Archives de l'auteur : François Guité

Facteurs de stress chez les enseignants

Il faut avoir la couenne dure pour enseigner. Certaines études placent l’enseignement en tête des 10 emplois les plus stressants (source ; PDF). L’Infobourg attirait récemment notre attention sur une étude d’Angelo Soares, chercheur à l’UQAM, selon qui « Un professionnel sur trois est en risque de burn-out dans le réseau des commissions scolaires du Québec » (communiqué). Par ailleurs, Gilles Jobin dénonce lui aussi un système et une culture organisationnelle dont la réussite repose sur le bénévolat de ses travailleurs.

Le phénomène n’est pas unique au Québec. En Grande-Bretagne, près de la moitié des enseignants éprouvent un stress associé à la surcharge de travail (BBC : Public school teachers ‘stressed’). Quand le stress oblige même les éducateurs d’expérience à quitter le métier, les autorités se barricadent derrière les statistiques (BBC : Stressed head quitting in tears). C’est toute la froideur de l’administration industrialisée : la mécanique des normes broie les individus.

Plutôt que de râler encore une fois contre un système monstrueux, j’ai cherché cette fois à identifier les causes du stress dans mon milieu de travail. Quoique les facteurs énumérés soient personnels, je crois que plusieurs s’y reconnaîtront. N’ayant pas trouvé d’échelle de mesure du stress, j’ai opté pour une liste décroissante dont l’étalon de comparaison est le facteur de stress prédominant, en l’occurrence la préparation des cours (dans mon cas). Quelques précisions sont données plus bas.


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Préparation des cours : l’enseignement de deux disciplines, sans matériel pédagogique, dans un contexte de renouveau pédagogique et d’individuation des apprentissages, exige beaucoup de temps pour la préparation des cours ; malheureusement, l’accablement général de la tâche ne me permet pas d’y arriver de façon satisfaisante.

Déshumanisation du travail : la reconnaissance du travail est inexistante ; la définition du travail est quantitative, sans égard à la qualité ; les conventions collectives font office de gabarits, en dehors desquels les élans du coeur ne sont que des curiosités.

Correction des travaux et des examens : un travail sans fin ; ce point semble affliger particulièrement les professeurs de langue.

Absence de matériel : étant donné l’inexistence de matériel didactique intéressant proposé par les éditeurs scolaires, je n’ai d’autre choix que de préparer moi-même le matériel utilisé en classe ; je dois apporter mon propre ordinateur, et je ne dispose d’un projecteur multimédia que sur demande.

Relations maîtres-élèves : il ne s’agit pas uniquement de discipline ; comme je l’indiquais dans le billet précédent, il est de plus en plus difficile de composer avec les adolescents.

Isolement professionnel : le travail collaboratif est quasi inexistant, sans doute parce que tout le monde déborde de travail ; la gestion participative n’est souvent que synonyme de déversement des tâches administratives sur le dos des enseignants bénévoles.

Environnement physique : bâtiments et matériel vétustes ; air vicié ; exiguïté des corridors et des salles de classe ; bureaux minuscules ; absence d’intimité ; vermine.

Exigences de l’OBI : les demandes de la direction pour se conformer aux exigences et aux visites de l’OBI sont comme une plaie d’Égypte qui nous distrait de notre mission éducative.

Relations avec l’administration : le clivage entre les administrateurs et les professeurs nuit au travail d’équipe ; le sujet a déjà amplement été élaboré sur le blogue de l’école.

Formation professionnelle : la formation offerte est trop sporadique pour avoir un impact réel ; les grands événements, comme l’AQUOPS, sont trop onéreux pour que tous ceux qui le désirent puissent y participer ; pour le reste, les professeurs sont laissés à eux-mêmes, mais aucun temps n’est prévu à cet effet dans leur tâche.

Tâches complémentaires : ces tâches accaparent souvent le temps prévu pour le repas du midi ; par conséquent, les repas sont pris à la sauvette ; parfois, on s’en prive.

Exigences administratives : ce n’est pas tant la paperasse qui agace, comme le temps qui manque pour la remplir.

Salaire : le dernier décret gouvernemental régissant les salaires suffit à expliquer ce point.

