Dopage intellectuel ou dopage intelligent?

zhudrug2Non loin est le jour où le dopage ne sera rien de plus qu’un moyen de s’élever… à la moyenne. (Mathieu Harvey)

Plusieurs facteurs concourent à l’évolution des psychotropes qui agissent sur la performance intellectuelle. J’accuse principalement les percées en neurologie et en pharmacologie, la pression sociale au regard de la performance, et la primauté de l’économie sur l’éthique. Heureusement qu’il existe des institutions comme l’UQAM pour discuter de la question sur la place publique. Ayant déjà exprimé mon opinion sur l’utilisation de psychotropes à des fins intellectuelles, je participerai jeudi à un débat public où je m’exprimerai en tant qu’éducateur (Coeur des sciences : Vers la performance à tout prix – Le dopage intellectuel).

Pour faire le point sur l’usage des psychotropes de synthèse, je serai accompagné d’Éric Racine, directeur de l’Unité de recherche en neuroéthique à l’Institut de recherche clinique de Montréal (IRCM), et Marc-André Bédard, professeur de psychologie à l’UQAM et chercheur au Centre de neuroscience de la cognition. Considérant la délicatesse du sujet, je serais fort aise de connaître les opinions de ma blogosphère. Je vous saurais gré d’exprimer votre avis en commentaire ou sur votre carnet.

(suite…)

Déclaration des droits de l'homme numérique

LocherUniversalDecHumRights.jpgC’est le devoir qui crée le droit et non le droit qui crée le devoir.
(François René de Chateaubriand)

On assiste à une escalade de la lutte pour le contrôle du cyberespace. Après la neutralité des réseaux (net neutrality) et les récents efforts de réduire la bande passante des usagers, on s’attaque désormais aux droits de la personne. Le fichier EDVIGE fait beaucoup jaser en France. Les écoles disposent également de logiciels pour surveiller les élèves (Daily Camera : Teachers monitoring monitors). Dans ce contexte d’expansion virtuelle qui marque le monde, la Déclaration universelle des droits de l’homme a besoin d’être amendée.

Je connaissais le Florence Meichel, dont la pédagogie égale l’humanisme, me fait découvrir la Déclaration des droits pour les utilisateurs des réseaux sociaux, une traduction du Bill or Rights for Users of the Social Web. Mais je retiens surtout la Déclaration des droits de l’homme numérique, dont le livre blanc est l’oeuvre d’André Santini et d’Alain Bensoussan (source : Apprendre 2.0).

Cliquez sur l’icône ci-après pour accéder au document dans une nouvelle fenêtre.

Malgré qu’elle constitue un bon point de départ, cette déclaration est incomplète, comme le souligne Edgar Pansu (Transfert.net : Droits de l’homme numérique : copie à revoir). Les droits numériques vont au-delà de l’identité et des données personnelles, quoique le droit à l’oubli s’avère incontournable, tout comme celui de la vie privée (Contre Journal : «Le fichage Edvige n’a aucun rapport avec l’ordre public»; source : Florence Meichel). Les choses ont bien changé depuis huit ans. Nous avons besoin d’un débat de fond sur la question de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, il faut garantir la libre circulation des idées et l’accès au savoir. Plus fondamentalement, il faut garantir le droit à la non-numérisation, c’est-à-dire le droit de vivre à l’abri de la subordination à la technologie.

Mise à jour, 01 juillet 2009 | Sous la direction d’Hervé Morin, un groupe de travail propose une Déclaration des Droits Fondamentaux Numériques qui comprend huit articles, du réseau Internet à l’identité numérique.


(Image thématique : Universal Declaration of Human Rights, par Thomas Locher)


Par ricochet :

Guide des droits sur Internet
Protection des droits des internautes
Accord sur des principes de libre accès
La neutralité d’Internet menacée
Les droits d’auteur en éducation à l’ère des TIC
Illustration universelle des droits de l’homme en BD
Lawrence Lessig et comment la loi étouffe la créativité
La Déclaration de Cape Town pour une éducation libre
Principes d’intégration des TIC

À la défense du copier-coller

SaakCopy76.jpgC’est en copiant qu’on invente. (Paul Valéry)

À l’instar de Francis Pisani, « je suis pour le “copier-coller” honni des professeurs. » Les saintes-nitouches du plagiat, après avoir brandi devant les élèves le glaive de la moralité, n’hésitent pas à chaparder du matériel et à le reproduire au photocopieur. Les raisons évoquées par les professeurs ne sont souvent guère différentes de celles qui motivent les élèves. La propriété intellectuelle, de toute façon, est aujourd’hui un concept chancelant.

