Neuroscience et développement de la lecture

FragonardLectrice.jpgLire est le seul moyen de vivre plusieurs fois. (Pierre Dumayet)

La littératie est la clé de voûte de notre système d’éducation. Les élèves qui éprouvent des difficultés de lecture sont lourdement handicapés. Au-delà des querelles sur les méthodes de lecture, dont les différences apparaissent plus systémiques qu’individuelles (EurekAlert! : No one strategy is best for teaching reading, FSU professor shows), il importe de rappeler que les difficultés sont de nature neurodéveloppementales et que l’unicité du cerveau appelle à la différenciation plutôt qu’à l’uniformité. Les neurosciences ont d’ailleurs largement contribué à notre compréhension des mécanismes de la lecture, en plus de suggérer des pistes de développement.

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La Loi de Pareto et l'éducation

WolfeTime.jpgL’autonomie est une condition de l’efficactié. (Jack Lang)

En plus d’accroître l’efficacité, l’autonomie contribue à la motivation, souvent même à la construction de sens. En éducation, toutefois, l’efficacité est organisée en fonction du système, non de l’élève. L’appareil est devenu une fin en soi, car l’ordre et les emplois en dépendent.

Tout le monde est dans le coup. Les politiciens en vantent l’importance, car leur réélection en dépend. Les fonctionnaires en consolident les fondements; leur avancement en dépend. Les administrateurs dans les commissions scolaires en étendent les structures; leur raison d’être en dépend. Les conseillers pédagogiques en diffusent les normes; leur pertinence en dépend. Les directeurs d’école huilent les rouages; leur tranquillité en dépend. Enfin, les professeurs assurent le mouvement, car leur santé en dépend.

Un système ne saurait fonctionner sans modalités, mais encore faut-il qu’elles tendent à sa finalité. En éducation, il me semble, cette finalité est l’enfant (à moins que l’on soutienne que c’est la société, ce à quoi je m’opposerais). Qui alors protège les élèves de la lourdeur de l’appareil? Certes pas les parents pour qui la perspective d’un emploi futur en assure la pérennité. Si seulement ils réalisaient l’inefficacité de l’école sur le plan individuel. Plus d’autonomie et de responsabilité obligeraient à plus de réflexion, et ainsi à plus développement. De suiveurs, les élèves deviendraient faiseurs. Mais cela suppose plus de libre choix.

La Loi de Pareto, appliquée à la gestion, stipule que « 20 % des moyens permettent d’atteindre 80 % des objectifs ». Richard Koch va plus loin en affirmant que la loi des 80/20 s’applique à de multiples facettes de la vie, un postulat qu’il a d’abord énoncé dans The 80/20 Principle. Selon Koch, 80 % des résultats découlent de 20 % des causes, comme quoi nous portons le cinquième de nos vêtements la plupart du temps.

C’est Michel Desbiens qui m’a le premier signalé le palmarès des 10 utilisations du temps les moins efficaces, selon Koch. Ce qui a immédiatement frappé Michel, c’est que les neuf premières activités concernent le travail des élèves dans un contexte scolaire traditionnel. Ma curiosité ayant été piquée, j’ai insisté pour qu’il m’envoie la liste. Ravi de tant de perspicacité, j’ai suggéré qu’il la diffuse sur son blogue. Mais comme il a d’autres chats à fouetter, je la reproduis ci-après :

    1. Activités que les autres vous imposent.
    2. Activités qui ont toujours été exécutées de la même manière.
    3. Activités dans lesquelles vous n’excellez pas.
    4. Activités dont vous ne tirez pas de plaisir.
    5. Activités qui sont constamment interrompues.
    6. Activités qui n’intéressent à peu près personne.
    7. Activités qui vous ont déjà pris deux fois plus de temps que prévu.
    8. Activités dans lesquelles vos collaborateurs sont médiocres.
    9. Activités dont le cycle est prévisible.
    10. Répondre au téléphone.

Évidemment, ces boulets alourdissent aussi le travail des éducateurs et des gestionnaires. J’en suis victime. Une boutade d’un collègue me revient : « On n’a plus le temps d’enseigner. » Je compte bien à l’automne voir comment le principe des 80/20 peut améliorer mon travail. Quant aux élèves, c’est déjà commencé; mais si je suis impuissant face aux contraintes de l’administration, je peux certainement encore repousser les limites de la gestion de classe.

