Ce que les écoles peuvent apprendre de Place Lo


GrimesDiscrepanciesIgnore.jpgChercher la vérité c’est passer de la vitrine d’une boutique à une autre. (Jiddu Krishnamurti)

Place Lo est le nom que mes élèves donnent plaisamment à Place Laurier, le plus gros centre commercial à l’est de Montréal. Ces temples à la consommation attirent les jeunes comme des phalènes autour d’un réverbère. Cette fascination ne se dément pas en voyage, alors qu’une balade au shopping mall allume plus de visages qu’une visite au musée. Nul doute que s’ils y passaient toutes leurs journées, comme à l’école, Place Lo perdrait de son lustre; il suffit, pour s’en convaincre, d’observer le regard hébété des jeunes commis qui y travaillent. Néanmoins, l’école a certainement des leçons à tirer d’un endroit aussi populaire.

Avec un peu de discernement, l’on doit arriver à séparer le bon grain de l’ivraie. Il faut un esprit obtus pour rejeter du revers de la main un phénomène qui connaît tant de succès. Ana met en évidence une analyse de Nina Simon qui tire six leçons que les musées pourraient apprendre des centres commerciaux (Museum 2.0 : Mall Science: Lessons in Consumer Appeal). Les musées étant des institutions aussi coincées que les écoles, il appert que celles-ci tireraient profit des mêmes enseignements.

• Un centre commercial offre une variété d’expériences. On trouve une multitude de boutiques et services dans un centre commercial. On peut même y flâner. Et pourtant, les jeunes s’y conduisent correctement, exception faite de quelques cas de chapardage dont les écoles ne sont pas exemptes. Plutôt que de régir les activités au son d’une cloche, l’école devrait être un lieu de portes ouvertes où les élèves vaquent d’un module d’apprentissage à un autre. Évidemment, cela nécessite une réorganisation du cadre scolaire, mais il faut savoir tirer profit de l’expérience acquise par les élèves au fil des ans et tendre à l’autonomie. Comment expliquer que des jeunes de 17 ans obéissent à la même cloche que des enfants de première année.

• Un centre commercial met le client au premier rang. On ne saurait concevoir une boutique qui impose sa marchandise plutôt que de l’offrir. Ainsi, l’école gagnerait à offrir des services plus diversifiés et personnalisés plutôt que l’obligation de suivre des cours accessoires. Dans la majorité des cas, si les professeurs sont incapables de convaincre les parents ou les élèves de l’importance d’un cours, c’est alors qu’il est marginal. Par ricochet, cela en inciterait plusieurs à améliorer leurs cours. La différenciation et l’individualisation des apprentissages sont d’autres moyens par lesquels l’école peut intéresser les élèves.

• Un centre commercial est étroitement lié à la vie des gens. Il sait toucher la fibre sensible et le personnel fait des pieds et des mains pour répondre aux demandes des clients. L’école, au contraire, se soucie fort peu du domaine affectif. La cognition y règne en maître; tout est réglé comme une horloge. Elle gagnerait à faire en sorte que la vie y soit plus agréable. L’évidence saute aux yeux sur le plan de la motivation.

• Un centre commercial offre un contenu contemporain et changeant. Son contenu est pertinent et actuel, tout comme la présentation des produits. Sur ce point, les écoles doivent moderniser leurs équipements et exploiter les multiples avantages offerts par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. C’est à la fois une question de perception chez les élèves, d’efficacité des moyens du point de vue des utilisateurs, et des compétences à développer.

• L’architecture d’un centre commercial répond également aux besoins des usagers. En agrémentant leur séjour, elle retient les visiteurs. Les allées sont larges, l’éclairage reposant et les aires de repos disséminés ici et là. À l’opposé, les écoles sont souvent des lieux vétustes et malsains où l’on empile les élèves dans des classes trop petites. Ou bien les corridors sont déserts, ou bien on s’y bouscule. Par souci de surveillance, les aires de repos ressemblent davantage à des enclos. Même les éducateurs trouvent l’environnement déprimant.

