La gestion scolaire de la cyberintimidation
La haine n’est qu’une des formes de l’ignorance.
(Édouard Herriot)
La cyberintimidation évolue au rythme des nouvelles technologies. Chez les jeunes qui font du mal, comme pour le reste, la gloire repose aussi dans le dépassement. On ne s’étonnera pas d’apprendre que l’intimidation en ligne prend des formes plus cruelles avec l’apparition de la photo, de la vidéo et des faux sites Web (USA Today : Cyberbullying grows bigger and meaner with photos). Les gestionnaires scolaires, qui ont d’autres chats à fouetter, continuent de traîner de la patte loin derrière le peloton des jeunes technophiles. Ceux qui osent s’attaquer au problème réalisent que les ressources utiles à l’apprentissage sont généralement à double tranchant (eSchool News : Educators struggle with AUP enforcement).
La plupart des écoles possèdent une politique d’utilisation (acceptable use policy) des nouvelles technologies de la communication. C’est une erreur. Les règles sociales suffisent. Il ne nous vient pas à l’idée de rédiger des règlements interdisant la violence ou l’intimidation dans l’école. Il ne devrait pas en être autrement pour le cyberespace. Ce qui ne signifie pas, bien sûr, qu’il faille négliger le sujet dans un but éducatif.
On ne doit pas retirer à l’élève le devoir du choix moral et de l’imputabilité de l’action. Au besoin, on laissera les élèves prendre des mesures collectives dans un esprit de citoyenneté et de démocratie. Forcément, des erreurs seront commises, mais le fer se bat pendant qu’il est chaud.
Il ne revient pas aux administrateurs, par ailleurs, de se substituer à l’élève sur le plan de l’analyse et de la réflexion. L’élève ou le professeur verra dans un nouvel outil des moyens d’apprentissage qui leur échappe. Il est toujours malheureux de punir la majorité à cause de quelques hurluberlus.
Internet a rompu la notion d’école en tant que vase clos. Les mesures de contrôle n’effacent pas l’activité à incidence scolaire qui foisonne hors de ses murs. L’extension de l’éducation au-delà de l’école oblige celle-ci à accroître le maillage avec les parents et les organismes communautaires. Taire le problème, par souci de marketing scolaire, n’est pas moralement acceptable.
Mise à jour, 24 juillet 2008 | Je découvre à l’instant un article qui traite de l’efficacité de l’action par les pairs quand elle est organisée (Edutopia : Bullies, Begone! Safe Schools Ambassadors Help Keep the Peace on Campus).
(Image thématique : Blue Violence, par Masch)
Par ricochet :
L’école : un milieu violent
Étude: comment contrer le bullying
Le Web des cons : insultes et menaces de mort
La technologie de la violence
Le tiers des ados en ligne victimes de cyberbullying
Les blogues scolaires pour combattre l’intimidation
Contrer l’intimidation dans les écoles
L’intimidation a aussi une forme sexuelle
Faut-il criminaliser la cyberintimidation?
La cyberintimidation dans les écoles (Infobourg)
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Bonjour François,
Je ne comprends pas très bien quand vous dites que c’est une erreur d’établir des politiques d’utilisation, dans le cadre d’un établissement scolaire (ou même une entreprise).
Il existe certes des règles sociales, et même, en dernier recours coercitif, la loi d’un état. Les chartes d’utilisation ne devraient-elles pas être perçues comme un sous-ensemble d’une règle sociale, plus générale, par définition ?
De plus, si elles sont bien élaborées, les chartes d’utilisation devraient, à la différence de la loi qui sanctionne, contenir un aspect pédagogique et responsabilisant pour les usagers.
On est en plein coeur du sujet !
La question que je me pose c’est comment donner force de légitimité aux ajustements démocratiques face à des systèmes politiques ou des autorités qui au nom de l’ordre, s’abrogent le droit de ne pas le respecter…
Je pense que la cyberintimidation n’est pas une cause mais un symptôme lié à ces pertes de sens !
Sens et légitimité…je réfléchis !
Il n’y a pas de mal, évidemment, à présenter aux enfants qui commencent l’école un code de bonne utilisation de l’ordinateur. C’est même un apprentissage nécessaire. Théophraste a raison de soulever le point.
Après cela, je n’en vois plus l’utilité. Au secondaire, ce n’est certainement pas par l’entremise d’un code institutionnel que l’on fera l’éducation des adolescents. Les codes d’utilisation, malheureusement, ont tôt fait de devenir plus coercitifs qu’éducatifs.
La présence de lois n’est pas, à mon avis, une raison pour justifier la prolifération des règlements partout où l’on met le pied. On est submergé de règles qui étouffent la liberté de la majorité à cause de quelques abrutis, de sorte que nous vivons dans une cage dorée.
La citoyenneté ne vient pas, selon moi, de la soumission aux règles, mais de l’exercice de la critique et de la responsabilité sociales. Je préfère de loin les conventions aux règles. Mais encore faut-il que l’environnement permette l’épanouissement de cet esprit social. Ainsi, je suis plutôt de l’avis de Florence : la cyberintimidation est « un symptôme lié ces pertes de sens ».
«Il ne revient pas aux administrateurs, par ailleurs, de se substituer à l’élève sur le plan de l’analyse et de la réflexion. » :
-quand les gouvernements dictent de plus en plus quoi penser, quoi faire (et peut-être même bientôt quoi dire, pourquoi pas!), je me dis que nos administrateurs réglementeurs suivent le moule donné par le haut de la pyramide. Je suis pour les campagnes de sensibilisation et de responsabilisation des citoyens, mais contre les campagnes qui disent quoi faire au citoyen qui, à la moindre difficulté, s’habitue à déléguer sa responsabilité aux gouvernements : on entend d’ailleurs souvent « le gouvernement doit prendre telle chose en main, etc. »
Je sais que le danger de ces raisonnements que je fais, c’est de sonner un peu (extrême) droite en politique, mais l’(extrême ou pas) droite mène parfois ceux que tu qualifierais dans ton commentaire d’abrutis à justifier ainsi leur irresponsabilité quand elle survient…
Alors comme dans tout, ça prend un équilibre entre l’interventionnisme gouvernemental (qui peut mener à l’irresponsabilité des citoyens) et le laisser-aller qui mène à une justification de comportements irresponsables de certains individus. Pas facile de trouver le milieu ici !
Ta position me semble plus de gauche que de droite, Sylvain, mais sans doute est-ce parce que mon analyse s’en remet trop à mes préjugés.
Ton commentaire me fait réfléchir à la notion de « milieu » que tu évoques en fin de commentaire. Je me demande si la solution de cet équilibre ne réside pas dans la largeur et la flexibilité de cette zone mitoyenne où l’exercice du jugement est requis, contrairement à un rétrécissement provenant de l’autorité.