Le mot est l’expression la plus simple du copier-coller. Notre pensée jaillit principalement de l’oeuvre de nos prédécesseurs. Une idée, aussi originale soit-elle, ne sera toujours que le réaménagement de concepts existants dans la synthèse d’un nouveau sens. Si nous pouvons nous arroger le mérite de ce dernier, nous ne pouvons guère réclamer la propriété des premiers. Un auteur est toujours redevable à l’humanité.

La communication orale, antérieure à la communication écrite, ne s’est jamais souciée de plagiat. Même qu’elle en dépendait, la mémoire constituant l’essentielle audiothèque de transmission de la connaissance. Ce rapport naturel au savoir se poursuit à ce jour. Le plagiat est né pratiquement de la littérature, dès lors qu’on a commencé à vivre de l’écriture. La propriété intellectuelle, quant à elle, est née du commerce, à l’enseigne duquel loge l’édition.

Les défis de ce monde appellent un traitement de l’information qui repose sur la complexité des idées au-delà du simple concept des mots. Jouer avec les mots était autrefois un désoeuvrement pour les riches; c’est aujourd’hui le gagne-pain des artistes. Quant à la majorité, elle a d’abord besoin de manipuler des blocs d’idées dans la compréhension, puis la construction de l’édifice d’une vie. Si le métier d’élève consiste d’abord et avant tout à bâtir un édifice unique, on ne saurait exiger de lui qu’il forge tous ses matériaux. En cultivant, par ailleurs, son penchant naturel à la beauté, on verra indirectement au développement du mot.

L’esprit traite les concepts et les idées avant les mots. Le traitement de modules conceptuels, dans un but de synthèse, est également une stratégie d’apprentissage qui n’est pas sans rappeler la programmation par objet. D’un point de vue plus artistique, on préférera la comparaison au mashup. Mais l’un des plus exemples les plus probants de cette technique nous est donné chaque semaine, sur le blogue du RAEQ, par Amine Tehami qui assemble des coupures diverses dans des collages argumentatifs très convaincants.

Ainsi, je ne retiens même pas les conditions émises par Pisani et reprises par Florence Meichel. Malgré leur bien-fondé, elles peuvent contraindre l’apprentissage; comme dit la chanson, Another Brick in the Wall. Je ne condamne pas le moyen, mais plutôt la paresse et l’attitude de ceux qui esquivent le travail. Pour le reste, c’est une question de degrés, dans l’espoir que le professeur n’appartienne pas à cette catégorie qui diabolise les élèves.

Le copier-coller fera l’objet d’un des ateliers du camp d’été pour former les enseignants à la lecture numérique. Lors d’une rencontre préparatoire, j’ai été ravi de constater l’ouverture d’esprit des participants sur le sujet. L’idée fait son chemin.

Ne faisons pas l’autruche en niant l’efficacité du copier-coller. Je l’utilise à profusion et mes élèves aussi, à la différence que je cite mes sources. Cette intégrité intellectuelle requiert une certaine maturité, trop sans doute pour des jeunes habitués au piratage de la musique, pressés d’activités, ou désintéressés de la tâche. Mais cela viendra bien, en laissant l’éducation faire son oeuvre.

Malgré que je m’évertue à leur montrer, mes élèves négligent les citations. Je m’y prends mal, sans doute. Aussi ai-je quelques idées dans mon sac pour l’année prochaine, notamment d’inclure des citations dans les documents à leur intention; et je compte en demander dans tout travail d’envergure. Je veux surtout éviter d’en faire des experts du remaniement de mots pour déjouer les moteurs de recherche.

Mise à jour, 12 juin 2008 | En accord avec Florence Meichel qui affirme qu’il faut voir au-delà de la légitimité du copier-coller, Bruno Devauchelle avait déjà soulevé la commodité de la citation, un excellent billet qui m’avait échappé (Veille et Analyse TICE : Quand citer ses sources ne suffit pas).

