Précisions aux lecteurs


ErdieDifferentPerspective.jpgEn réalité, chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même. (Marcel Proust)

Les raisons qui nous motivent à écrire sont trop nombreuses pour faire l’unanimité. Le blogue n’est qu’un des moyens par lesquels je m’exprime, tout aussi imparfaitement avec les uns que les autres. Je n’ai aucune prétention à la grandeur. La lecture m’a appris l’humilité très tôt, une leçon que l’âge et la bienveillance de mes amis n’ont fait que confirmer. On relèvera une antilogie dans cette humilité et l’écriture en ligne; je préfère y voir une croissance mutuelle.

Le superbe coup d’éclat du Web est d’avoir ouvert l’agora à quiconque veut y entrer, spectateurs comme tribuns. Cette libre assemblée se prête merveilleusement à la cacophonie et au désordre, un pandémonium qui m’enchante, car il rassemble en toile de fond toute l’embrouille de l’espèce humaine et permet enfin de situer l’action dans une compréhension globale. Dans ce contexte, l’acceptation de la diversité devient une compétence.

Il y aura toujours, dans une assemblée, des gens pour s’élever au-dessus de la mêlée. On le voit bien aujourd’hui dans leur insistance à promouvoir leur présence en ligne. La chasse aux ‘amis’ dans Facebook est un phénomène plus notoire que ceux qui s’y adonnent, et les ‘communautés’ Twitter ressemblent davantage à des mosaïques qu’à des lieux de convivialité. Les articles pullulent sur les stratégies d’inflation de sa blogosphère ou de sa twittosphère. L’identité numérique est devenue un objet de marketing, voire de commerce.

Non pas que ces personnes soient entièrement intéressées. Chez ceux que je fréquente, je vois une honorable volonté de bien commun. Je constate cependant qu’il devient plus difficile de dissocier le mobile de l’action.

Dans la mesure où je peux échapper à ma subjectivité, je cherche d’abord à observer. Vu sous cet angle, je ne juge point ceux dont la présence témoigne de leurs ambitions, une qualité souvent admirable. Afin d’éviter un fâcheux malentendu, je réitère mon engagement à la diversité.

De mon côté, je refuse tant la publicité que les palmarès. Je blogue modestement, dans toute l’étendue de ma petitesse, principalement pour maintenir l’illusion de grandir et dans l’espoir que mes maigres capacités permettront de contribuer un tant soit peu à l’avancement de l’éducation.

Récemment, quelques événements m’ont laissé entendre que je gagnerais à clarifier certaines choses auprès de lecteurs qui me font l’honneur de visiter ce blogue. D’abord, il y a cet ami qui constatait un changement dans la nature de mes billets. Puis ce commentaire d’une lectrice qui déplore mon manque d’implication.

À ces lecteurs, donc, qui attendent un quelconque engagement de ma part, je suis navré de préserver d’abord ma liberté de pensée et d’action. Pour le moment, cette dernière est d’abord consacrée à mon père malade, un père que j’aime et qui a besoin de mon aide. Par ailleurs, j’ai toujours considéré l’expression comme une forme de participation.

Si je sens le besoin de présenter des excuses, c’est plutôt à l’ensemble des lecteurs qui ont l’amabilité d’engager la conversation, sans que je leur réponde. Je regrette sincèrement de laisser sécher ainsi ceux qui osent exprimer leurs idées, notamment des étudiants d’université que j’abandonne au vestibule, incapables de les recevoir.

À défaut de bloguer, permettez-moi encore d’écrire.


(Image thématique : Different Perspective, par Virginia Erdie)

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15 réponses

  • Bon courage avec ton papa. Je continue et continuerai à te lire avec beaucoup d’intérêt.

    Merci de continuer à partager malgré les circonstances.

  • Tes références sont toujours pertinentes et les études que tu partages sur ton blog/oeuvre numérique nous permettent d’approfondir nos réflexions et analyses. Merci.

  • c’était loin d’être un caprice !

    Bon courage à tous les deux !

  • Luc Papineau dit :

    Je viens lire souvent. Je commente peu. J’ai toujours cru qu’on cherchait le même port, mais pas toujours par le même chemin.

    Sois présent pour ton père. Les proches, la famille, être présent dans les moments difficiles sont des choses trop importantes pour être négligées. Mes pensées t’accompagnent.

  • Tu me vois navré de la situation! Sois assuré que mes pensée t’accompagnent.

    Pour les autres, soyons indulgents entre nous. Revenons à la base du principe « Donner au suivant »! Il n’est pas toujours simple d’être un auteur actif et d’alimenter un blogue car les circonstances de la vie ne s’y prêtent pas toujours. L’inspiration n’est pas omniprésente en soi et elle ne se commande pas sur demande. Une idée peut prendre du temps a maturer.

