour éduquer à la citoyenneté numérique, comme le préconise Alec Couros (Open Thinking & Digital Pedagogy : Understanding Digital Citizenship). Ce n’est pas tant que les règles soient différentes, mais qu’elles continuent de refléter nos valeurs. L’éducation seule peut endiguer la cyberintimidation, la cybercriminalité ou la pornographie en ligne; les lois ne servent qu’à colmater les brèches, et encore (CBC : Fake video a hate crime, Halifax university says).

Le cyberespace sera ce qu’on en fera. Mais pour la première fois, l’humanité dispose d’un lieu commun, une cyberagora où il jouit d’une seconde chance de façonner le monde. Au rythme où vont les événements, je ne crois pas qu’il en aura une troisième. Sans la gouverne de l’intelligence, la technologie devient rapidement une arme.


(Image thématique : Color of Humanity I, par Asian Masters)


Par ricochet :

La robotisation du cerveau

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