La famille, la plus petite des écoles
Quand la famille se défait, la maison tombe en ruine. (Antonio de Oliveira Salazar)
Les enfants commencent le préscolaire ou l’école avec un imposant bagage cognitif et affectif. L’apport de la famille ne se dément guère durant tout le primaire et le secondaire, un âge d’autant plus crucial, au primaire surtout, considérant l’essor fulgurant de leur développement. L’école ne peut que bâtir sur ces fondations parfois instables. Or, voici que l’une des plus grandes firmes d’évaluation aux États-Unis, Educational Testing Service (ETS), vient de rendre publique une étude qui réaffirme le rôle prééminent de la famille au regard de l’échec scolaire, du moins dans le contexte américain (New York Times : In Gaps at School, Weighing Family Life).
L’étude (PDF), intitulée The Family: America’s Smallest School, a considéré 16 indicateurs familiaux dans la réussite scolaire. Il se trouve que quatre de ces indicateurs, à eux seuls, peuvent prédire des résultats d’échelle : le pourcentage d’enfants de familles monoparentales, le taux d’absentéisme scolaire en 8e année, la fréquence de lecture parentale chez les enfants de 5 ans, et le temps de télévision chez les jeunes de 8e année. Les faits saillants sont également offerts dans un résumé (PDF) et un diaporama (PPT).
Comment ne pas réagir à une statistique voulant que dès l’âge de 4 ans, un enfant de professionnels a entendu 35 millions de mots de plus en moyenne qu’un enfant d’une famille pauvre. Et c’est sans compter la richesse du vocabulaire.
Si les enfants dépendent de leurs parents, ils ne leur appartiennent pas entièrement. Dès la naissance, la vie confère à l’individu la propriété de son être. Les enfants, comme les parents, ont des droits par lesquels chacun a des devoirs envers l’autre. Or, parmi les droits de l’enfant, j’inclus le droit à l’éducation, conférant ainsi aux parents certains devoirs en ce sens. Malheureusement, les parents sont mal informés de ce qu’ils doivent faire pour la réussite scolaire de leurs enfants. Les bulletins n’aident guère, en ce qu’ils posent un diagnostic sans avancer de remèdes.
Un bulletin des parents n’est ni socialement, ni bureaucratiquement envisageable. Néanmoins, il y a peut-être lieu de concevoir un outil interactif en ligne par lequel les parents pourraient évaluer le degré de soutien qu’ils donnent à leurs enfants. Par la même occasion, on les sensibiliserait à leurs devoirs.
Il reste que l’école doit améliorer les communications avec les parents. On ne pourra plus se limiter aux bulletins papier encore très longtemps. Le hic, bien sûr, réside dans la gestion des ressources et du temps requis pour les communications. La tâche des enseignants étant déjà surchargée, il est utopique de croire que les nouvelles technologies de la communication peuvent résoudre le problème à elles seules. Mais en réduisant le temps d’enseignement et le nombre d’élèves dans les classes en échange de plus de communication auprès des parents, on y gagne peut-être socialement et économiquement.
(Image thématique : Family 3, par He Jian)
Par ricochet :
Facteurs de réussite scolaire
L’école du repas familial
L’école pour les parents
Étude : la famille affecte l’intelligence des enfants
La disposition des enfants à apprendre à l’école
La désertification de la famille
La pauvreté et le retard scolaire des adolescents
Étude : l’importance du début scolaire
Étude : l’inné vs l’acquis dans la préparation à l’école
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François a écrit : l’école doit améliorer les communications avec les parents. On ne pourra plus se limiter aux bulletins papier encore très longtemps. Le hic, bien sûr, réside dans la gestion des ressources et du temps requis pour les communications.
Un autre hic, si on parle d’un bulletin Web, par exemple, c’est que ce n’est pas nécessairement tous les parents qui ont, auront accès au Web. Aussi, comme tu le suggères, monter un tel système avec mot de passe et nom d’usager pour chaque parent, voire chaque élève, afin de guarantir l’éthique par laquelle on ne divulgue pas les notes des élèves à tous vents, ce serait une gros monstre : mots de passe ou noms d’usagers perdus, sécurité du système, etc.
À moins que les données de chaque élève ne soient compilées dans un dossier portant un pseudonyme, au lieu du vrai nom de l’élève, ce qui éviterait de devoir le c@cher derrière mots de passe et nom d’usager, sauf pour participer, poser des questions, émettre des commentaires, etc. Utopiquement, ce serait un plus, mais, réalistiquement, c’est plutôt utopique.
Je conclue donc que le bulletin papier n’est pas prêt de disparaître dans le système scolaire public…
Bonne semaine !
Pour Djeault,
En ce qui concerne l’accès au Web, vous avez raison, ce ne sont pas tous les parents qui y ont accès. Cependant, une enquête récente nous apprend que 96% des adolescents québécois disent avoir un accès Internet à la maison. L’échantillon comprend des élèves de milieux défavorisés. Je crois que nous avons une masse critique là.
