Relief...contre la planéité

Créer, c’est toujours parler de l’enfance. (Jean Genet)

La récolte aujourd’hui m’apporte pas moins de cinq études portant sur l’éducation, principalement le préscolaire. Celle qui fait le plus jaser est cette étude longitudinale du National Institute of Child Health and Human Development (Study of Early Child Care and Youth Development), initiée en 1991, qui établit une corrélation entre les garderies et l’indiscipline au primaire (EurekAlert! : Center-based care yields more behavior problems; in other types of care, problems short-lived; New York Times : Poor Behavior Is Linked to Time in Day Care). Le plus récent volet de l’étude, publié dans la revue Child Development, constate que plus longtemps les enfants fréquentent une garderie en établissement, plus ils font preuve d’agressivité et d’indiscipline à la fin du primaire. Les enfants gardés dans un foyer délaissent généralement les comportements déviants pendant la première année d’école.

La nouvelle va intéresser le Québec qui s’est doté d’un vaste réseau de garderies. Sans y voir la seule cause de l’indiscipline scolaire, il faut rappeler que les enseignants se plaignent de la dégradation du comportement des élèves depuis quelques années. La coïncidence est troublante. Malgré que l’éducation parentale demeure un plus fort indicateur de troubles de comportement, selon les chercheurs, il reste que les garderies peuvent avoir une incidence négative sur le comportement des enfants.

Cela dit, et sans présumer de rien, je me demande si le problème ne tient pas également à la difficulté des enfants issus des garderies de s’adapter à un environnement d’apprentissage statique. Une simple hypothèse qui toutefois ne doit pas excuser l’impolitesse.

Par ailleurs, les chercheurs ont déterminé que la qualité des services en garderie avait un effet significatif sur le vocabulaire jusqu’en cinquième année. Quant aux avantages acquis en lecture et en mathématiques, ils disparaissent après la troisième année.

Pour ce qui est des quatre autres études :

- EurekAlert! : Preschool teacher education alone unlikely to improve classroom quality or learning. Cette étude conclut que le niveau de scolarité des éducateurs à la petite enfance ne suffit pas à améliorer le développement des enfants. Selon les chercheurs, l’intérêt porté au développement d’activités professionnelles est un meilleur gage d’efficacité.

- EurekAlert! : Reading problems are emotionally difficult for disadvantaged children. Cette étude établit une corrélation entre les difficultés en lecture et l’anxiété dès la troisième année, particulièrement chez les enfants moins nantis; ces difficultés peuvent mener à la dépression à compter de la cinquième année.

- EurekAlert! : School achievement, perceptions of ability and interest change as children age. Cette étude indique que les enfants du début du primaire peuvent aimer une discipline même quand ils éprouvent des difficultés, mais que les élèves de la fin du secondaire témoignent plus d’intérêt pour les disciplines dans lesquelles ils réussissent bien. La corrélation est surtout évidente chez les garçons.

- EurekAlert! : Self-regulation abilities, beyond intelligence, play major role in early achievement. Cette étude laisse entendre que les habiletés d’auto-régulation au début du primaire, notamment la concentration et l’inhibition des impulsions, sont de plus grands facteurs de réussite que l’intelligence.

Mise à jour, 27 mars 2007 | À la suite de l’observation très juste de Marc André dans le deuxième commentaire, la fin du deuxième paragraphe (« il reste que les garderies aggravent le problème ») a été corrigée pour « il reste que les garderies peuvent avoir une incidence négative sur le comportement des enfants ».

Mise à jour, 29 mars 2007 | Un article d’Emily Bazelon dans Slate (The Kids Are Alright) tâche de jeter un regard plus objectif sur la première étude. Comme l’a déjà observé Marc André dans le deuxième commentaire, il est prématuré d’établir un lien de cause à effet entre les garderies et l’indiscipline scolaire. Selon l’auteur de l’étude, la corrélation ne vaut que pour les enfants qui ont fréquenté une garderie en établissement pendant plus de deux ans. Il reste que c’est le cas de plusieurs enfants au Québec.

Mise à jour, 4 avril 2007 | Une étude anglaise arrive aussi à la conclusion que les enfants qui fréquentent une garderie sont plus sujets à des comportements antisociaux (BBC : Nursery link to poor behaviour). Selon ce que rapporte la BBC, il suffit de trois jours par semaine en garderie pour que les effets se manifestent. L’article met cependant en garde de ne pas exagérer les conséquences néfastes des garderies qui présentent des avantages certains à d’autres niveaux, notamment au regard de la confiance en soi. On précise qu’on peut remédier à l’apparition de comportements antisociaux par la qualité des services et la formation du personnel.

(Image thématique : L’enfant au pigeon, par Pablo Picasso)

Par ricochet :

Effet de garderie

De l’agressivité des enfants québécois

Les jeunes sont différents, naturellement