[...] se contenter de mettre un renvoi à un livre voire au nom de l’auteur lorsqu’on veut y faire référence, ne permet pas de juger la pertinence de ce lien, c’est même parfois simplement un acte d’allégeance. De même l’extraction de phrases sorties de leurs contexte, accompagnées de la référence ne suffit pas. Citer un auteur, citer un texte, c’est d’abord intégrer une pensée “autre” dans sa “démarche de pensée”. Cela suppose donc un travail important sur ce qui amène à “utiliser” l’autre dans son propre travail. Le risque serait, si l’on est pas vigilant, d’utiliser ce fameux copier coller de la référence de la source sans se préoccuper de ce à quoi elle renvoie réellement, ou d’extraire sans discernement des passages et de citer la source sans respecter le contexte d’élaboration de ce passage.

Mise à jour, 19 juin 2008 | Même les scientifiques, pourtant parmi les plus scolarisés, s’adonnent au plagiat et à la tricherie. Une enquête publiée dans la revue Nature révèle en effet que près d’un chercheur sur dix a été témoin de gestes condamnables de la part d’un confrère (Cyberpresse : Plagiat, falsification de données : les scientifiques trichent aussi).

Mise à jour, 06 septembre 2008 | Patrick Flouriot cite ce billet et apporte sa propre réflexion, plus nuancée que la mienne (Enfants 2.0 : Encouragez vos enfants au copier-coller).

Mise à jour, 23 mars 2009 | Selon un expert sur le problème du plagiat à en éducation, la principale cause du phénomène ne serait pas le désir de tricher, mais plutôt la méconnaissance de ce qu’est le plagiat (EurekAlert! : Confusion, not cheating, major factor in plagiarism among some students).

Mise à jour, 11 avril 2009 | Claireandrée Chauchy signe dans Le Devoir une série d’articles sur le plagiat scolaire, principalement au collégial. Malheureusement, les idées exprimées reflètent une conception traditionnelle du phénomène, sans égard à la notion d’œuvre dérivé :

Mise à jour, 18 juin 2010 | Dans deux excellents billets, Russell A. Hunt, professeur d’anglais à l’Université St-Thomas, se porte à la défense du plagiat :

Les quatre raisons évoquées dans ce deuxième article sont les suivantes :

    1. L’environnement autour de la rhétorique institutionnelle est déstabilisé par le plagiat, ce qui est une bonne chose.
    2. Les structures institutionnelles se rapportant à l’évaluation et à la certification sont attaquées par le plagiat, ce qui est aussi une bonne chose.
    3. Le modèle de connaissance généralement accepté par les étudiants et les professeurs, soit la présomption que la connaissance est un cumul d’information et que les habiletés sont des facultés isolées et asociales, est assailli par le phénomène du plagiat, ce qui est souhaitable.
    4. Les forces ci-dessus obligent à amener les élèves à apprendre comment fonctionne réellement la dynamique intellectuelle de la recherche et de l’université.

Mise à jour, 24 octobre 2010 | Il est rafraîchissant de voir des professeurs d’université porter un regard anticonformiste sur le copier-coller. C’est le cas dans d’un article de Nicole Boubée de l’Université de Toulouse (@Sic : Le rôle des copiés-collés dans l’activité de recherche d’information des élèves du secondaire; PDF) dont le résumé vaut d’être cité : « La pratique du copier-coller dans les activités de recherche d’information d’élèves du secondaire reste généralement étudiée à partir des thèmes de la prise de notes ou du plagiat. Nous l’abordons différemment en questionnant son rôle dans le processus informationnel. A partir d’observations directes et d’entretiens d’autoconfrontation croisée auprès de collégiens et de lycéens, nous décrivons les caractéristiques formelles et conceptuelles de cette collecte d’extraits de documents primaires ainsi que les fonctions attribuées aux copiés-collés par les jeunes chercheurs d’information. Le processus de recherche d’information est scandé par les collectes. L’élaboration du document de collecte présente des traits communs, empilement et mise en page différée. Le contenu de ce document est régulièrement consulté dans le cours de l’activité. Après un copié-collé, les requêtes peuvent contenir un nouveau concept. Les élèves fournissent une dizaine de motifs explicitant leurs copiés-collés. Ceux-ci serviraient à définir le besoin d’information et à contrôler l’activité. Il conviendrait de ne pas les interdire lors des activités informationnelles. »


(Image thématique : Copy No. 76, 2000, par Eric Saak)


Par ricochet :
Responsabilité éthique collective
Étude : les garçons plus sujets au plagiat
Creative Commons pour contrer le plagiat à l’école
Le plagiat : quand l’école ne fait pas son boulot
Le commerce des travaux universitaires
Des élèves contestent un contrôle anti-plagiat obligatoire
Éthique, TIC et tricherie

