Parties de la réforme laissées en friche


LeivanSkill.jpgCOMPÉTENCE : Incapacité de s’adapter au savoir-faire de la moyenne des travailleurs. (Albert Brie)

Le MELS a rendu public le rapport de recherche sur les écoles ciblées pour la mise en oeuvre du Renouveau pédagogique au secondaire. Nul doute qu’il sera scruté à la loupe. Les médias ont déjà relevé que les enseignants négligent deux pans fondamentaux du programme, soit les compétences transversales et les domaines généraux de formation (La Presse : Réforme: timide adhésion des profs à des éléments clés). Cette évaluation dresse un portrait assez fidèle de ce que j’observe dans mon milieu. Le constat est inquiétant dans la mesure où les premières favorisent davantage les apprentissages à long terme que les compétences disciplinaires et que les seconds établissent des liens nécessaires avec un monde en ébullition.

Le rapport mérite une lecture approfondie, mais pour l’heure j’aimerais réagir à ce premier résumé. D’abord, ne nous étonnons pas de ces ratés du départ. Le changement est si fondamental que plusieurs enseignants préfèrent procéder par degrés en prenant le temps d’en maîtriser les composantes, une observation que le rapport ne manque pas de souligner.

L’expérience menée au sein des écoles ciblées au premier cycle du secondaire révèle que plus les enseignants travaillent avec le Programme de formation, mieux ils le comprennent et plus ils sont à l’aise pour l’appliquer. Étant donné l’ampleur des changements impliqués par la mise en œuvre du renouveau pédagogique, cette évolution s’effectue de façon progressive, mais continue.

Mon expérience, cependant, m’indique qu’il y a plus que cela, et il faut se demander si le programme est réalisable dans l’application qu’on en fait. À brûle-pourpoint, voici quelques obstacles que j’ai observés à l’intégration des compétences transversales et des domaines généraux de formation :

- L’obsession des bulletins : le renouveau pédagogique n’a pas réellement changé la fixation des résultats; cela est tout aussi apparent chez les parents que les élèves, voire chez la ministre qui a réintroduit les pourcentages dans les bulletins; dans ce contexte, on ne s’étonnera pas de voir les enseignants accorder plus d’importance aux contenus disciplinaires (voir le graphique ci-dessous).

    MELSPrioritesCompDisciplina.jpg

- Des contenus disciplinaires trop chargés : plusieurs enseignants sont si accaparés par les compétences inhérentes à leur discipline qu’ils ont très peu de temps à consacrer aux autres volets du programme de formation.

- Le nombre de compétences transversales : quoique les disciplines puissent se partager l’acquisition des neuf compétences transversales, leur développement et leur évaluation nécessitent un effort de concertation dans une culture qui chérit l’isolation.

- La bureaucratisation de la tâche : la formalisation de l’enseignement et de l’acte pédagogique, comme les SAÉ, laisse peu de place à la préparation aux compétences transversales et domaines généraux de formation.

- L’absence de ressources : si les ressources imparties aux disciplines proprement dites sont maigres, elles sont rarissimes pour les deux autres volets; non pas qu’elles soient indispensables, mais plusieurs enseignants en dépendent, surtout en l’absence d’ordinateurs.

- L’absence de culture générale : il faut reconnaître que plusieurs enseignants, issus d’une formation universitaire spécialisée, se sentent démunis devant les domaines généraux de formation.

- L’occultation des domaines généraux de formation : en trois ans, je ne crois pas avoir assisté à une seule formation portant principalement sur les domaines généraux de formation.

Mise à jour (21 mai 2008) | Jean-Pierre Proulx, sur le blogue du RAEQ, présente les conclusions du rapport, de même que sa propre analyse : Bilan de l’expérimentation de la réforme au secondaire.


(Image thématique : Skill, par Michelle Leivan)


Par ricochet :

Les affres de la réforme

Réforme ou évolution de éducation ?

Les technologies comme agents de réforme

Le point sur la réforme

La réforme et le travail des enseignants

La réforme : mission impossible

Le sacrifice humain de la réforme

Les élèves de la réforme sont premiers en math et lecture

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