Les commentaires différés: une forme de censure?


Les commentaires doivent-ils être filtrés en amont ou en aval? Je comprends les diffuseurs de vouloir jeter un regard sur les commentaires des lecteurs avant leur publication. Certaines réactions ne sont que des salissures. Mais cette forme d’épuration se fait au détriment de la crédibilité, sans que le lectorat sache si on ne censure pas du même coup la dissidence ou la critique. Malgré les meilleures intentions, le jugement n’est guère infaillible ni la tentation toujours répressible, surtout en l’absence de témoins. Après avoir été échaudé sur la liste edu-ressources, je me suis demandé récemment pourquoi je me donnerais la peine de réagir à une nouvelle de l’Infobourg sans la certitude que mon opinion soit publiée. Non pas que cela soit déjà arrivé, mais le doute s’installe. À la longue, le silence devient rampant.

Certains diront que cela a toujours été le cas des « lettres à l’éditeur » envoyées aux grands quotidiens. Eh bien justement… tandis que les médias traditionnels filtrent les opinions, le Web célèbre la liberté d’expression. Le pouls de l’opinion publique est beaucoup plus juste quand chacun peut se faire entendre. En habilitant (empowering) l’individu à s’exprimer sur la place publique, non seulement on stimule la démocratie, mais on fait graduellement son éducation à la citoyenneté. Malgré que le Globe and Mail publie les commentaires des internautes en différé, je préfère voir la centaine de commentaires rattachés à un article (Globe and Mail: Arrest made in Hussein hanging video probe) plutôt que les quelques textes qui feront surface dans les pages du journal.

Forcément, les pourriels et les commentaires orduriers envenimeront la discussion. On ne m’a pas épargné, moi non plus. C’est le reflet de la vilénie qui mine nos sociétés. Néanmoins, c’est une erreur que d’en éliminer toutes traces. On ne fait que donner à leurs auteurs l’illusion de l’originalité. De plus, la suppression de cette forme de refus confère une fausse impression d’acceptation.

Il ne s’agit pas d’abandonner son espace personnel aux barbares. Jusqu’ici, j’ai toujours supprimé les commentaires inacceptables. Mais après réflexion, je me ravise. Je crois plus utile de remplacer le commentaire fautif par une note explicative du genre « (Ce commentaire a été supprimé. Le lecteur y exprimait son désaccord avec mon propos. Toutefois, je ne tolère pas le langage grossier.) » Il me sera facile d’archiver, pour usage ultérieur, les quelques justifications dont j’aurai besoin. Ainsi, je n’aurai pas tout à fait effacé la nature du commentaire.

Les blogues sont évidemment un espace personnel. Chacun y est maître des lieux. Pour ma part, je continuerai à filtrer les commentaires en aval.

Mise à jour, 20 octobre 2007 | Bruno Devauchelle, dont j’apprécie toujours la pensée, justifie le filtrage des commentaires sous l’angle de l’éthique (Veille et Analyse TICE : Éthique, Netiquette, honnèteté). Le point de vue suscite la réflexion. Malgré tout, je reste attaché à la défense de l’éthique par le dialogue social plutôt que par la censure.


Par ricochet :

Pour ou contre les commentaires ?

Le blogueur en tant que médiateur des commentaires

Blogues scolaires : enseigner l’art du commentaire

Les blogues et la responsabilité juridique

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2 réponses

  • Luc Papineau dit :

    M. Guité,

    Votre façon de procéder me semble juste et je la ferai mienne lorsque j’aurai un blogue un jour.

    Il est vrai queles journaux effectuent un tri dans le nombreux courrier qu’ils reçoivent. Ce choix est guidé par des questions d’espace, de responsabilité légales mais aussi d’idéologie.

  • Les grands médias reçoivent effectivement un flot de réactions qui peut rapidement devenir impossible à gérer en aval. On en a eu un bel exemple quand le Los Angeles Times a tenté de donner la parole aux lecteurs dans un wiki (Los Angeles Times: Where is the Wikitorial?). Et puis, il y a d’autres considérations, comme vous le soulignez.

    L’allusion à un blogue éventuel me séduit, surtout de la part de quelqu’un qui a maintes fois démontré la franchise de ses opinions.



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