Évidemment, je ne survivrais pas à cet enfer sans quelques compensations. Parmi les plus agréables, je nommerai les relations avec les collègues enseignants, l’émerveillement que procurent la plupart des élèves, l’innovation et la satisfaction de pouvoir cultiver son petit jardin.


Par ricochet :

Le travail supplémentaire des enseignants
Réactions sur la lourdeur de la tâche
Pourquoi les profs ne bloguent pas

Le facteur ‘cool

Je sens les jeunes de plus en plus absents de l’école. L’ubiquité des médias a bouleversé leurs relations aux objets et aux personnes, et par conséquent à l’école. Leurs attitudes s’en trouvent métamorphosées. Ce fossé qui les sépare de l’école m’inquiète. Une vague de fond semble emporter la jeunesse, à tout le moins celle qui se la coule douce. En réaction, je seconde la National Union Teachers (Angleterre) qui dénonce une culture qui valorise le détachement (BBC : Teachers decry ‘culture of cool’ et Parents’ views on ‘cool culture’). Une société devrait s’inquiéter quand l’école est rabaissée. Encore davantage quand il n’est pas ‘cool’ de travailler fort. Mais il n’y a pas que le facteur ‘cool’ qui perturbe les jeunes adolescents.

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La mémoire des couleurs chez les enfants

Les jeunes élèves sont facilement attirés par la couleur. Même durant les premières années du secondaire, les élèves restent attachés à leurs crayons de couleur ; il suffit de jeter un coup d’oeil à leur agenda scolaire pour s’en convaincre. Or, une étude (The Development of Explicit Memory for Basic Perceptual Features; [PDF]) du Memory and Cognition Lab révèle que les enfants d’âge primaire possèdent une grande sensibilité à la mémoire chromatique (Eide Neurolearning Blog : Memory Strengths Differ at Different Ages).

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Virage dans l'éducation aux TIC

J’évoquais récemment le risque de confier des données personnelles à des services en ligne comme ceux offerts par Google ou Yahoo! Cette question prend encore plus d’importance au regard de l’éducation des jeunes, eux qui auront à composer avec les nouvelles technologies leur vie durant. (Quelle étrange pensée que de savoir que les prochaines générations ne connaîtront jamais un monde exempt de surveillance électronique et de traitement informatique de l’identité ; du coup, je chéris mes souvenirs d’une enfance pure.) L’éducation aux nouvelles technologies doit virer de cap : il ne s’agit plus seulement d’enseigner aux jeunes l’utilisation technique de l’ordinateur et de ses applications, mais également les coulisses du monde virtuel.

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Humanité avant tout


J’ai mordu au titre de ce blogue : Putting people first. Je m’accroche à tout ce qui préserve l’humanisme en cette ère de numérisation, de robotisation, et d’administration industrialisée. Le contenu est pas mal non plus, pour ceux qui s’intéressent au design expérientiel et à l’innovation au service des individus. Je suis fasciné par la quantité de blogues intéressants. Dommage tout de même que si peu d’enseignants aient le temps de joindre cette agora.

Par ricochet :

La robotisation du cerveau

Pourquoi les profs ne bloguent pas

Top Blogues (École et société)

Les services en ligne et l'exploitation des données


La tendance internet est décidément aux services en ligne. On parle beaucoup de Google Calendar aujourd’hui, le nouveau service de calendrier en ligne du géant Google. Sans vouloir verser dans la paranoïa, je m’étonne que personne ne semble se soucier de l’usage qu’on pourrait faire de cette vaste collecte de données personnelles ainsi recueillies. Non pas que l’on doive à tout prix s’abstenir d’utiliser ces services, mais il importe de soulever la question. Ce n’est pas tant le présent qui m’inquiète, comme l’avenir.

