RateMyProfessors vs l'évaluation formelle


FrantzProfessor.jpgTrès vite, un professeur devient un vieux professseur.
(Daniel Pennac)

Dans un cas qui s’apparente à la notion d’intelligence des groupes popularisée par James Surowiecki dans The Wisdom of Crowds, une étude (PDF) publiée dans la revue Practical Assessment, Research & Evaluation établit une corrélation entre les appréciations sur le site RateMyProfessors et les évaluations formelles des professeurs faites dans le cadre des cours (Inside Higher Ed : Could RateMyProfessors.com Be Right?). La corrélation est surtout évidente pour les professeurs qui sont appréciés des étudiants. À ce propos, une autre étude a établi que les professeurs les plus populaires sur RateMyTeachers sont ceux que l’on juge ‘hot’ ou qui corrigent moins sévèrement (Inside Higher Ed : ‘Hotness’ and Quality).

Rien ne permet de conclure que la même corrélation existe pour les enseignants du secondaire. Ma principale critique de ce genre de site concerne moins la validité que l’éthique. Est-il acceptable de faire l’évaluation systématique d’un individu sur la place publique, et pour la postérité de surcroît? Contrairement à la nature fugace des sondages, ces sites ont un caractère d’immuabilité. En inversant les rôles, on ne tolérerait pas que les institutions académiques publient sur la Toile les résultats des étudiants; l’inadmissible à l’endroit des étudiants vaut aussi à l’égard professeurs. Par ailleurs, comment justifier que ces derniers, en raison de la nature de leur travail auprès des jeunes, doivent se soumettre à un tribunal populaire? L’identité et la vie privée sont toujours, à ce que je sache, des valeurs sacrées. L’éducation éthique aux nouvelles technologies s’impose plus que jamais pour ne pas fragiliser le tissu social.

(Image thématique : Professor Luis Hubert Farabeuf and His Students, par J-p. Frantz)


Par ricochet :

La technologie de la violence

Implications éthiques des TIC : rapport de l’UNESCO

Sensibiliser les jeunes à l’éthique de la publication

Nécessité d’enseigner l’éthique

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9 réponses

  • Luc Papineau dit :

    À l’occasion, à ma connaissance, ce site a servi à salir la réputation de certains professeurs en faisaient courir des accusations fausses. Et je dois avouer que je me suis amusé à y coter mes collègues à l’aide de commentaires humoristiques et positifs. Trois ou quatre visites sur ce site et l’évaluation d’un de mes collègues a pris de la vigueur! Pour la validité, on repassera!

  • Très astucieux!

  • Luc Papineau dit :

    Il faut bien motiver les troupes!

  • M. Papineau a la bonne solution, combattre le feu par le feu !

    Ce qui ferait que ces évaluations des « élèves » perdraient absolument tout intérêt pour eux, et pour le reste de la planète.

  • Pour continuer dans la même idée, on pourrait faire la même chose dans le bulletin de la ministre :

    Pour tous les élèves qui ont A, on donne 80%,
    B : 70%
    C : 60%
    D : 50%
    E : 40%

    La moyenne du groupe, dans l’fond, serait toujours autour de 65, et la note ne voudrait absolument plus rien dire aux parents.

  • « l’inadmissible à l’endroit des étudiants vaut aussi à l’égard professeurs. » Je vais me faire l’avocat du Diable en arguant que, contrairement aux élèves, le professeur 1) doit avoir une certaine expertise et certaines qualifications, 2) il est rémunéré et 3) il rend un service à la communauté et est donc imputable vis-à-vis d’elle.
    Ceci étant dit, je suis tout à fait d’accord par rapport au peu d’éthique de ce genre de cirque. Pour ce qui est de la validité des évaluations, les meilleurs profs que j’ai connus, ceux qui apportaient le plus à leurs étudiants (que ce soit au secondaire, au cégep ou à l’université), avaient tendance à ne pas être toujours aimés de ceux-ci.

  • Si la stratégie de Luc est astucieuse, celle de Gilles est diabolique ;-)

    Les trois points soulevés par Marc André sont vrais, quoique the devil is in the details comme on dit en anglais et pour faire un jeu de mot sur l’avocat du diable qu’il joue très bien. Le premier point s’applique évidemment à toutes les professions et ne saurait discriminer les professeurs. Idem pour le second, quoique le fait d’être traîné sur la place publique n’a jamais fait partie des risques du métier. Quant à la question d’imputabilité, tout à fait justifiée, la fin ne justifie pas les moyens. De plus, tous ces arguments sont subordonnés à des principes que je juge supérieurs, ce qui à mes yeux les invalide. Par ailleurs, je ne vois pas dans notre contrat social où il a jamais été admis que l’on pouvait mettre au ban de la société les membres d’une profession plus qu’une autre. Il est vrai qu’Internet a changé la donne; de là l’importance d’un débat éthique et social.

  • Luc Papineau dit :

    Désolé de vous contredire, M. Guité, mais les enseignants peuvent être traînés sur la place publique puisqu’on leur demande de constituer, en quelque sorte, des modèles sociaux. Dans certains cas, ils peuvent perdre leur permis d’enseignement s’ils sont reconnus coupables d’accusations criminelles n’ayant pas un lien direct avec leur métier. En me préparant pour l’émission «Il va y avoir du sport» sur l’établissement d’un ordre professionnel, je suis tombé sur un cas ou un vol de téléviseurs avait conduit une CS ontarienne à se départir des services d’un enseignant. Plutôt spécial!

  • Les enseignants sont effectivement plus susceptibles d’être exposés en public en cas de délit. Luc a raison. Ils exercent une profession dont on s’attend à de hautes valeurs morales, comme un médecin, un juge, ou un prêtre.



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