Technologie de la sécurité vs d’apprentissage

SagronSecurity.jpgL’insécurité, voilà ce qui fait penser. (Albert Camus)

Les vendeurs savent flairer une bonne occasion. Leur métier est d’assouvir des besoins. Or, la sécurité est le deuxième besoin en importance dans la pyramide de Maslow, bien avant l’accomplissement personnel, un fait auquel les administrateurs scolaires sont particulièrement sensibles face aux interventions des parents. Confrontés à la violence dans les écoles, et à un sentiment général qui affiche par moment des signes de paranoïa, la tentation est grande de recourir à des mesures technologiques dont les vendeurs s’empresseront de faire miroiter les avantages. Considérant la précarité des budgets dans les écoles, les sommes investies dans les technologies de la sécurité sont autant de ressources perdues pour les technologies de l’apprentissage.

L’ingéniosité démontrée par l’industrie est assez évidente dans un sondage rendu public par CDW, un vendeur d’équipement et de services en nouvelles technologies. Sous le titre accrocheur de School Safety Index 2007 (PDF), le sondage met l’accent sur les carences technologiques des écoles en matière de sécurité (eSchool News : Education the key to better security). Bien que les résultats ne soient pas dénués d’intérêt, il faut analyser la question de sécurité dans une perspective globale. C’est d’ailleurs ce que laisse entendre le titre de l’article, bien maladroitement d’ailleurs puisqu’elle ne fait qu’effleurer le sujet, sans doute parce que rien dans le sondage ne traite des avantages des moyens éducatifs par rapport aux solutions technologiques.

La question ne touche pas que les États-Unis où des écoles ont recours aux détecteurs de métal ou aux cartes à puce. Aux dernières nouvelles, mon école, pourtant un fleuron de la commission scolaire, cherchait encore l’argent pour installer des caméras de surveillance. Et c’est sans compter les coûts reliés à la sécurité Internet, omniprésente dans les écoles. Les mesures mises en place constituent non seulement un obstacle à l’accès à l’information, mais également au développement professionnel des professeurs au regard des nouvelles technologies (voir à ce sujet le commentaire de Daniel Bigué).

Ce n’est probablement pas un hasard si la pub en marge de l’article vante les mérites d’une compagnie spécialisée dans la surveillance vidéo. Il n’est pas surprenant, non plus, que la démo des services offerts pour la surveillance des écoles primaires et secondaires soit protégée par un mot de passe. Ces gens-là sont obsédés par la sécurité.

Comme le disait Jean Trudeau dans un commentaire, il revient aux enseignants de faire valoir leur métier. C’est à nous de revendiquer les technologies nécessaires à l’éducation aux technologies. C’est à nous de démontrer que l’éducation est plus profitable que le contrôle. C’est à nous, enfin, d’aller voir la direction pour clamer qu’on peut faire davantage avec un projecteur qu’une caméra de surveillance.

Mise à jour, 10 avril 2010 | Malgré ce qu’en pense la ministre de l’Éducation, les caméras de surveillance s’immiscent dans les écoles (Le Soleil : Les caméras de plus en plus répandues à l’école). Et contrairement à ce qu’affirment les directions d’école, leur efficacité n’est pas démontrée, selon Égide Royer, professeur à l’Université Laval et codirecteur de l’Observatoire canadien pour la prévention de la violence à l’école : « Dans l’état actuel des connaissances, ce n’est pas la première chose à envisager. On n’a pas d’indication que c’est véritablement efficace. Une supervision d’adultes à l’intérieur de l’école est beaucoup plus importante. »

Il est regrettable d’entendre des directeurs d’établissement scolaire n’évaluer l’efficacité des instruments qu’au regard du contrôle du comportement plutôt que dans une perspective globale d’éducation et d’éthique sociale. L’école ne doit pas être un lieu où pèse un nuage de rapports de force, mais où règne un climat d’entraide.

Mise à jour, 18 juillet 2011 | La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL; France) met en demeure plusieurs établissements scolaires « de modifier leurs dispositifs de vidéosurveillance jugés excessifs. »

Lors de contrôles, la CNIL a constaté que ces dispositifs filmaient en permanence des « lieux de vie » tels que la cour de récréation, le préau ou le foyer des élèves. Les élèves et les personnels de l’établissement étaient ainsi placés sous une surveillance permanente. Or, seules des circonstances exceptionnelles peuvent justifier la mise en place de tels dispositifs de surveillance.

