Le renforcement, l'apprentissage et les TIC

FarstadStuntGirl.jpgLa récompense, c’est ce qui nous rend bons ou mauvais. (Robert Herrick)

En apercevant le titre du billet (Cognitive Daily : Learning: Is reinforcement required?) et le graphique ci-dessous, j’ai d’abord cru que mon aversion pour les récompenses scolaires serait ébranlée. Une étude laisse entendre que le renforcement immédiat favorise l’apprentissage d’une tâche banale ou ardue. Rassuré du fait qu’il s’agit de renforcement à court terme, j’en induis par ailleurs que l’apprentissage de connaissances et d’habiletés peu motivantes intrinsèquement, comme l’école l’exige souvent, peut être stimulé par un sourire, un bon mot, un élément ludique, voire même un répit pour récompenser l’effort. Peut-être même sous-estimons-nous l’autogratification dans la motivation scolaire.

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Qualités d'un professeur qui motive les élèves

La motivation scolaire est généralement associée à l’élève. Mais qu’en est-il du professeur ? Force est de reconnaître que certains enseignants motivent davantage les élèves que d’autres. J’ai eu le plaisir aujourd’hui d’assister à une conférence sur la motivation donnée par Germain Duclos, dans laquelle il a abordé les qualités qui font qu’un enseignant stimule les élèves. Puisque le sujet me passionne, j’ai pris des notes. En ce début d’année scolaire, un moment propice au renouveau et aux résolutions, je crois que cela peut intéresser d’autres professeurs. Pour y mettre mon grain de sel, j’ai indiqué dans le schéma ci-dessous les qualités qui semblent plus déterminantes (lignes vertes ; cliquez sur l’image pour un agrandissement), non pas que je réfute les autres.

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Motivation : coopération ou compétition ?

Les nouvelles approches pédagogiques font une large place à la coopération. Et c’est tant mieux. On ne saurait sous-estimer l’importance de la coopération dans le développement cognitif, affectif et social, de même que sur le plan de la méthode. Néanmoins, il serait bête, dans la classe, de bannir complètement la compétition. Je le vois tous les jours : l’idée de rivaliser avec leurs pairs stimule les élèves. La fougue de la jeunesse attise certainement cet esprit de compétition. Or, une étude (PDF) de l’Institute for Learning and Brain Sciences de l’Université du Washington révèle les différences dans l’activité du cerveau de la coopération et de la compétition (Eide Neurolearning Blog : What Motivates You? Cooperation or Competition?).

Si, pour un contexte déterminé, l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (fMRI) indique des zones d’activité cérébrales distinctes pour la coopération et la compétition, les choses ne sont pas aussi simples dans l’effervescence de la classe. L’observation nous apprend que certains élèves sont davantage portés vers la coopération, tandis que d’autres préfèrent la compétition. Dans leur for intérieur, toutefois, tous les élèves cherchent à surpasser leurs pairs : c’est l’instinct animal. Un bon enseignant cherchera à canaliser cette force vers des activités d’équipe constructives, c’est-à-dire de nature coopérative, plutôt que de façon négative en opposant les élèves.

Je me méfie généralement des dichotomies qui favorisent un pôle à l’exclusion de l’autre. L’expérience nous apprend qu’on a généralement tendance à osciller de l’un à l’autre, selon les circonstances. Pourquoi, sinon, l’évolution nous aurait-elle dotés de tant de capacités ? Et puis, comme éducateur, j’ai appris à aimer la diversité. Pour revenir sur la question de la motivation, celle-ci est sûrement plus grande quand on mise à la fois sur la coopération et la compétition (amicale, j’entends), par exemple lorsque l’émulation aiguillonne le travail d’équipe.

Mise à jour : 20 novembre 2005 | Fernette et Brock Eide présentent la suite de leur premier billet sur la coopération, le second billet portant davantage sur l’aspect compétitif de la motivation : Reflecting on Competition.

Au même moment, le magazine Time publie un article fascinant sur l’ambition en tant qu’agent de motivation : Ambition: Why Some People Are Most Likely To Succeed.