Par ricochet :

Identité et vie privée

L’innocence des jeunes sur le Web

Les aînés ne seraient pas plus intelligents


Selon une étude menée par des chercheurs de l’Université Ohio State, l’ordre dans lequel naissent les enfants n’a aucun effet sur leur intelligence (Ohio State Research : Older children not smarter than their younger sibs, study finds). Les gènes et l’environnement demeurent les facteurs les plus déterminants de l’intelligence. Zut ! moi qui m’illusionnais sur les avantages de l’aînesse ; je voyais bien, pourtant, que je n’étais pas plus fin que mes frères :-)

Par ricochet :

Différences d’âge et d’intelligence

Étude : la famille affecte l’intelligence des enfants

Un syndicat d'enseignants pour la réforme

En Angleterre, un syndicat d’enseignants réclame un nouveau programme fondé sur les compétences (BBC : National curriculum ‘must be cut’). Hormis le pragmatisme de la culture britannique, il est rafraîchissant d’apprendre que la volonté de réforme provient de la base. Je crois que les professeurs constatent qu’une approche fondée principalement sur les connaissances n’a plus beaucoup de valeur aux yeux des jeunes à partir du moment où ceux-ci trouvent facilement l’information à l’aide des nouvelles technologies.

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Ressources interactives en math en fonction de l'âge

Le Web recèle d’admirables applications interactives et animations pour faciliter la compréhension des mathématiques. L’originalité et l’efficacité du National Library of Virtual Manipulatives de l’Université Utah State consiste à proposer des applications en ligne en fonction de quatre groupes d’âge (maternelle-2e, 3e-5e, 6e-8e, 9e-12e) et cinq rubriques mathématiques (nombres et opérations, algèbre, géométrie, mesure, probabilités et analyse de données). J’ignorais, par exemple, qu’il était possible de faire de l’algèbre avec les plus petits. La beauté des maths, évidemment, transcende la barrière des langues ; par conséquent, les enseignants ont accès à une tapée de ressources. C’est certainement la discipline scolaire où les professeurs gagnent immédiatement à développer des compétences en matière de nouvelles technologies. (Source : Eide Neurolearning Blog)

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Effets néfastes des médias sur les jeunes

Les médias électroniques, incluant Internet, ont des effets plus néfastes sur la santé des enfants et des adolescents qu’on ne le croyait. Un imposant dossier de la revue Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine jette un regard plutôt sombre sur la capacité des jeunes à s’adapter au bombardement des médias (Fox News : Media Exposure Linked to Child, Teen Health, Behavior Problems).

À la lecture du reportage, Fernette et Brock Eide résument ainsi les ravages de la télévision :

  • la télé en solitaire : moins de temps passé avec les amis
  • la violence à la télé : plus d’agressivité chez les jeunes
  • la télé (même éducative) chez les enfants du préscolaire : excès de poids
  • plus de télé : sexualité précoce
  • plus de télé : plus faible probabilité d’obtenir un diplôme universitaire
  • la télé dans la chambre : performance inférieure en mathématiques, lecture, et langue dès la 3e année
  • Quoique la chaîne Fox News aime donner dans le sensationnalisme, voici néanmoins les faits saillants de son reportage sur trois des articles du dossier publié dans Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine :

    From obesity and social isolation to early sexual initiation and aggressive and violent behavior, 15 new studies link exposure to media images with a broad range of negative health, behavior and lifestyle issues in children and teens.

    The studies found that the harm begins early in the preschool years and continues through adolescence.

    Electronic media « are among the most profound influences on children in this country » and that « this intersects with many other issues that are critically important to child health, including violence, obesity, tobacco/alcohol use, and risky sexual behaviors. »

    Those who watched more than two hours of television a day were 35 percent more likely to have had sex.

    If sex-disapproving parents didn’t monitor their teens’ TV viewing, more than two hours a day of TV upped a teen’s odds of sexual initiation by 250 percent.

    The more time kids spend watching violent TV programs, the less time they spend with their friends. This isn’t true for nonviolent programs.

    The more time kids spend watching TV with friends, the more time they spend doing other things with their friends.

    Violent TV programs are known to make kids more aggressive. When kids watch violent TV by themselves, their aggressive behavior makes it harder for them to have friends. So what do they do? They watch more TV — becoming even more socially isolated, and even angrier. [...] This may be where many bullies are born.

    3-year-olds were three times more likely to be overweight if they spent two or more hours a day in a room with a TV on.


    Par ricochet :
    Facteurs de réussite scolaire
    Les technologies comme facteur d’obésité
    De l’agressivité des enfants québécois
    Les TIC et l’émancipation sexuelle
    La télévision n’affaiblit pas les résultats ; oui, mais…
    Pas de télé pour les bébés