L’insécurité, voilà ce qui fait penser. (Albert Camus)
Les vendeurs savent flairer une bonne occasion. Leur métier est d’assouvir des besoins. Or, la sécurité est le deuxième besoin en importance dans la pyramide de Maslow, bien avant l’accomplissement personnel, un fait auquel les administrateurs scolaires sont particulièrement sensibles face aux interventions des parents. Confrontés à la violence dans les écoles, et à un sentiment général qui affiche par moment des signes de paranoïa, la tentation est grande de recourir à des mesures technologiques dont les vendeurs s’empresseront de faire miroiter les avantages. Considérant la précarité des budgets dans les écoles, les sommes investies dans les technologies de la sécurité sont autant de ressources perdues pour les technologies de l’apprentissage.
L’ingéniosité démontrée par l’industrie est assez évidente dans un sondage rendu public par CDW, un vendeur d’équipement et de services en nouvelles technologies. Sous le titre accrocheur de School Safety Index 2007 (PDF), le sondage met l’accent sur les carences technologiques des écoles en matière de sécurité (eSchool News : Education the key to better security). Bien que les résultats ne soient pas dénués d’intérêt, il faut analyser la question de sécurité dans une perspective globale. C’est d’ailleurs ce que laisse entendre le titre de l’article, bien maladroitement d’ailleurs puisqu’elle ne fait qu’effleurer le sujet, sans doute parce que rien dans le sondage ne traite des avantages des moyens éducatifs par rapport aux solutions technologiques.
La question ne touche pas que les États-Unis où des écoles ont recours aux détecteurs de métal ou aux cartes à puce. Aux dernières nouvelles, mon école, pourtant un fleuron de la commission scolaire, cherchait encore l’argent pour installer des caméras de surveillance. Et c’est sans compter les coûts reliés à la sécurité Internet, omniprésente dans les écoles. Les mesures mises en place constituent non seulement un obstacle à l’accès à l’information, mais également au développement professionnel des professeurs au regard des nouvelles technologies (voir à ce sujet le commentaire de Daniel Bigué).
Ce n’est probablement pas un hasard si la pub en marge de l’article vante les mérites d’une compagnie spécialisée dans la surveillance vidéo. Il n’est pas surprenant, non plus, que la démo des services offerts pour la surveillance des écoles primaires et secondaires soit protégée par un mot de passe. Ces gens-là sont obsédés par la sécurité.
Comme le disait Jean Trudeau dans un commentaire, il revient aux enseignants de faire valoir leur métier. C’est à nous de revendiquer les technologies nécessaires à l’éducation aux technologies. C’est à nous de démontrer que l’éducation est plus profitable que le contrôle. C’est à nous, enfin, d’aller voir la direction pour clamer qu’on peut faire davantage avec un projecteur qu’une caméra de surveillance.
Mise à jour, 10 avril 2010 | Malgré ce qu’en pense la ministre de l’Éducation, les caméras de surveillance s’immiscent dans les écoles (Le Soleil : Les caméras de plus en plus répandues à l’école). Et contrairement à ce qu’affirment les directions d’école, leur efficacité n’est pas démontrée, selon Égide Royer, professeur à l’Université Laval et codirecteur de l’Observatoire canadien pour la prévention de la violence à l’école : « Dans l’état actuel des connaissances, ce n’est pas la première chose à envisager. On n’a pas d’indication que c’est véritablement efficace. Une supervision d’adultes à l’intérieur de l’école est beaucoup plus importante. »
Il est regrettable d’entendre des directeurs d’établissement scolaire n’évaluer l’efficacité des instruments qu’au regard du contrôle du comportement plutôt que dans une perspective globale d’éducation et d’éthique sociale. L’école ne doit pas être un lieu où pèse un nuage de rapports de force, mais où règne un climat d’entraide.
Mise à jour, 18 juillet 2011 | La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL; France) met en demeure plusieurs établissements scolaires « de modifier leurs dispositifs de vidéosurveillance jugés excessifs. »
Lors de contrôles, la CNIL a constaté que ces dispositifs filmaient en permanence des « lieux de vie » tels que la cour de récréation, le préau ou le foyer des élèves. Les élèves et les personnels de l’établissement étaient ainsi placés sous une surveillance permanente. Or, seules des circonstances exceptionnelles peuvent justifier la mise en place de tels dispositifs de surveillance.
Selon Le Parisien (Les caméras de surveillance indésirables dans les écoles), cette initiative a valeur de jurisprudence. Sur le sujet plus général de la vidéosurveillance, voir aussi dans Le Monde : La Cour des comptes enterre la vidéosurveillance.
(Image thématique : Security, par Moti Sagron)
Par ricochet :
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