Ludovia 2011 : le numérique et les universités

L’université est une matrice où l’on se sent mal à l’aise, mais où règne une certaine sécurité.
(Robert Escarpit)

Ludovia fait une large place à la communauté scientifique. Parallèlement aux présentations, tables rondes, barcamps et autres, un colloque scientifique a cours. Ayant négligé ce rassemblement, j’assiste à une tale ronde sur l’immixtion du numérique dans les universités.

La complexité des architectures numériques découle naturellement de la taille et l’étendue d’une institution. Or, la stratification des structures ne facilite pas l’évolution organique d’un organisme, avec toute la souplesse nécessaire au changement. En s’étalant sur le web, les universités y transposent généralement, en toute logique, une architecture du numérique qui reflète leur propre complexité, amplifiée par les besoins de sécurité, de propriété, et la désir de concevoir de nouvelles applications. Dans certains cas, la finalité étudiante ne viendra qu’a posteriori, comme l’a humblement reconnu Stéphane Sénacq de la Caisse des Dépôts.

Albert-Claude Benhamou, fidèle à sa vision humanitaire, souligne l’importance d’offrir le savoir universitaire au profit de tous, et pas seulement à une communauté repliée sur elle-même. Le libre, dont le OpenCourseWare, répond effectivement à ce besoin. Il n’en demeure pas moins que de formidables réalisations dans des universités françaises gagneraient à joindre le mouvement, ne serait-ce que pour ajouter à la réputation du fait numérique français sur la scène mondiale et mettre en vitrine son expertise. Peut-être même y a-t-il lieu de participer à l’économie du libre.

Rémy Juston-Coumat, professeur-chercheur à l’Université de Bordeaux et concepteur d’e-learning, témoigne intègrement qu’il y a un usage modéré des plateformes développées par les universités. Le problème, il me semble, tient au fait qu’une plateforme modelée sur le processus universitaire fait en sorte que les étudiants préféreront participer au cours en présentiel. Ne faut-il pas plutôt cherche de nouveaux modèles de formation universitaire qui répondent à la diversité de la clientèle. Dans cette optique, il faut souligner l’initiative de la faculté de médecine de l’Université de Grenoble qui a supprimé les cours magistraux, remplacés par l’accompagnement tutélarisé.

La table a basculé au moment où Éric Delcroix, de l’Université de Lille, a contredit les autres membres de la table ronde. Ce qu’il entend autour des membres de la table ronde ne correspond pas à la réalité de son université. Il accuse les ENT, auxquels il s’oppose farouchement, de contaminer les plateformes numériques universitaires. L’un des rares universitaires à oser dénoncer les ENT, comme plusieurs participants dans la salle, il s’est attiré les foudres du panel. Je ne reviendrai pas sur le sujet des ENT, lui ayant déjà accordé trop d’importance après la première et deuxième journées.

Un intervenant de la salle souligne le mur de la complexité dans les services numériques. Cela est particulièrement vrai pour les utilisateurs qui ont négligé la culture du numérique. Il me semble, néanmoins, que les institutions complexifient les solutions numériques, notamment dans les ENT.

La communication et l’apprentissage sont des processus naturels de l’homme, sans quoi il serait resté dans la préhistoire. La dimension libre et ouverte du web, dans son immensité, facilite l’émergence des solutions les plus simples et efficaces. Le défi de l’intelligence n’est pas de complexifier, ce qu’il fait aisément dans un premier temps; son réel défi est de procéder à la simplification. La complexité est le domaine des chercheurs et, plus que jamais, des ordinateurs. Le salut de l’humanité, en tant que collectivité, ne repose-t-il pas justement dans la vulgarisation, pour tous, des phénomènes complexes ?

Il est dommage, en terminant, que le colloque scientifique se tienne en marge du colloque des praticiens, avec peu d’osmose. Les quelques années passées au CTREQ m’ont convaincu de l’importance du transfert scientifique. Il existe assurément une manière de communiquer aux praticiens, à tout le moins, un compte rendu des travaux des chercheurs en éducation, ne serait-ce que par des abstracts. Être si près, et pourtant si loin.


Par ricochet :
Ludovia 2011 : fidèle à soi-même
Ludovia 2011 : encore les ENT
Ludovia 2011 : table ronde sur les ENT
Ludovia 2011 : les politiques et la mobilité

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