Éthique, TIC et tricherie
C’est plus difficile pour moi de jouer en trichant. J’aimerais mieux jouer avec du jeu. (Jean Giono)
Trop d’éducateurs rendent les nouvelles technologies responsables de la profusion de tricheurs à l’école (BBC : Many degree students cheating’). La cause n’est pas tant le moyen utilisé comme la motivation à le faire, généralement attribuable à la platitude des tâches ou l’hypertrophie des examens. Les élèves ont toujours fait preuve d’ingéniosité pour assister leur mémoire. Je me souviens d’un ami qui dissimulait un aide-mémoire dans le creux de sa cravate. Les nouvelles technologies ne sont que des moyens additionnels à leur disposition. Puisqu’ils ont développé une compétence à leur endroit, on ne s’étonnera pas qu’ils se montrent créatifs dans l’utilisation des nouvelles technologies (New York Times : Colleges Chase as Cheats Shift to Higher Tech). Le problème se résorberait si l’école avait une meilleure compréhension des nouvelles technologies et accentuait l’éthique.
L’illogisme de bannir des instruments qui contribuent apprentissages ne semble pas venir à l’esprit de certains éducateurs. Il y a tout lieu de croire que ceux-ci restent attachés aux compétences d’une époque révolue, largement dépendantes des connaissances. Le passage aux savoir-faire oblige forcément de consacrer plus de temps à l’action, et un peu moins aux connaissances déclaratives. Par conséquent, celles-ci doivent être ciblées en fonction de leur importance. Pour le reste, il suffit de savoir recourir aux nouvelles technologies de l’information pour accéder aux connaissances marginales. Plutôt que d’exiger que les élèves mémorisent l’orthographe de tous les mots, par exemple, on gagnera à leur apprendre à utiliser un correcteur informatique.
Les élèves penseraient moins à tricher si le travail avait plus de sens à leurs yeux. Les manuels et les cahiers d’exercices imposent des sujets qui laissent peu de place à l’initiative personnelle (la perception de contrôlabilité étant un facteur de la motivation scolaire). Les manuels présentent également le désavantage de traiter tous les élèves en fonction d’un dénominateur commun, alors que plusieurs aiment qu’on les mette au défi (BBC : Pupils want lessons to be harder). Il en est de même de l’évaluation, dont les formes authentiques minimisent la tricherie.
L’éducation éthique est certainement plus nécessaire que jamais, considérant la facilité et la gratuité internet qui caractérisent les nouvelles générations. Ce n’est pas tout que de dire que les tricheurs se trompent eux-mêmes, il faut aussi expliquer pourquoi (Associated Content : Plagiarism for Dummies; Why Cheating Students Are Missing the Point of Education). Parmi les raisons qui me viennent à l’esprit :
- perte de connaissances nécessaires à des connaissances ultérieures
incompétences néfastes au travail et aux revenus
atteinte à l’honneur (de soi et de la famille)
dévalorisation auprès de ses pairs
développement d’une personnalité lâche et parasitique.
Le Qualifications and Curriculum Authority (Grande-Bretagne) reconnaît que la sensibilisation aux valeurs morales en contrepoids de la tricherie relève de l’éducation (BBC : Education key to tackle cheats’). Je n’appuie pas, toutefois, le recours facile aux technologies pour régler les problèmes de tricherie, solutions qui pénalisent plus d’innocents que de coupables. Il semble que ceux qui se laissent séduire par les nouvelles technologies comme moyens de contrôle sont justement ceux qui ne comprennent rien à leur valeur pédagogique.
Enfin, en guise de réflexion, Vickie Davis propose une idée qui m’a accroché : un code d’honneur pour les élèves (Cool Cat Teacher Blog : Candid Cheating with the Camera Phone?). C’est le genre de chose que j’aimerais voir apparaître sur le bulletin. Y a-t-il, après tout, compétence plus transversale que l’éthique?
(Image thématique : Le Tricheur à l’as de carreau, par Georges de La Tour)
Par ricochet :
Tricheurs qui ont la bosse des affaires
Le plagiat : quand l’école ne fait pas son boulot
Le commerce des travaux universitaires
À propos du plagiat et de l’utilisation de l’information (PédagoTIC…)
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