(Image thématique : Time, par Rusty Wolfe)


Par ricochet :
Les organisations apprenantes
Les savoirs vs les structures de l’école
Les vertus du désordre
Études sur l’efficacité de l’apprentissage dans l’action
Défier le statu quo
Le chaos appliqué à l’éducation

La science du bonheur

LaurantHappiness.jpgLe plaisir est plus rapide que le bonheur et le bonheur que la félicité. (Voltaire)

Le bonheur a mauvaise mine. Dans un monde viril, c’est un mot que l’on murmure avec gêne. Sur la scène ou à l’écran, il vire à la fadeur. Les images de malheur diffusées par les médias laissent aux épicuriens un arrière-goût de culpabilité. En mal de vivre, les gens cherchent secrètement où puiser leur élixir, le plus souvent dans la gangue d’un livre. Aux dernières nouvelles, une recherche dans Amazon donne plus de 217 000 livres pour happiness (plus de 3 100 pour bonheur dans Amazon.fr).

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Le tiers des ados en ligne victimes de cyberbullying

HallawellViolence.jpgLa non-violence est la loi de notre espèce tout comme la violence est la loi de l’animal. (Mohandas Gandhi)

Il y a de ces coïncidences qui brûlent. De retour à l’école après une longue absence, j’apprends que le principal problème cette année fut l’intimidation et le harcèlement, tant en ligne qu’en chair et en os. Et c’est un Programme d’éducation internationale, fréquenté par des élèves triés sur le volet! Aujourd’hui, un rapport Pew Internet révèle que le tiers des adolescents disent avoir été victime de cyberintimidation, mais qu’ils considèrent le danger encore plus grand dans la réalité (CNet : Study: ‘Cyberbulling’ hits one third of teens). C’est un véritable fléau.

On ne peut pas continuer à abandonner ainsi les jeunes à la violence. Le fait que le bullying mine la réussite scolaire est la moindre des raisons (American Psychological Association : Peer Exclusion Among Children Results in Reduced Classroom Participation and Academic Achievement). C’est le droit à la sécurité et au respect qui est en cause, sur le plan individuel, et le tissu social sur le plan collectif.

Le phénomène est certainement très complexe. Avant de chercher des solutions, il faut identifier les causes, d’abord pour endiguer le problème à la source. Plusieurs facteurs concourent à exacerber le bullying, à des degrés variables et selon les individus. Les parents, certes, jouent un rôle important (By Parents For Parents : What Causes Bullies?), tout comme la culture et le milieu scolaire (Weinhold, B. K. [2000] Uncovering the hidden causes of bullying and school violence. Counseling and Human Development). Ne serait-ce qu’en tolérant les injures, l’école cautionne l’intimidation (BBC : Name-calling ‘worst form of bullying’).

J’ignore jusqu’où va la responsabilité légale de l’école en matière d’intimidation en ligne, considérant que les offenses sont généralement perpétrées hors du contexte scolaire (sauf s’il s’agit d’un blogue scolaire). Quoi qu’il en soit, elle a une responsabilité citoyenne d’intervenir, en plus de son mandat éducatif. Devant un phénomène de cette envergure, elle ne peut pas continuellement refiler le problème aux parents. Il n’est pas nécessaire non plus d’attendre que les gouvernements s’en mêlent, comme l’ont fait récemment l’Ontario (CityNews : Cyber-Bullying Law Introduced in Ontario) et certains États américains (eSchool News : States seek laws to curb eBullying).

L’école ne serait pas si violente si elle cultivait la coopération avant la compétition. Les bollés ne survivent pas tous à la loi de la jungle. Les plus vulnérables se suicident, d’autres cherchent à fuir (The Guardian : Home schooling ‘triples in eight years’; New York Times : Help for the Child Who Says No to School). Cela fait des gestionnaires et des éducateurs des complices.

Paradoxalement, les élèves doués pourraient tant aider leurs camarades. Si seulement on pouvait se débarrasser de ces foutues notes qui sèment la jalousie. Ne nous leurrons pas : le système scolaire est d’abord et avant tout une curée pour les notes. Certaines formes d’évaluation sont indispensables, mais trop de sel gâte la sauce, tout comme il avive les plaies.