    Merci François de partager. Je prends toujours tes billets comme un cadeau!

    Take care

  • Merci pour ce témoignage de loyauté.

  • Je suis de ceux qui croient que l’outil ne doit pas être pas la limite. On peut faire ce que l’on veut avec cet outil de communication qu’on appelle blogue. Les passants n’ont pas à exiger quoi que ce soit de nous. J’aime lire vos billets et je ne vous ferai surtout pas l’affront de m’attendre à ce que votre point de vue soit autre que celui que vous avez choisi. Pour ce qui est de votre vie personnelle, je vous souhaite bon courage.

  • «…j’ai toujours considéré l’expression comme une forme de participation».

    Et tu as raison François.

    Par tes écrits, tu influences beaucoup.

    La prise de parole dans la sphère publique, la tienne en particulier, elle porte vers l’action, les tiennes et celles de des autres que tu inspires, j’en suis persuadé.

    Pour ce qui est de ton papa, c’est probablement «l’engagement alpha» parmi ceux que nous avons tous à considérer.

    Merci d’écrire François. La beauté avec le dialogue sur les blogues, c’est que tu pourras venir jaser quand le temps te le permettra. Nous ne perdons rien à t’attendre…

  • Guy Vézina dit :

    Je lis votre réflexion régulièrement; vous écrivez fort bien et votre style m’inspire fortement.

  • Du fond du coeur, merci!

  • Je lis tes billets régulièrement, François. Je lis donc beaucoup plus souvent que je ne commente.

    Je ne puis qu’admirer la façon gracieuse dont tu défends ici ta totale liberté de blogueur.

    Pour le reste, je suis de ceux qui , comme toi, croient que les proches sont la première priorité. Particulièrement lorsqu’ils ont un besoin pressant de notre accompagnement.

  • Me revoilà pour une de mes sporadiques apparitions web depuis quelque temps…

    Bon courage pour ton père : la maladie est qqch de pas facile à vivre et pour le malade et pour ses proches. L’accompagnement est essentiel et il apporte tout autant (mais différemment) aux deux (accompagné et accompagnateurs). Je pense à vous…

    Pour le blogue : je comprends tout ce que tu dis ici car je vis des choses qui pourraient s’inscrire en parallèle, présentement. J’ai négligé mon blogue, ma participation à un réseau, etc., le tout … pour ma famille.

    Je suis plus actif sur Twitter, mais c’est peut-être parce que on dirait que ça engage moins (moins de temps, c’est sûr) qu’un blogue ou la gestion d’un réseau… Ça permet d’être présent sporadiquement, très peu de temps à la fois…

    De toute façon, une participation web humaine, c’est comme un humain : ça fluctue, évolue, autant dans le contenu que dans la disponibilité, etc. Il y a des vagues. L’humain est tout sauf une maudite ligne droite plate ;-) Voilà !

    Bon courage !

    Amitiés !

  • S.M. dit :

    Depuis environ deux ans, je lis régulièrement votre blogue. J’ai enseigné le français au secondaire et suis aujourd’hui chargé de cours. Votre « engagement » professionnel m’impressionne et me motive. Votre blogue et les commentaires de vos lecteurs constituent, pour moi, des moyens de demeurer informé d’enjeux importants et variés autour de notre profession, de me remettre en question, d’apprendre… Je n’hésite pas à référer certaines de vos entrées à mes étudiants (env. 200 par année) et à mes collègues. Je profite du présent message pour vous manifester ma gratitude et mon respect.

  • François Guité dit :

    Je découvre que le Web tisse des liens imperceptibles, sinon dans les moments d’épreuves, comme si les sentiments en amplifiaient la soie. Merci encore une fois de votre humanité.

  • Bonjour François,

    Je suis aussi l’un de tes lecteurs réguliers – et lorsque les vagues ne nous poussent pas d’un même bord, je sais qu’on cherche sincèrement un même port…

    Pour ce qui est de l’engagement, de mon point de vue, disons simplement que tel que je l’ai déjà avancé et écrit, je crois que celui qui exprime engendre toujours plus que ce qu’il a voulu dire, en même temps qu’il ne peut jamais dire tout ce qu’il a voulu dire…

    Je ne saurais trop ajouter aux profondes remarques qui ont déjà été faites. Aussi, je me permets une citation – une simple citation qui me vient à l’esprit…

    «On ne sait jamais en quel point, et jusqu’à quel nœud de ses nerfs, quelqu’un est atteint par un mot, – j’entends : insignifiant.

    Atteint, – c’est-à-dire : changé. Un mot mûrit brusquement un enfant. Etc.»

    – Paul Valéry, Tel quel [Choses tues], dans Œuvres II, Paris, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», 1960, page 495.

    Bien sincèrement,



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