Le début de la fin pour l'école
Trop de morceaux de musique finissent trop longtemps après la fin. (Igor Stravinsky)
La nostalgie est l’expression d’un romantisme lavé des mauvais souvenirs. Dans le débat qui secoue l’éducation au Québec, il est amusant de voir le mouvement d’opposition à la réforme, pourtant fondé par des éducateurs qui font grand étalage de recherches, accepter gaiement des adhérents dont les arguments reposent sur le bon vieux temps de leurs études jésuitiques. L’ironie des privilèges de classe sociale ne semble guère les effleurer. Il suffit que des politiciens s’en mêlent pour que cela oscille entre le vaudeville (Blogue du RAEQ : Sainte trinité, le retour! Ordre, autorité et discipline…) et le surréalisme.
L’acharnement de cette dispute, sans signe de rapprochement à l’horizon, témoigne assez de l’éclatement du système scolaire. Contrairement à Mario qui espère encore un consensus, je crois que nous assistons à l’extinction de l’école, lente mais assurée. Non seulement les positions sont irréconciliables, mais les pratiques préconisées sont déjà caduques en raison des nouvelles possibilités qui émanent des technologies de l’apprentissage. Les besoins, les convictions et les moyens sont trop disparates pour ne plus jamais tendre à l’uniformité. En guise d’exemple, il suffit de constater la prolifération du e-learning chez nos voisins du sud (New York Times : Online Schooling Grows, Setting Off a Debate). L’éclectisme social a finalement miné l’éducation. Ceux qui prétendent encore à l’unité du système se nourrissent d’espoir, d’utopie ou d’ignorance du milieu.
Mais comme les choses ne changent que très lentement en éducation, l’agonie risque de s’éterniser. Dans l’espoir de précipiter les choses, je me réjouis du présent débat. On m’accusera de sacrifier une génération de jeunes, à quoi je répondrai que c’est déjà le cas en les entassant bêtement dans des classes. Après la femme, le temps est venu d’émanciper la jeunesse, avec les responsabilités inhérentes à la liberté.
Mise à jour, 2 février 2008 | Par une étonnante coïncidence, un billet sur le site Apprendre 2.0 me fait découvrir un reportage suisse sur les décrocheurs coréens qui s’éduquent sur le Web (Nouvo : À l’école du Web en Corée; source : David Touvet). Non pas que ce soit un modèle à préconiser, mais cela illustre tant la désillusion des jeunes à l’endroit de l’école que le potentiel éducatif des nouvelles technologies, nettement sous-utilisées au Québec.
(Image thématique : L’Apocalypse, par Luca Signorelli)
Par ricochet :
Les TIC auront-elles raison des écoles ?
Une manifestation «pro chaos» en éducation (Mario tout de go)
Trop de place aux contre-réformes (Blogue du RAEQ)
Que cache le refus organisé d’une partie des profs? (Blogue du RAEQ)
Coup de tonnerre politique. L’orage s’en vient. (Blogue du RAEQ)
Qu’est-ce qui est en danger? (PL en toute liberté!)
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«On m’accusera de sacrifier une génération de jeunes, à quoi je répondrai que c’est déjà le cas en les entassant bêtement dans des classes». La réalité m’a frappé…
Pour le reste, sans impatience aucune, j’ai bien hâte de voir…
En travaillant en dehors de l’école après y avoir ravaillé plus de dix années, je pensais dès 1990, l’école est morte. En lisant ce billet ce matin, je me disais que mon propos était prophétique. Cependant un peu de pragmatisme me montre que les systèmes archaïques ont la peau dure. De plus lorsque un système aussi puissant que la forme scolaire a réussi à s’imposer dans les sphères les plus profondes du cortex il est difficile d’imaginer autre chose. Et pourtant il y a de l’espoir.
J’ai sur ma table deux ouvrages pour réfléchir dans ce sens. Le premier s’intitule « le travail autonome » (V.Liquète et Y. Maury – armand Colin) ouvre les portes à cette dimension si difficile à accepter en éducation et que Philippe Carré appelle « l’apprenance ». Deuxième ouvrage, celui dirigé par MC Penloup et intitulé « les connaissances ignorées, approche pluridisciplinaire de ce que savent les élèves » et qui pose justement la question, comme le faisait jadis André Giordan, des connaissances acquises spontanément de manière consciente ou inconsciente en lien avec le système scolaire. La compatibilité est-elle possible ?
Je crois que François à raison de poser la question à ce niveau et en évoquant ces exemples de nouvelles pratiques d’apprentissages qui progressent lentement mais inexorablement…
Bruno Devauchelle