Voici quelques ressources que je mets en réserve pour traiter du sujet à l’automne avec les élèves :

Études et articles :

(Image thématique : Violence, par Philip Hallawell)


Par ricochet :
Un blog thématique sur l’intimidation
Étude sur les causes de l’intimidation
Ressources contre l’intimidation en ligne
La violence à l’école
L’école : un milieu violent
Étude: comment contrer le bullying
Les 5 grands risques internet pour les enfants
La technologie de la violence

La recherche sur les blogues

OurslerOrangeResearch.jpgLe gain de la recherche, c’est la recherche elle-même. (Grégoire de Nysse)

La popularité des blogues fait en sorte que les chercheurs s’intéressent à ce phénomène qui dynamise l’écriture et démocratise la publication. Dans les écoles, plusieurs enseignants découvrent que la portée des blogues dépasse l’écriture. Quentin D’Souza a glané les études sur les blogues qui ont une incidence sur l’éducation, qu’il présente dans un wiki avec d’autres recherches portant sur les nouvelles technologies (Teaching Hacks : Looking at the Research - K12 Blogging). En plus de l’expertise pédagogique de D’Souza, j’apprécie le pragmatisme de ses résumés qui mettent en évidence les principales conclusions. En fouillant dans mes archives, j’en ai trouvé une autre.

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Synthétiser les bribes virtuelles

LonvigPuzzle.jpgIl n’y a pas de synthèse : il n’y a que le discontinu.
(Jules Renard)

Pourquoi tant de brouhaha autour des réseaux sociaux, des folksonomies et du partage de l’information? Parce que, en dépit des exceptions, l’intelligence individuelle porte préjudice à la majorité de l’humanité et que son salut réside peut-être dans la mise en commun de la pensée et de l’activité plutôt que l’égocentrisme. Peut-on seulement imaginer la quantité phénoménale d’idées inavouées qui se sont volatilisées au fil du temps? Aujourd’hui, les nouvelles technologies permettent non seulement de mailler cette activité, mais aussi de la synthétiser, comme un cortex planétaire. Une démonstration s’impose.

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Les investissements universitaires nuisent-ils à l'économie?

PalominoEconomySound.jpgCe n’est pas par la loi qu’on va réguler l’économie.
(Lionel Jospin)

Défiant la logique selon laquelle les investissements dans les universités favorisent la croissance économique, un économiste renommé publie une étude élargie qui conclut au contraire qu’ils ralentissent l’économie (Inside Higher Ed : What If Higher Ed Funds Don’t Help Economy?). Après avoir analysé plus de 1000 indices et les données des 20 dernières années pour tous les États américains, Richard Vedder explique cette corrélation négative par le long intervalle entre le début des études universitaires et le moment où les diplômés atteignent la maturité professionnelle. (source : Stephen Downes)

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Le renforcement, l'apprentissage et les TIC

FarstadStuntGirl.jpgLa récompense, c’est ce qui nous rend bons ou mauvais. (Robert Herrick)

En apercevant le titre du billet (Cognitive Daily : Learning: Is reinforcement required?) et le graphique ci-dessous, j’ai d’abord cru que mon aversion pour les récompenses scolaires serait ébranlée. Une étude laisse entendre que le renforcement immédiat favorise l’apprentissage d’une tâche banale ou ardue. Rassuré du fait qu’il s’agit de renforcement à court terme, j’en induis par ailleurs que l’apprentissage de connaissances et d’habiletés peu motivantes intrinsèquement, comme l’école l’exige souvent, peut être stimulé par un sourire, un bon mot, un élément ludique, voire même un répit pour récompenser l’effort. Peut-être même sous-estimons-nous l’autogratification dans la motivation scolaire.

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Appel électoral à l'abolition des commissions scolaires

PosnerTiesBind.jpgLa bureaucratie réalise la mort de toute action.
(Albert Einstein)

Je me réjouis que la pertinence des commissions scolaires reste d’actualité. Mis à part la caducité des structures administratives au moment de l’accélération des bouleversements sociaux, tout débat relativement à leur pertinence fait le point sur la situation. La récente proposition de la Fédération des commissions scolaires du Québec de réaménager les élections scolaires n’ébranle guère ma conviction que les commissions scolaires sont un poids mort. Parmi les neuf mesures que la FCSQ propose, on ne trouve aucune mention de l’élève.

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3 caractéristiques des TIC pour apprendre

EricksonLearningFly.jpgApprendre, c’est se retrouver. (Malcolm de Chazal)

Encore une fois, je craque pour la simplicité. En plus de ramener les choses à leurs composantes essentielles, la simplicité, dans mon cas, facilite la mémorisation. Le réductionnisme n’écarte pas nécessairement la complexité; elle me sert de catalyseur pour approfondir le sujet. L’implantation des nouvelles technologies en éducation se bute aujourd’hui à une perception de complexité qui exacerbe la résistance au changement. Stephen Downes ramène leur utilisation à trois caractéristiques fondamentales sur le plan des apprentissages : l’interaction, la convivialité et la pertinence (elearnspace : Web 2.0 and Your Own Learning and Development).

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