L'école d'hier et de demain


EcoleArabeGoodall.jpgC’est la vie qui nous apprend et non l’école. (Sénèque)

Il y a forcément une école d’hier, et inévitablement une école de demain. Mais il n’y a pas chez nous d’école contemporaine. Celle que nous faisons, dans la plupart des cas, est un anachronisme. La classe a comme une odeur de morgue. Heureusement, elle ne vient pas des élèves. La réforme tente de la mettre au diapason, mais sans instruments c’est peine perdue. Les nouvelles technologies de la communication ont modifié le rapport au savoir ; sinon pour les professeurs, du moins aux yeux des élèves. Pour ceux-là, il est oral et textuel, tandis que les jeunes s’abreuvent à l’électronique et au social.

À l’aide de la vidéo, Kristin Hokanson illustre merveilleusement la fracture pédagogique dans Connected Classroom (source : Cool Cat Teacher Blog). Certains passages méritent d’être cités :

    - They [China and India] have more honors kids than we have kids.

    - myspace.com population > 125,000,000 / World’s 12th largest country?

    - Shakespeare had 24,000 words to work with / Eminem has 1,000,000

    - The U.S. Department of Labor estimates that today’s learner will have 10-14 jobs by the age of 38.

    - We are currently preparing students for jobs that don’t yet exist… using technologies that haven’t been invented… in order to solve problems we don’t even know are problems yet.

    - Connect to your students / Connect them to their world.

Faute de moyens, l’école demeure coincée dans la technologie du tableau noir et du livre. Non pas que le livre soit caduc, au contraire, mais il ne peut servir à toutes les sauces. L’outil détermine généralement l’usage, du moins en l’absence d’imagination. C’est tout le problème des manuels qui finissent par conditionner la pratique des enseignants. On le voit bien avec les quelques ordinateurs qu’on a introduits dans les écoles. Sans instrument personnel pour faire évoluer leur pratique, les enseignants transposent leurs méthodes familières aux nouvelles technologies. Sans ordinateur, ils ignorent jusqu’à l’existence des nouveaux moyens de collaboration et de maillage social.

L’enseignement est un acte d’harmonisation. La communication, par exemple, repose sur l’accord de l’émetteur et du récepteur. Or, le choix du moyen affecte la qualité de l’information. Ceux qui n’ont pas la chance d’être des communicateurs spectaculaires doivent recourir à d’autres moyens appropriés. Sinon, c’est peine perdue.

Hormis des connaissances essentielles, le rôle du professeur ne se résume plus à transmettre ce que l’élève sait trouver du bout des doigts. Son rôle consiste surtout à leur montrer quoi en faire, quand le faire et comment le faire. Ce comment inclut la résolution des problèmes. Ainsi, son travail se complexifie, preuve que les sciences de l’éducation évoluent.

De toute façon, la transmission des connaissances est mieux servie par les médias. La majorité des professeurs ne peuvent rivaliser avec les bijoux réalisés par des équipes possédant des ressources spécialisées. Récemment, je vantais les films d’animation de l’ONF. Plutôt que de chercher à rivaliser avec ces ressources, il vaut mieux chercher à les utiliser. Par exemple, cette vidéo illustre, magistralement, les quanta. Qui dit mieux ?

Philippe Meirieu, de passage à Montréal, disait très justement que « la classe n’est pas une finalité de l’école, c’est une modalité » (La Presse : Rompre avec la «pédagogie du banquier»). En paraphrasant, on dira aussi que l’école n’est pas une finalité de la société, c’est une modalité. Tout l’art et la science de l’éducation résident évidemment dans les modalités. Pour des jeunes habitués à des moyens stimulants d’apprendre (jouets, jeux, sports, loisirs, jeux vidéo, internet, etc.), l’école paraît bien fade. Quel mal y a-t-il à insuffler plaisir et passion dans les écoles ?

Nous jouons notre avenir avec une faible mise. Le pari est risqué. Si le conservatisme se justifie au présent, il est odieux de l’imposer au devenir des enfants sans trop savoir. Kathy Sierra déplore avec raison toutes ces incertitudes en éducation :

The tragedy is this: the amount of money spent in the US each year on marketing research is orders of magnitude more than the amount spent on learning theory research. Big business probably spends more in a week on brain research than the US Department of Education spends in a year.

Mise à jour, 14 février 2007 | Relativement à la baisse de motivation à l’école, on ne souligne pas assez le fossé entre l’attrait des jouets éducatifs auxquels les enfants ont été habitués et les outils démodés utilisés par l’école. Jetez un coup d’oeil aux jouets exposés à la foire internationale du jouet (Wired : American International Toy Fair 2007). Hormis l’effet motivationnel, les nouvelles générations de jouets ont un impact sur le développement du cerveau des enfants pour lequel les écoles ne sont pas préparées.