Par ricochet :
Motivation, plaisir et gratification
Le point sur la motivation intrinsèque
Il n’y a pas que les notes qui comptent

Motivation, plaisir et gratification

Quand les choses ne tournent pas rond en classe, il est trop facile de jeter le blâme sur les élèves. Avant de condamner ces derniers, ou la négligence de leurs parents, l’enseignant doit d’abord se demander s’il n’est pas en partie responsable de ses déboires. En ce qui me concerne, je réalise que j’aurais pu faire mieux. Cela n’absout pas entièrement les élèves, qui ont eux aussi leurs responsabilités, mais c’est un exercice d’analyse professionnelle qui contribue à améliorer ma pratique. À ce sujet, la théorie de la motivation scolaire me sert régulièrement. …

L’auteur qui m’a le plus influencé au regard de la motivation scolaire est Rolland Viau. Je retiens surtout les variables qui influencent l’apprentissage scolaire (variables relatives à l’apprenant, la famille, l’enseignant, l’institution, et la société) et son modèle de la motivation scolaire (cliquer sur l’image ci-dessous pour l’agrandir) qui repose essentiellement sur trois déterminants perceptuels : la valeur de la tâche, la compétence individuelle, et le degré de contrôlabilité sur la tâche. Ces notions me guident tous les jours.

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Néanmoins, il m’a toujours semblé qu’un déterminant était absent du modèle de Viau. Ce qui m’a amené à remettre le modèle en question est le fait que je réussissais à motiver tous les élèves à participer à une activité sans égard à la valeur de la tâche ou à la contrôlabilité — par exemple quand je jouais à Simon Says (Jean dit) avec les élèves du primaire. Il m’est apparu, alors, que la perception de plaisir était un déterminant extrêmement puissant. Cette intuition est confirmée, depuis quelque temps, grâce à tout l’intérêt qui est porté au jeu en tant que moyen d’apprentissage. Par conséquent, je m’inspire maintenant de quatre facteurs pour motiver les élèves.

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La perception de plaisir, toutefois, n’est pas une condition nécessaire à la motivation, quoiqu’elle possède l’avantage de pouvoir se substituer aux autres. Peut-être est-ce parce qu’elle est émotionnelle, tandis que les trois autres sont plus rationnelles. En soi, le plaisir a une portée universelle qui répond à un penchant naturel et instinctif.

À ce propos, Kathy Sierra nous signale que la gratification est plus efficace quand elle est distribuée à petite dose. Je retiens surtout ce petit bijou : « Intermittent, unexpected treats are more powerful than regurlarly scheduled expected treats. » Allez… ce n’est pas si difficile : un sourire par-ci, un compliment par-là, une surprise de temps à autre, et, pourquoi pas, un jeu pour égayer l’atmosphère.

Tout ça me rappelle à quel point j’ai bûché à l’école quand elle était sous la gouverne des religieux. L’apprentissage y était une chose extrêmement sérieuse. À croire que tout plaisir était synonyme de péché. Tâchons au moins d’épargner cette grisaille aux jeunes d’aujourd’hui.

Mise à jour, 24 juillet 2010 | Une étude de l’Université d’Hertfordshire indique que l’habileté d’un professeur à divertir les étudiants constitue un facteur d’apprentissage et de motivation à la présence en classe (AlphaGalileo: Entertain to Educate!).

Mise à jour, 29 août 2010 | J’ajoute le modèle de la motivation d’Eccles et Wigfield (2002), traduit par Devos et Dumay (2006) que me fait généreusement découvrir M.F. Noel dans un commentaire. Ce modèle intègre la perception de l’environnement social, un élément qui lie la motivation au contexte, un aspect si important de l’apprentissage.

Mise à jour, 29 décembre 2010 | Dans un article paru dans la revue Correspondance (2000, 5-3), Roland Viau aborde la question de la motivation sous un angle plus pratique, identifiant dix conditions pour motiver les élèves (Correspondance : Des conditions à respecter pour susciter la motivation des élèves) :

  • Être signifiante, aux yeux de l’élève
    • Être diversifiée et s’intégrer aux autres activités
    • Représenter un défi pour l’élève
    • Être authentique
    • Exiger un engagement cognitif de l’élève
    • Responsabiliser l’élève en lui permettant de faire des choix
    • Permettre à l’élève d’interagir et de collaborer avec les autres
    • Avoir un caractère interdisciplinaire
    • Comporter des consignes claires
    • Se dérouler sur une période de temps suffisante

  • Par ricochet :
    Impact des jouets sur le cerveau
    Lecture et jeux vidéo

    Une allocation pour contrer le décrochage

    Souvent plus pragmatiques, les Anglais ont trouvé une solution efficace pour lutter contre le décrochage scolaire : une allocation hebdomadaire aux élèves des familles démunies pour les aider à poursuivre leurs études secondaires. De plus, l’élève reçoit une prime chaque fois qu’il réussit un cours. L’efficacité du programme peut se mesurer à son succès. Considérant le coût social du décrochage scolaire et les chances inégales des élèves issus des milieux défavorisés, l’investissement est à la fois rentable et apprécié des jeunes.

    Mise à jour (22 juin 2005) | Le programme s’avère populaire auprès des jeunes : près du tiers des Écossais de 16 ans se prévalent du programme (BBC : Pupils accept learn-and-earn cash).