Selon Le Parisien (Les caméras de surveillance indésirables dans les écoles), cette initiative a valeur de jurisprudence. Sur le sujet plus général de la vidéosurveillance, voir aussi dans Le Monde : La Cour des comptes enterre la vidéosurveillance.


(Image thématique : Security, par Moti Sagron)


Par ricochet :
Sécurité virtuelle et éducation
Il suffit de quelques abrutis
Enseigner la sécurité informatique
Les 5 grands risques internet pour les enfants
La technologie de la violence
Argumentation par la peur

L'énigme Google

RingOfPowerGoogle.jpgKnowledge is power. (Sir Francis Bacon)

Si savoir rime avec pouvoir, comme Francis Bacon l’avait pertinemment remarqué, la concentration du savoir devrait nous inquiéter. Sans donner dans les théories conspiratrices, il y a lieu de rester vigilant devant l’incroyable vitesse à laquelle Google happe l’information, comme un trou noir. Il ne lui suffit pas de colliger tout le Web écrit, il lui faut aussi absorber les images, les vidéos (YouTube), les images satellites (Google Maps; Google Earth), en plus de vouloir numériser tous les livres de l’histoire de l’humanité. Ajoutez un nouveau méga-complexe dans l’état de Washington (New York Times : Hiding in Plain Sight, Google Seeks an Expansion of Power) et l’intelligence artificielle, et vous avez une fameuse potion.

Pendant ce temps, on utilise gaiement la gamme des services Google, offrant gratuitement notre productivité. Plusieurs se targuent même de se retrouver en tête de liste quand ils sont googlés, comme s’il s’agissait du nouveau titre de noblesse de notre ère. Il est déconcertant de voir la facilité avec laquelle nous abandonnons le fruit de notre pensée à des entreprises privées telles que Google et Yahoo!, américaines de surcroît.

Naturellement, Google et Yahoo! rendent d’immenses services à l’humanité. Mais sans sombrer dans la paranoïa, peut-on être certain que les Américains continueront indéfiniment de respecter un semblant de démocratie et de liberté d’expression, surtout à la lumière des agissements du gouvernement Bush?

J’ai découvert, avec stupéfaction, que tous les utilisateurs de Blogger (propriété de Google) se sont récemment fait imposer un bouton (voir «Marquer le blog» dans la bande en haut de page) permettant à la communauté de marquer du contenu indésirable. Soudainement, tous ces blogueurs doivent écrire sous cette épée de Damoclès. Je comprends le besoin (les pressions) de filtrer certains contenus, mais à qui, ultimement, reviendra-t-il de supprimer le billet d’un blogueur? La tâche sera-t-elle confiée à un autre algorithme?

Quoi qu’il en soit, cette vidéo d’Ozan Halici a de quoi nous faire réfléchir (source : Couros Blog). Elle est à mettre en lumière avec cette autre vidéo de Robin Sloan.

Mise à jour, 21 février 2007 | Voici la vidéo de Robin Sloan dont il est questions plus haut, habilement dénichée par Guillaume Lamy sur YouTube.

Mise à jour, 24 février 2007 | Comme si cela ne suffisait pas, Google lance une suite bureautique en ligne pour rivaliser Microsoft Office (New York Times : A Google Package Challenges Microsoft). Des multinationales comme Procter & Gamble et General Electric ont déjà signées une entente avec Google (Time : Google to Sell Online Softwre Suite). Je suis à la fois fasciné et inquiet de constater que les compagnies et les individus acceptent de stocker tant d’information sur les serveurs de Google.

Mise à jour, 25 février 2007 | Selon John Naughton, Google est maintenant le plus grand propriétaire de bande passante au monde (The Observer : Microsoft first – then Google wants world domination). Naughton constate également que Google est en train de bâtir des centrales de stockage de données à travers le monde, comme celle rapportée par le New York Times dans le premier paragraphe. Il en déduit que la demande croissante pour la vidéo, la télévision et le cinéma en ligne fera en sorte que seul Google aura la capacité d’y répondre, lui assurant l’hégémonie au plan des communications internet.

Mise à jour, 31 mai 2007 | Robert Scoble fait un bilan de la méfiance à l’endroit de Google qui s’installe chez plusieurs blogueurs. Selon Scoble, le FOG (Fear Of Google) est en train de se transformer en DOG (Distrust/Disdain Of Google). On n’a pas fini d’en entendre parler.