Mise à jour, 4 mars 2007 | Une autre vidéo sur le même sujet se propage sur le Web. Celle-ci est antérieure à la première, comme l’indique la référence à la fin de la première vidéo. Karl Fisch avait déjà publié le diaporama PowerPoint sur son blogue en date du 15 août 2006. La seconde vidéo comprend d’autres passages qui méritent d’être cités :

    - According to former Secretary of Education Richard Riley, the top 10 jobs that will be in demand in 2010 didn’t exist in 2004.

    - Nintendo invested more than $140 million in research and development in 2002 alone. The U.S. federal government spent less than half as much on research and innovation in education.

    - There are over 2.7 billion searches performed on Google each month. To whom were these questions addressed B.G. (before Google)?

    - The number of text messages sent and received every day exceeds the population of the planet.

    - It is estimated that a week’s worth of New York Times contains more information than a person was likely to come across in a lifetime in the 18th century.

    - It is estimated that 1.5 exabytes (1.5 x 10 exponent 18) of unique new information will be generated worldwide this year. That’s estimated to be more than in the previous 5,000 years.

    - Predictions are that by 2013 a supercomputer will be built that exceeds the computation capability of the human brain. By 2023, when 1st-graders will be just 23 years old and beginning their (first) careers, it only will take a $1,000 computer to exceed the capabilities of the human brain.

    - Predictions are that by 2049 a $1,000 computer will exceed the computational capabilities of the human race.

Mise à jour, 3 juillet 2007 | Voici la deuxième version du vidéoclip ci-dessus, mis à jour par ses auteurs, Karl Fisch et Scott McLeod :

Mise à jour, 12 novembre 2008 | La troisième version du désormais célèbre vidéoclip Did You Know? :


(Image thématique : an Arab School, par Frederick Goodall ; avertissement : pop-up)


Par ricochet :

L’appropriation des TIC par les ados

Compétences du XXIe siècle

L’éducation de l’I-génération

Le fossé technologique entre le MELS et les jeunes

Internet et les réseaux sociaux (Pew Internet)

La perte de crédibilité des écoles

L’animation au service de l’éducation

Les TIC et la pensée


Philippe Meirieu à Montréal (École et société)

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7 réponses

  • MERCI!

    http://recit.org/index.php/mst/2007/02/13/video_derangeant

  • Vraiment intéressant et à point! J’ai commencé la rédaction d’un texte à ce sujet et je vais sûrement faire référence à celui-ci.

  • Martin dit :

    Bonjour M.Guite. Vous ne me connaissez pas et je m’excuse de la non-pertinence de mon message par rapport a votre propos, mais j’aimerais savoir une chose. A la suite d’une recherche sur Google au sujet d’une abolition des commissions scolaires au Quebec, j’ai vu que vous aviez exprime le souhait que cela se fasse. La raison de mon questionnement est que j’ai entendu de la part d’un collegue aujourd’hui qu’il y aura probablement abolition de cette structure l’an prochain. Vous qui semblez etre au fait de ce sujet, qu’en est-il ? Pour vous dire franchement, je pensais jusqu’a aujourd’hui appliquer pour un poste a temps plein a la CSDM, mais j’ai des craintes. Devrais-je plutot m’orienter du cote du MEQ ?

    - Un homme inquiet

  • Veuillez excuser mon français — j’emploie un emplacement de traduction. J’ai étudié l’espagnol dans l’université. Il est intéressant de voir que ces issues dans l’éducation surgissent non seulement aux Etats-Unis. Après The World is Flat de lecture je me suis rendu compte que notre monde a changé tellement rapidement qu’à moins que les éducateurs commencent à voir et faire ce décalage, nous volonté pour s’avérer les enfants qui sont non préparés pour le monde d’aujourd’huis. Comme une mère de 3 cette pensée m’effraye. J’ai utilisé la vidéo que vous avez incluse en tant qu’élément d’une présentation au Pennsylvania Educational Technology Expo & Conference(PETE&C) http://theconnectedclassroom.wikispaces.com/. J’encourage vos lecteurs à visiter. Une autre bonne source de conversation est http://www.nextgenteachers.com/ Ces conversations doivent commencer globalement si nous devons préparer des enfants vivre dans un monde global.

  • Martin, je me permets de retranscrire votre commentaire dans le billet correspondant au sujet que vous évoquez.

  • Bonjour Martin,

    C’est la première fois que j’entends une rumeur voulant que les CS soient abolies. Je crois que vous devriez demander à votre collègue d’où il tient ses informations. Je ne serais que trop heureux que cela soit vrai, mais je ne crois pas honnêtement que le gouvernement a le courage politique de le faire. Le ministre de l’Éducation, Jean-Marc Fournier, a déjà déclaré que cela n’était pas dans les intentions du gouvernement. Mais je ne suis pas assez naïf pour croire ce qu’un politicien déclare aux médias.

    Si vous voulez mon avis, les jours des commissions scolaires sont comptés. Combien de temps cela prendra-t-il encore? Je n’en sais trop rien. Mais si j’avais le choix entre travailler au MELS ou dans un CS, j’opterais certainement pour le MELS.



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