Quand l'école prive les jeunes de sommeil
L’insomnie est à la hausse. Il y a quelques mois, Statistiques Canada rapportait que chez les 15 ans et plus, 1 Canadien sur 7 souffre d’insomnie. La plupart des experts accusent nos trains de vie effrénés (New York Times : Record Sales of Sleeping Pills Are Causing Worries). Et n’allons pas croire que les jeunes sont épargnés. Mary Carskadon, professeure de psychiatrie à l’Université Brown et directrice de recherche sur le sommeil, est catégorique : la majorité des adolescents nord-américains manquent carrément de sommeil (PBS : Inside the Teenage Brain Interview with Mary Carskadon).
On average, teens are getting about seven-and-a-half hours a night’s sleep on school nights. And actually a quarter of the kids are getting six-and-a-half hours or less sleep on school nights. So when you put that in the context of what they need to be optimally alert, which is nine-and-a-quarter hours of sleep, it’s clear that they’re building huge, huge sleep debts, night after night after night.
La recherche, pourtant, a démontré que le manque de sommeil nuit aux résultats scolaires (EurekAlert! : Research finds poor sleep affects students school performance). Pour une synthèse de l’effet du sommeil sur les apprentissages et la qualité de vie, voyez également la page du Dr Piotr Wozniak : Good sleep, good learning, good life.
Le sujet a fait surface la semaine dernière quand mes élèves se sont plaints de la surcharge de travail au Programme d’éducation internationale. Au fil de cette discussion, certains ont rapporté avoir de la difficulté à dormir. Ils savent que je sympathise, car je m’oppose aux devoirs. Les mauvaises langues diront que c’est un leitmotiv chez les élèves que de maudire les devoirs. Mais quand je vois de fort bons élèves s’indigner sincèrement, il y a lieu de s’interroger.
C’est en voyant les graphiques ci-dessous, tirés de l’article du New York Times, que j’ai sursauté. Celui de droite indique l’augmentation du nombre de somnifères prescrits entre 2000 et 2004. Il est alarmant de constater que la consommation de somnifères chez les 10 à 19 ans a augmenté de plus de 80 % en 4 ans.
Par curiosité, j’ai demandé à mes élèves de 2e secondaire combien parmi eux avaient déjà éprouvé de la difficulté à dormir à cause de travaux ou d’examens scolaires. Grosso modo : 75 %. Est-ce à dire que l’école prépare délibérément les jeunes à un rythme de vie démentiel en les entraînant au manque de sommeil ? Et moi qui croyais qu’on réservait ça pour l’entraînement militaire.
Par ricochet :
À bas les devoirs
Poursuite pour excès de devoirs
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Comme tous tes billets, celui-ci est très intéressant.
Je peux dire que je suis parmi ceux qui manquent généralement de sommeil. Je pense qu’une des causes est cette sur-stimulation dont nous sommes tous « harcelés » : cette sollicitation constante est fascinante, mais épuisante. Le problème, c’est le huit heures par jour que nous passons au travail (ou, pour les élèves, à l’école), véritable prostitution…
On compense donc à essayer de se donner du plaisir hors ce 8 heures. Et nécessairement, c’est le sommeil qui prend une claque.
Ça me fait rire quand on nous dit que le sommeil permet une meilleure réussite : dans l’fond, cela signifie surtout une meilleure « productivité ». La vie est si courte : passer 8h par jour à faire souvent que des niaiseries est une abérration.
En 1970, on nous promettait la société du loisir pour 2000. Quelle farce !
PS. En parlant de productivité, je trouve toujours aussi fantastique ta solide régularité dans la rédaction de très haute qualité de tes billets. RELIEF est une oeuvre! Un jour, il faudra que tu nous expliques comment tu t’y prends ! En tout cas, un grand merci à toi.
Je suis d’accord avec Gilles à propos de la « sur-stimulation dont nous sommes tous « harcelés » ». Plusieurs personne se couche après avoir regardé les nouvelles et il a été démontré que non seulement la stimulation télévisuelle, mais également le propos parfois sensentionaliste des nouvelles ont un effet négatif sur notre capacité à dormir. C’est probablement la même chose avec le fait de ce coucher après avoir passé quelques heures sur l’ordinateur, ou à se taper un devoir.
Il ne faut d’ailleurs pas seulement parler de quantité de sommeil, mais de qualité aussi.
Idéalement, au lieu de prescrire des somnifères, les médecins enseigneraient une meilleure hygiène de vie à leurs patients. Prendre une marche de 20 min. avant d’aller ce coucher, ou faire des exercices simples de respiration et de relaxation serait beaucoup plus efficace. Même si la personne se couche une demi-heure plus tard, le sommeil en est beaucoup amélioré.
Merci de tes bons mots, Gilles. Ça fait toujours plaisir, bien sûr, mais plus encore quand cela provient de ceux qu’on estime.
Pour répondre brièvement à ta question sur ma productivité, ça se résume à deux choses : la démarche d’écriture et l’intégration des nouvelles technologies, c’est-à-dire savoir utiliser les bonnes applications (de 4 à 7, selon la nature du billet). C’est fou ce que ç’est puissant la technologie quand on sait les faire interagir.
Tu me fais penser que j’aurais dû évoquer ma propre situation au regard du sommeil. Elle est très semblable à la tienne. J’ai tendance, moi aussi, à me coucher très tard. Il m’en coûte toujours de me coucher, tant la vie est trépidante. Il y a tant à découvrir et à faire. Et pourtant, je suis conscient que cela nuit à ma santé. Heureusement, j’ai une très bonne forme physique. Ce qui m’aide énormément, je crois, c’est qu’il y a belle lurette que je me suis débarrassé de la télé. C’est un véritable narcotique, cette invention.
Ce qui m’amène à ton propos, Marc André. Dans mon cas, je suis plutôt insensible à la stimulation télévisuelle. Je le suis bien davantage à la stimulation intellectuelle que me procure internet, quoique cela s’apparente beaucoup aux stimuli électriques d’un écran. La « sur-stimulation » est encore plus évidente, en ce qui me concerne. Par ailleurs, je suis tout à fait d’accord avec tes bons conseils pour améliorer le sommeil. Tu sais toujours m’étonner par l’éclectisme de son savoir.