Le suicide, fatal abandon
C’est par peur de la mort que je pense au suicide.
(Michel Blanc)
Si le suicide d’un adulte tonne dans l’apathique silence, un ultime appel à l’aide tourné vers l’au-delà, celui d’un enfant nous pétrifie au bord de l’incompréhensible néant. Sourds à la tragédie qui nous rappelle sans cesse que la vie ne tient qu’à un fil, si fragile, nous fermons aussi les yeux sur la détresse qui le ronge.
Son visage souriant hante encore mes souvenirs d’école. C’était l’un des élèves les plus aimables du Programme d’éducation internationale. Énergique, intelligent, badin, charmant. Mais petit, dépendant de lunettes, et seul. Une proie facile pour les requins qui sillonnent l’école. En rétrospective, sa proximité des enseignants, dont il cherchait le refuge, aurait dû éveiller mes soupçons. Une bonne humeur apparente, toutefois, masquait entièrement son désespoir. La nouvelle de sa pendaison, l’année suivante, ébranla l’école. Le temps d’un chagrin.
Comme la mission de l’école est d’instruire, socialiser et qualifier, force est d’admettre que le deuxième volet bat de l’aile. Le domaine de l’univers social se mure dans les connaissances historiques et géographiques. Dans son obsession à instruire et qualifier, l’école relègue l’apprentissage de la vie en commun à un maigre cours d’éthique et de culture religieuse. Le plus souvent, l’éducation à la citoyenneté se fait par règlements et caméras de surveillance. On s’occupe des mécanismes plutôt que de la pensée.