Les aléas du travail en équipe


EquipesGuthuix.jpgLe travail en équipe, c’est le parfait contraire de la bonne gestion du temps. (Scott Adams)

Tout le monde, apparemment, vante les vertus du travail en équipe. C’est le dada des gestionnaires. En éducation, on parlera de gestion participative. Mais comprend-on réellement ce qu’est le travail en équipe? Il ne s’agit pas, pour qu’ils coopèrent, de réunir les gens dans l’atteinte d’un but commun. On aura plus de succès en brûlant des lampions à Saint Jude. Dans bien des cas, malheureusement, la stratégie se retourne contre nous, menant à la méfiance, la rivalité, ou « des silos à l’horizontale » (La Presse Affaires : Le mythe du travail d’équipe). L’issue dépend de l’esprit de communauté; cette synergie doit se cultiver sans relâche.

Un peu impatient de la lente évolution des nouvelles technologies dans nos écoles, Martin Bérubé s’interrogeait récemment sur les difficultés à faire lever une culture de réseau (Fabulations réelles dans un monde virtuel : La culture de réseau : Une utopie parmi tant d’autres! et Poussons plus loin la réflexion!). Avec beaucoup de justesse, Gilles Jobin faisait remarquer que dans la ‘culture de réseau’, le problème n’en est pas un de réseau, mais de culture. De la part de générations élevées dans l’isolement des pupitres d’écoliers et la hantise des bulletins, cela n’a rien d’étonnant. Ainsi, on comprend mieux pourquoi des collègues sont plus enclins à jalouser leurs idées qu’à les partager (EurekAlert! : Co-workers hoard their best ideas).

Les objectifs trop précis sont des oeillères qui cachent des phénomènes plus importants qui gravitent autour de la tâche (New York Times : Winning Isn’t Everything. Check the Periphery). Les gens se bousculent à la porte de Red Burns, responsable de l’Interactive Telecommunications Program de l’Université de New York, pour découvrir les ramifications de la collaboration.

Competitive people have energy, they’re interesting and so forth. But they’re so focused on the competition they fail to see what they’re doing. They just want ‘better, bigger, stronger, longer,’ and they miss the periphery. And that is where you find things you don’t even know are there.

Comme l’a observé la sociologue du travail Julie Dussault, « malgré leur nom, les équipes sont de moins en moins des collectifs. Elles sont des collections d’individus. » Ainsi, le travail en équipe repose d’abord sur les attitudes. Une étude indique d’ailleurs que les attitudes surclassent l’expérience dans le travail en équipe (Dave Pollard : The Ideal Collaborative Team). Ce qui me laisse croire que la coopération n’est possible que dans l’acceptation des différences et dans le soutien de la participation individuelle, plutôt que dans la contrainte.

Le sujet est d’actualité dans le cadre du Renouveau pédagogique. Car un changement d’une telle amplitude nécessite un effort collectif. Or, une réforme de l’éducation qui mise uniquement sur l’enseignement est misérablement éclopée. Il faut aussi réformer l’environnement dans lequel elle s’opère, tout comme les structures de gestion. Alors qu’on se réclame d’une gestion participative, je suis témoin, la plupart du temps, d’une gestion par la peur, la tromperie et la duplicité. Du coup, je soupçonne les commissions scolaires d’être largement responsables de cette hiérarchisation du pouvoir qui a bureaucratisé le rôle des directions d’école. Pour un réel travail en équipe, il faut avoir les coudées franches et un appui tant horizontal que vertical. Sans quoi cela ne mène à rien. À gaspiller les énergies, on mine le moral.

Les défis mondiaux appellent désormais à la collaboration. Peut-être sommes-nous perdus si nous ne réussissons pas à en faire une compétence. Il ne suffit pas de radoter aux élèves son importance, il faut aussi en comprendre la portée et prêcher par l’exemple. En tant qu’éducateurs, nous savons pertinemment que c’est dans la pratique qu’on en saisira nous-mêmes le sens.

(Image thématique : Les Équipes, par Catherine Guthuix)


Par ricochet :

Quelques qualités du travail d’équipe

Coordination, coopération, ou collaboration ?

Analyse des technologies de collaboration

Les commissions scolaires sous le couperet

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5 réponses

  • L’on n’a guère vu jusques à présent un chef d’oeuvre d’esprit qui soit l’ouvrage de plusieurs (La Bruyère).

    Pour un travail d’équipe fécond, des préalables sont nécessaires. Pensez aux heures de pratiques personnelles qu’un violoniste doit accomplir afin de pouvoir jouer dans un orchestre symphonique.

    Si on ne sait pas encore travailler seul, il est tout simplement impossible de travailler en équipe.

    Voilà pourquoi le travail en équipe chez les jeunes enfants est si souvent contreproductif. Dans le contexte actuel, le travail d’équipe leur apprend tout au plus à dépendre des autres plutôt que sur eux-même. Une autre contrevérité dangereuse et malhonnête…

  • Mon intervention sur le travail en équipe se situe davantage dans la perspective de la formation professionnelle. Naturellement, la coopération implique une part de travail individuel. La part de l’un et de l’autre varie en fonction des besoins, mais vous faites bien de soulever son importance.

    Quant au travail d’équipe chez les élèves, c’est une autre question. Il s’agit, en fait, d’un apprentissage. Il ne suffit pas de les réunir en équipe pour que ça marche comme sur des roulettes. Là encore, il faut harmoniser travail individuel et travail collectif. Par contre, c’est une grave erreur que de tout balayer le travail en équipe du revers de la main. Mais il faut apprendre comment bien le faire.

  • J’ai suivi un cours pour les étudiants aux cycles supérieurs sur le travail en équipe à l’Université de Montréal. Ce n’est pas temps d’apprendre ce que c’est qui fût intéressant… ça tout le monde s’en doute, mais plutôt de mettre des mots et d’avoir des concepts pour les différentes difficultés inhérentes aux travaux d’équipe.

    Peut-être que lorsque l’on demande à nos jeunes de travailler en équipe, on oublie de leur enseigner ce qu’est le travail d’équipe… les problèmes qu’ils vont rencontrer, et les solutions? On leur dit seulement, faites ça en équipe… puis on revient sur le travail… mais pas sur l’expérience du travail en équipe!

  • L’accord de la théorie et de la pratique fait souvent défaut, effectivement. Tout aussi pertinente est l’observation que l’on abandonne trop souvent les élèves au travail d’équipe. Il faut reconnaître, malheureusement, que les professeurs ne prêchent pas par l’exemple, comme des prêtres donnant des cours de mariage.



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