En ce qui concerne la gestion informatique. C’est très possible. Il existe déjà des solutions logicielles qui permettent la création de « bulletins » web. Quelques écoles utilisent déjà ce genre de solution. Le bulletin traditionnel s’y trouve sous format PDF. Ces solutions offrent également la possibilité d’inscrire les résultats scolaires en cours d’étapes. Elles permettent également la communication avec les parents par courriel, les enseignants peuvent également saisir des messages ou créer leurs propres messages standardisés.
La solution informatique existe déjà.
François a raison. Il y a la difficulté de la surcharge possible de travail.
Par ailleurs, aussi étrange que cela puisse paraître, il y a la résistance parentale. Il faut d’abord que les parents s’inscrivent à ce service, il faut qu’ils le fréquentent régulièrement et qu’ils lisent ce qui s’y trouve et en tirent parti. Or, tout cela n’est pas gagné. Loin s’en faut. À titre d’exemple, je vous rappelle le débat récent dans les médias concernant les devoirs. La majorité des parents qui sont contre les devoirs évoquent la lourdeur de la tâche dans une vie déjà trop remplie. Lors d’une ligne ouverte à Radio-Canada, j’ai entendu l’éditorialiste Nathalie Collard, de La Presse, dire, en parlant de ce que lui imposent les devoirs, que ce n’est pas à l’école de lui dire comment elle passera ses soirées. Bref, c’est trop d’ouvrage. Qu’est-ce que ces parents ont à faire d’une plus grande communication avec l’école?
La solution informatique existe déjà, mais l’organisation scolaire et les acteurs ne sont pas nécessairement tous prêt à cela.
Puis-je également rappeler que le bulletin papier n’a jamais été le seul moyen de communication. Mentionnons : les 2 rencontres annuelles parents/professeurs (je ne compte pas la générale, elle est trop générale, bien qu’utile), les appels téléphoniques, les rencontres pour PIA, les mots dans l’agenda, les envois postaux. À l’article 29, le régime pédagogique prévoit :
La communication école/famille était possible avant les solutions informatiques. Les nouveaux outils informatiques peuvent faciliter certaines choses, mais ils ne règlent pas l’essentiel.
35 milllions de mots de plus, ma réaction est surtout: vraiment?
2e: Je suis parent de 3 enfants qui ont réussi. Personnellement, je n’ai jamais vraiment eu besoin de savoir plus que le nécessaire: si mon enfant fonctionne bien, s’il se comporte bien, etc… Le reste, c’est à mon avis le job de l’école, il me semble. Évidemment le modèle que nous donnions à nos enfants, ce que nous faisions avec eux en dehors de l’école a certes contribué à leur enrichissement, mais bon je ne vois pas en quoi l’école aurait pu m’informer de quoi que ce soit d’important à ce sujet…
J’ai été franchement surpris de devoir passer une demi-heure par jour à enseigner la lecture à mes enfants en première année à la place du système scolaire parce que la méthode d’apprentissage en vigueur soit la méthode globale me l’imposait. Et une chance que je suis dans l’enseignement, car franchement je n’aurais sûrement pas trop su comment faire…
J’ai été aussi surpris de voir qu’un enfant de première n’apprend pas à gérer lui-même ses devoirs. Non, les enseignants préparaient une feuille de devoirs pour la semaine que les enfants ne pouvaient gérer par eux-mêmes évidemment. Il n’y a pas si longtemps, on prenait en note un petit devoir et une petite leçon par jour, qu’on apprenait à gérer seul rapidement. Ma mère a donc arrêté de s’occuper de mes devoirs dès ma première année. J’ai appris à lire à l’école. Dans le temps, nos parents ne nous lisaient pas d’histoires vraiment le soir. Par contre, ma mère, elle, lisait souvent et nous a emmené chercher des livres à la bibliothèque et nous avons rapidement commencé à lire pour nous-même. Mais bon mes parents issus du milieu ouvrier, (pauvre?) m’ont montré la débrouillardise très jeune, le souci du travail bien fait, l’importance de l’école était marqué. Pour le reste, j’ai fait mon chemin.
Quand je constate que la pédagogie actuelle maintient la dépendance des enfants, que l’école moralise au sujet de la présence à donner aux enfants pour justifier ses méthodes sans se soucier de penser qu’un parent consacre éminemment de temps à son enfant ou ses enfants pour régler les autres aspects de sa vie, je m’interroge. Je m’interroge aussi devant cette méthode globale qui a fait douter d’eux-mêmes des mois durant mes enfants, le temps que cette apprentissage fasse son effet. Ne commencerait-on pas par des objectifs cognitivement trop exigeants? Je m’inquiète des conséquences sur l’estime de soi pour de nombreux élèves qui n’arrivent pas à trouver un adulte sigificatif CAPABLE de les accompagner dans cette épreuve. Il n’y a pas si longtemps, l’apprentissage de la lecture était plus progressif, il n’y avait pas l’urgence de leur faire lire des dizaines de petits livres dans leur première année. On n’avait pas la préoccupation de faire lire un jeune si tôt et on laissait les parents s’occuper de leurs responsabilités à eux.
Désolé je ne peux plus être patient avec le système scolaire qui, à mon sens, crée lui-même depuis 25 ans la problématique des insuccès scolaire…
D’un parent et enseignant