Mise à jour, 15 juin 2007 | L’organisme Privacy International situe Google au dernier rang pour le respect des données personnelles et de la vie privée (BBC : Google ranked ‘worst’ on privacy). Assurément, Google n’est pas la seule compagnie en cause. Dans son rapport sur les principales compagnies du domaine des technologies Internet, l’organisme identifie sept raisons qui justifient la mise en garde, principalement au regard du traitement des données et l’impossibilité pour les individus de gérer l’information qui les concerne.

Mise à jour, 19 juillet 2007 | Adam Ostrow fait une analyse intéressante de 10 secteurs des nouvelles technologies que Google cherche à dominer (Mashable : Google vs Everyone: 10 Markets Where Google Wants to Win). En plus d’être convaincant, l’article dresse un excellent portrait des divers créneaux de l’industrie du Web.

(Image thématique : Ring of Power, par Vicky Brago-Mitchell)


Par ricochet :
Google pour scientifiques et chercheurs
Google Translator : la Pierre de Rosette
Le champ de bataille des TIC : vos données

Contrôle des élèves par empreintes digitales

Horreur ! Une école anglaise recourt aux empreintes digitales électroniques pour lutter contre l’école buissonnière (BBC: School trials fingertip clock-in). Plutôt que d’investir dans des technologies qui attirent les élèves à l’école, on mise sur celles qui les asservissent.


Par ricochet :
Micropuces pour gérer les élèves

Nécessité d'enseigner l'éthique

L’éthique et la philosophie doivent faire contrepoids à l’envahissement des technologies. C’est une thèse que j’ai déjà avancée. Là où ça devient intéressant, c’est quand les nouvelles technologies, comme les blogues et les wikis, peuvent servir la cause du bien individuel et collectif. …

Marshall McLuhan, dans Understanding Media, a fait valoir que les technologies conduisent à une compression du temps — en tant que perception. Cette accélération du temps est d’autant plus évidente depuis que l’homme a réussi à dompter l’électricité :

Now in the electric age of decentralized power and information we begin to chafe under the uniformity of clock-time. In this age of space-time we seek multiplicity, rather than repeatability, or rhythms. This is the difference between marching soldiers and ballet.

Cette multiplicité dans l’action, cependant, conduit à la superficialité lorsque l’économie de temps ne sert qu’à l’agrégation des tâches, au détriment de l’approfondissement de la pensée. Par ailleurs, l’ubiquité des TICs confère à tout individu un pouvoir que la réflexion et l’éthique se doivent d’apprivoiser. Or, cette dernière est dangereusement absente du curriculum scolaire.

Une pensée trop pointue, quand elle est exacerbée par la technologie, peut être néfaste. À preuve ce billet d’Alex Halavais qui s’inquiète lui aussi de ce que l’armée cherche à équiper ses robots de fusils. Ce passage, surtout, illustre les lacunes de la moralité :

I recently had an interesting discussion with some graduate students from engineering and computer science, at a university with a lot of defense-funded research (not UB). They said something funny, that they didn’t think they would have to deal with ethical issues when they went into robots and AI (artificial intelligence) research.

L’enseignement de la morale a été un échec parce qu’on ne la jamais intégré aux autres disciplines scolaires, tout comme la qualité de la langue d’ailleurs. Ce à quoi, il me semble, les carnets électroniques et les wikis peuvent remédier. Car les carnetiers développent nécessairement une éthique à partir du socioconstructivisme collectif. Le nombre et l’étendue sont des différences fondamentales qui distinguent les communautés éducatives restreintes (un centre pénitencier, par exemple) des communautés globales (comme la blogosphère). Cela fait écho à la théorie du discernement collectif de James Surowiecki dans The Wisdom of Crowds. Ainsi, dans un contexte de carnet scolaire, il est fort à parier que l’intervention de la communauté aura raison de la superficialité de la pensée et développera le sens moral.

On pourrait aussi arguer que la lecture et l’écriture (au sens de littérature) cultivent l’éthique, mais ça c’est une autre histoire.


Par ricochet :
Les robots débordent des usines
La robotisation du cerveau

Palmarès de la censure

Project Censored, un groupe de recherche médiatique de l’université Sonoma State (CA), a récemment fait paraître son palmarès des top 25 articles censurés pour l’année 2003-2004. Sans trop se surprendre, la majorité des reportages proviennent du pays même qui se targue de défendre la liberté d’expression.