• Un centre commercial offre un contenu compétitif. Chaque boutique fait de son mieux pour attirer les passants. Les vitrines rivalisent d’audace pour capter l’attention. Malheureusement, les écoles publiques sont des modèles d’uniformité dans le cloisonnement. Les classes se suivent et se ressemblent, du moins en apparence. La culture d’isolement ne favorise guère l’émulation entre les professeurs. On aurait avantage à modifier les structures de travail pour favoriser les communautés de pratique, notamment sur le plan de la gestion participative. La direction doit catalyser le passage d’une culture d’isolement à une culture de réseau, consciente que l’émulation au sein d’un groupe est plus profitable que la compétition entre individus.

(Image thématique : Discrepencies Too Great to Ignore, par Tammy Grimes)


Par ricochet :

L’autonomie d’apprentissage

Motivation, plaisir et gratification

Il n’y a pas que les notes qui comptent

L’apprentissage personnalisé

Typologie du plaisir motivationnel

Repenser les environnements d’apprentissage

Libérer les programmes

L’école d’hier et de demain

Neurosciences, cognition et affectivité

Une école libre et démocratique

Les écoles : un milieu malsain


La culture de réseau: Une utopie parmi tant d’autres! (Fabulations réelles dans un monde virtuel)

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7 réponses

  • Ana (anabaz.ca) dit :

    Il est vrai François qu’un parallèle peut également être fait avec les écoles.

    Reste à trouver des façons pour réorganiser le tout! ;-)

  • Maurane C. dit :

    Waouhh! Quels parallèles. Mon école n’est pas si mal, mais un réaménagement du type « Place Lo » (!) serait vraiment génial. Je crois aussi qu’une réorganisation redonnerait du dynamisme à l’école et motiverait les élèves. Ceux-ci seraient selon moi plus motivés et énergiques.

  • Maurane, tu peux croire Ana : c’est pas pour demain. Remarque que si tous les élèves étaient de ton acabit, il y a longtemps que les écoles seraient transformées :-)

  • Nelson Magoon dit :

    C’est très songé!! Voilà une bonne représentation des défis de nos écoles. Un directeur y retrouve certainement les bases d’un plan d’amélioration. Je crois que la rédition des comptes (red tape)étouffe le changement, car l’innovation n’est pas toujours planifiée. On doit laisser place à l’instinct et à l’imagination

  • Bien qu’il s’agisse d’un parallèle imaginatif, je t’avouerai, François, qu’il me met mal à l’aise. J’admets tout de suite que je suis affligé d’un préjugé personnel défavorable à l’égard des centres commerciaux. Je ne les aime pas.

    Les lecteurs de ce commentaire sont donc avertis

    Je n’ai pas l’impression que les centres commerciaux « offrent une variété d’expérience ». Ils n’en offrent qu’une seule, la consommation.

    À mon avis, les élèves ne sont pas des clients et l’école n’est pas une cafétéria.

    Par ailleurs, les centres commerciaux n’offrent strictement rien qui invite à la curiosité, au dépassement de soi-même, à l’effort dans la réalisation de quel que projet personnel que ce soit.

    Les centres commerciaux n’ont qu’une seule stratégie : la séduction. Tous le reste n’est que tactique.

    Bon j’arrête la critique ici. Je constate que j’arrive difficilement à avoir un regard positif sur les centres commerciaux.

    Pour terminer sur une note un peu plus positive, je te dirais aussi que dans les quelques occasions où j’ai parlé à mes élèves de leur habitude de fréquenter les centres commerciaux, il m’a semblé qu’il s’agit principalement pour eux d’un lieu de socialisation. Comme pour les personnes âgées qui s’y retrouvent autour d’un café afin de socialiser justement.

    Je me rappelle d’ailleurs avoir eu une période similaire quand j’étais ado. Il n’y avait de centre commercial dans mon quartier, mais, avec quelques amis, nous arpentions la rue Mont-Royal pendant des heures dans l’espoir que le hasard nous permettrait de faire d’heureuses rencontres ;)

  • Au « laisser place à l’instinct et à l’imagination » proposé par Nelson, auxquels j’accorde aussi la priorité, j’ajoute tout de même sur les bases de l’expérience et de la théorie.

    Je fuis moi aussi les centres commerciaux comme la peste. J’ai même abandonné les supermarchés pour fraterniser avec l’épicier du quartier. André fait une bonne énumération des points négatifs des centres commerciaux et la liste, une fois terminée, serait cent fois plus longue que les avantages. Il ne faut pas fermer les yeux pour autant sur certaines caractéristiques dont les écoles peuvent bénéficier. Celles-ci ont besoin de toute l’aide qu’on peut leur apporter.



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