L'éducation et la santé : la tête manque de coeur


Le manque de reconnaissance est un leitmotiv dans les conversations d’enseignants. Christine Baillargeon y faisait allusion récemment. Dans une société régie par le positivisme des sciences et de l’économie, la raison subordonne les émotions. L’argent sonne dur. Mais en tendant l’oreille, elle sonne faux surtout. En négligeant une dimension comme l’affectivité, on handicape l’action des professeurs et des élèves. Cela m’apparaît évident en éducation, un milieu que je connais bien. Mais un incident récent m’a révélé que le secteur de la santé, lui aussi, en était affecté.

Deux cas récents soulignent à nouveau l’efficacité d’une action qui repose sur une vision holistique. En Afghanistan, l’armée néerlandaise a réussi à imposer la paix et l’ordre là où les Américains et les Canadiens avaient échoué, en se montrant serviables (Globe and Mail : Doing it the Dutch way in Afghanistan). À l’autre bout du monde, dans un milieu tout aussi hostile, une administratrice scolaire réussit des merveilles dans l’une des zones les plus difficiles de New York, en combinant rigueur dans l’exécution et affection dans les relations (New York Times : Bucking School Reform, a Leader Gets Results).

La rareté de ces exemples leur vaut les manchettes. Les dirigeants ne daignent généralement pas visiter les classes. Les enseignants qui se dévouent corps et âme, comme Mathieu Noppen et Michäel Foussard, ajoutant le bénévolat à leur tâche, se démènent hors de leur champ de vision. Considérant le peu de reconnaissance, on ne s’étonnera pas que plusieurs jettent l’éponge.

Si la situation est pénible dans les écoles, elle ne vaut guère mieux dans les hôpitaux où la souffrance ne saurait faire obstacle à la rentabilité. Hippocrate doit se retourner dans sa tombe. Les intervenants de première ligne (infirmières et infirmiers, préposés, répartiteurs, etc.), heureusement, n’ont rien perdu de leur humanité. À bout de souffle, ils maintiennent l’établissement sur pied par leurs soins diligents et attentionnés. Loin des yeux, loin du coeur, toutefois. Les hauts fonctionnaires n’ont cure de la détresse des combattants au front. Le pouvoir est concentré vers le haut ; ce n’est probablement pas un hasard si les hiérarchies prennent la forme d’un bec d’aspirateur.

Les administrateurs gèrent des budgets et des systèmes. Les praticiens gèrent des émotions.

Comment remédier à la situation ? D’abord, en sensibilisant les gestionnaires à l’importance de l’affectivité dans les relations humaines. Ensuite, en décentralisant le pouvoir vers une gestion participative. Enfin, en modifiant les fonctions de façon à ce que les dirigeants soient plus présents sur le terrain. Les nouvelles technologies de la communication, des portatifs au sans-fil qui favorisent la mobilité, servent à les libérer de leur bureau.

Les nouvelles technologies contribuent-elles à l’insensibilisation évoquée au début ? Il est fort probable que certains jeunes, parmi les plus vulnérables socialement au départ, s’y engouffrent comme dans un trou noir. Dans la plupart des cas, cependant, les technologies de la communication rapprochent les utilisateurs. Leur ubiquité et leur diversité confèrent à l’individu un pouvoir d’expression dont la portée est illimitée. Les médias publics, tels que les blogues, l’obligent cependant à tempérer son propos, à l’instar du livre.


Par ricochet :

En apprentissage, l’émotion l’emporte sur la raison

L’impact éducatif d’une ville sans fil

Mathématiques et affectivité : deux études

La bureaucratie est cause de maladie mentale

La décentralisation des écoles (sans commission scolaire)

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3 réponses

  • Le gros problème dans le système actuel, c’est qu’on n’a pas trouvé la formule magique, scientifique, qui démontre, noir sur blanc, par des chiffres intéressant tout administrateur, la part de rentabilité réelle de l’affectif…

    Ça prend alors un administrateur avec bien du coeur pour comprendre cela. Il y en a, heureusement, de ces administrrateurs, mais je crois qu’ils ne sont tout de même pas légion.

  • Il ne semble pas y avoir, malheureusement, de formule magique. Heureusement, à certains endroits on retrouve des administrateurs «humains» qui ont le bine-être de leurs employés, et, parfois, de leur clientèle.

    Ce dont certains ont besoins n’est qu’une simple remarque d’appréciation du travail fait, compte tenu du nombre d’heures passées pour faire ledit travail, au lieu de se faire tapper sur la tête parce qu’ils ne travaillent pas assez vite.

  • En réalité, je faisais surtout allusion aux gestionnaires et fonctionnaires qui sont détachés du champ des opérations. C’est ce que j’entendais par « loin des yeux, loin du coeur. » En me relisant, je m’aperçois que je n’ai pas été très clair.

    Parmi les administrateurs qui sont près de la pratique, il y en a qui ont le coeur sur la main, d’autres pas. Mais ces derniers ne peuvent pas prétexter d’être loin du théâtre des opérations.



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