L'école de la menace


NolanThreatHigh.jpgMenacer n’est pas répondre. (Jean-Paul Sartre)

La rentrée est toujours un moment excitant, tant pour les enseignants que les élèves soucieux de leur éducation. Les premiers sont ragaillardis à l’idée de jeter de nouveaux éléments dans la cornue de la classe. Quant aux élèves, le plaisir de retrouver les amis s’ajoute à l’impatience des découvertes à venir. À défaut de résolutions, la plupart sont remplis de bonnes intentions. Cela est particulièrement vrai au P.E.I. où les élèves sont parmi les meilleurs. Sauf que quelques éclaboussures ont un peu gâché ce tableau.

Les élèves n’étaient pas sitôt assis ce premier matin que la directrice saisissait le microphone pour dénoncer les agissements de quelques élèves de dernière année. Une heure plus tard, alors qu’elle s’adressait aux élèves de premier cycle du P.E.I. réunis dans une grande salle, les écarts de comportement ont encore occupé une large partie de son discours, tout comme celui du directeur adjoint qui a suivi, frappant sur le même clou. Comme si cela ne suffisait pas, certains tuteurs ont surenchéri sur le même sujet et des professeurs ont profité d’une courte rencontre pour marteler les règlements de la classe. Cela fait un total de cinq fois, en moins de trois heures, à se faire tirer les oreilles à propos des écarts de conduite. En guise de première lecture, des classes complètes ont dû lire les règlements de l’école. Tout un accueil!

Qu’on ne se méprenne pas; certains règlements sont nécessaires. La spécificité de l’école requiert des règles qui débordent des conventions sociales. Par ailleurs, les directeurs ont la responsabilité d’assurer la qualité du milieu de vie, une tâche herculéenne dans une enceinte où s’entassent des centaines d’adolescents. Ainsi, ce reproche ne saurait porter préjudice à l’ensemble de leur travail.

Toutefois, il faut mesurer les interventions. Je regrette seulement que la direction s’engage d’emblée dans la coercition sans consulter les enseignants, car cela a indéniablement des répercussions dans la classe. En jouant sur la fibre affective, on modifie l’environnement d’apprentissage et, par conséquent, les stratégies pédagogiques. De toute façon, la gestion du comportement des élèves se fera beaucoup mieux si professeurs et direction agissent de concert.

Je suis surtout chagrin que l’on conçoive l’école comme un lieu dangereux, surtout au premier jour. Quand la plupart des élèves se comportent bien, il n’est pas nécessaire de recourir à la peur pour quelques incartades futures. L’école, au contraire, devrait être un lieu qui rayonne de la joie d’apprendre. On devrait y faire la fête au premier plutôt qu’au dernier jour. Même les entreprises ont compris que les gens heureux sont plus productifs. L’obéissance n’est plus une vertu si elle doit mener à la servilité.

(Image thématique : Threat from a High, par Isabel Nolan)


Par ricochet :

Motivation, plaisir et gratification

L’école devrait être un Cirque

Typologie du plaisir motivationnel

La science du bonheur

Les neurosciences et la joie d’apprendre


La rentrée des élèves (Variations sur thèmes)

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5 réponses

  • Clément Laberge dit :

    Au Québec, nous faisions une fête de la rentrée avec les enfants du voisinage et des amis. Une belle fête, avec des surprises, des discours d’encouragement, de la couleurs, de la musique, de quoi manger: du ravissement. Et les enfants *adoraient*.

    Pour mémoire:
    http://carnets.opossum.ca/remolino/archives/2005/08/la_fete_de_la_r.html

    Je pense que tu as raison de suggérer qu’on pourrait/devrait imaginer la même chose dans les écoles…

    …et d’ailleurs, si on le faisait tous les ans, dès le primaire, et que les enfants apprenaient à célébrer le retour à l’école, le retour à l’effort et aux exigences de la vie collective et des rythmes imposés… on assisterait sans doute à moins de débordements au moment des « initiations» universitaires.

    Bon courage en ce début d’année!

  • Tu as raison, François, on devrait peut-être accentuer le côté festif de la rentrée.

    Là où je sévis, je dirais que le ton général est celui du plaisir de se retrouver et de la bonne humeur.

    La fin de semaine dernière, après une semaine marquée par la rentrée et les trois premiers jours de classe, je me suis fait la remarque que le climat semblait excellent à l’école. Les élèves comme le personnel m’ont paru souriants, détendus, de bonne humeur. C’est très agréable.

    Par ailleurs, je n’ai pas besoin d’aller lire le billet auquel nous renvoie Clément. Je me rappelle très bien l’avoir lu. Si je m’en souviens si bien, c’est que l’idée m’avait beaucoup frappé tant elle m’avait plu.

    J’en profite pour te souhaiter une belle année scolaire, François.

  • Luc Papineau dit :

    Je vous trouve très courageux de parler ouvertement de cette situation. Tout cela me fait penser que les école PEI sont parfois, au fond, des écoles publiques privées ou des programmes de douance déguisés. Les valeurs du PEI, elles, sont moins importantes…

  • Mon coeur balance entre dire: Bravo pour le courage de décrire la situation ou « Farme ta yeule ». Je cite Patrick Huard, ici bien sûr.

    La liberté d’expression se termine là où l’image de l’employeur peut être entachée. Je parle par expérience ici.

    Voyez-vous, aujourd’hui comme demain, votre employeur pourrait s’attaquer à vous en disant que vous trangressez votre contrat de travail. Ce dernier stipule que vous devez « loyauté » envers votre employeur. Ce qui veut dire que vous ne pouvez parler ouvertement d’une situation dans votre école comme vous venez de le faire.

    Heavy… n’est pas?

    Est-ce que je suis en accord avec cela? Pas une maudite minute. Mais, bon cela pourrait-être une autre débat.

    J’admire votre franc parler et j’espère que cela nous vous coûtera pas le prix de vos convictions. Les miennes ont été dispendieuses…

  • Merci de l’avertissement, Louis. Je suis désolé de ce qui vous est arrivé.

    Je ne crois pas qu’il y ait de quoi fouetter un chat. Personnellement, ma loyauté va d’abord aux élèves. Néanmoins, j’ai éliminé quelques aspérités du texte; une relecture m’a laissé entrevoir que certains mots avaient dépassé ma pensée.

    Clément me rappelle un événement formidable auquel j’ai eu le plaisir d’assister. Je ne me pardonne pas d’avoir négligé d’y faire référence. André, à qui je souhaite également une bonne rentrée, semble avoir une fichue de bonne mémoire, bien meilleure que la mienne.

    Je profite de l’occasion pour souhaiter une bonne année à Luc, lui-même enseignant.



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